German ARCE ROSS, janvier 2016.

Interview accordée à Pauline Iuvchenko, psychanalyste à Kiev (Ukraine), sur les perspectives actuelles de la pratique psychanalytique, le vendredi 29 janvier 2016.

Comment pouvons-nous traiter en psychanalyse les événements de corps tels que le eczéma, par exemple ? Est-ce que ce traitement peut nous faire rapprocher la psychanalyse de certaines expériences orientales comme la méditation ?

Dans la question de l’eczéma, il peut s’agir de l’inscription dans la peau d’une angoisse en provenance de l’expérience de la toute première enfance, de la naissance ou même de la période d’avant la naissance. Car, dès la naissance, le nouveau-né entre normalement et pour la première fois en contact avec la peau de la mère. Ensuite, est-ce qu’il y a eu allaitement ? Quel rôle ont joué les seins, la qualité du lait, la chaleur ou l’odeur de la mère chez le nourrisson ? Aussi (et cela est très important), comment la mère a-t-elle vécu l’expérience de la grossesse, de l’accouchement et de la prime enfance ? C’est de là, de cet intense contact initial, où règnent les sens, que les événements inter-subjectifs peuvent s’inscrire comme des écritures primitives eczématiques de la période précédente, cette période que j’appelle “n’essence”, c’est-à-dire celle qui vient juste avant la naissance.

L’eczéma serait alors à considérer en quelque sorte comme un signe de la mémoire du corps, c’est-à-dire comme une mémoire affective, corporelle et inconsciente, d’une époque extrêmement chargée d’angoisse qui concernait l’expérience particulière du corps de la mère laquelle passe par le rapport de peau contre peau. L’eczéma, en tant qu’écriture corporelle primitive, sauvegarde douloureusement l’angoisse maternelle absorbée par l’enfant qui la reconstruit sous la forme du symptôme.

À cet égard, un éventuel fond anxio-dépressif de la mère, lors de la n’essence, lors de l’accouchement ou lors de l’allaitement, s’inscrit chez le nourrisson comme une hypersensibilité au contact, sous la forme de l’eczéma. Mais cela peut s’y inscrire plus tard, selon les vicissitudes de la vie familiale, selon qu’il y ait eu, ou non, par exemple, un quelconque événement rappelant l’abandon maternel, tel qu’une absence prolongée de plusieurs jours, semaines ou mois. Cependant, il faudrait peut-être considérer, plus précisément, l’eczéma comme le résultat d’une combinaison entre un risque d’abandon et une hyper-possessivité maternelle, laquelle s’exerce par un contact corporel angoissé de la mère au nourrisson.

Ces événements inter-subjectifs, intervenant dans les phénomènes psychosomatiques et dans les événements de corps, peuvent être approchés, situés, traités et élaborés symboliquement, dans des états un peu hypnotiques qui ne manquent pas de se produire en psychanalyse.

Mais alors, si cela est vrai, pourquoi la psychanalyse ne pourrait pas être remplacée par la méditation par exemple ?

Parce que méditation et psychanalyse, bien qu’elles aient quelques petites similitudes, ce sont des choses très différentes. La méditation ne serait que l’un des aspects présents parmi d’autres dans une psychanalyse. Dans la méditation, on a un rapport serré avec soi-même, tandis que dans la psychanalyse on est en rapport constant avec un Autre.

Parfois, quelques moments des séances de psychanalyse peuvent se comparer avec les états de méditation. Mais, ces moments fugaces de méditation en analyse, où prime un silence très particulier chez l’analysant — lequel n’est pas d’ailleurs un silence de résistance, mais plutôt l’effet d’une réflexion approfondie sur ce qui vient d’être dit —, sont en vérité des états de méditation communiqués à l’Autre. Dans l’analyse, on invite l’Autre à participer de sa “méditation” inconsciente.

German ARCE ROSS. Paris, février 2016.

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