German Arce Ross. Paris, mars 2017.

La Psychose maniaco-dépressive est-elle une maladie ? 2/2

Celle-ci est notre 99ème vidéo. Bientôt notre vidéo numéro 100 !

Deuxièmement, il y a le rapport du sujet à un aspect bien particulier du langage qui prime dans la famille, à savoir un aspect très lourd, hallucinatoire ou délirant du langage, par où il devient presque comme un Autre interlocuteur. Cet interlocuteur-tiers, purement signifiant et foncièrement maniaque, peut se substituer lourdement à l’interlocuteur réel du sujet, au point que celui-ci entre en communication exclusive avec les signifiants que cet Autre exprime.

Le langage, dans sa version maniaque, bien que parfois mélancolisée, peut pousser le sujet à délaisser l’Autre réel au profit des signifiants lourds et chargés de négativité qu’il exprime. Le sujet prélève et capte en lui-même, dans une relation très intime et hyper-privilégiée, les signifiants, les emblèmes, mais aussi ces chaînes d’espaces vides ou de facteurs blancs qui viennent de l’Autre et qui commencent à hanter la nouvelle réalité en ruines du maniaco-dépressif. Le sens et la signification de ces éléments maniaques de langage possèdent une charge de négativité, de catastrophe, de ruine, de culpabilité et d’indignité, dont le sujet ne peut se libérer si facilement.

Cela peut arriver lorsque la mère, par exemple, utilise ces mêmes éléments de langage, c’est-à-dire les signifiants, les objets a et les facteurs blancs, pour se concevoir et situer elle-même dans un monde catastrophique et rempli de ruines psychiques. Le nihilisme maniaque de la mère rejaillit sur l’enfant en envahissant comme un tsunami le monde langagier de celui-ci. Ceci peut être la source du fait que le sujet maniaque, plus que d’avoir une relation simple aux autres, possède une relation étroite et mortifère avec un langage répétitif, par consonance, par pure association métonymique ou acoustique, par sens ou par combinaison phoniques envers le néant de la vie et du désir.

Troisièmement, il y a à considérer le rapport du sujet à des émotions et à des affects précoces, froids, vides, morts, concernant sa venue au monde et sa prime enfance. La naissance du sujet devient, pour lui et pour sa mère, un non-événement. L’enfant ne “prend” pas chez la mère, il n’a pas de consistance émotionnelle ni affective pour elle et donc, forcément, pour lui non plus.

Nous connaissons trois grands modèles négatifs des événements psychiques : les modifications des conditions habituelles de vie, les événements de perte et les événements de rupture. Mais ici nous sommes en train de parler d’un quatrième modèle négatif des événements psychiques, à savoir le non-événement. Ici, il s’agit non pas de la prééminence de l’affect mais bien plutôt de l’affect du manque d’affect. Celle-ci est l’une des définitions des facteurs blancs.

La maladie mentale, la perturbation psychique ou plutôt la déstructuration psychogénique d’ordre maniaco-dépressif équivaut ainsi à une combinaison de ces trois éléments dont nous venons de parler. À savoir, la discontinuité de l’histoire de vie opérée par des événements contradictoires en association malsaine et négative, la relation nihiliste au langage aussi bien que l’affect du manque d’affect.

Texte et voix : German Arce Ross, Paris, mars 2017.

Bibliographie

ARCE ROSS, German, Manie, mélancolie et facteurs blancs. Préface du Professeur Georges Lantéri-Laura. Collection Le Miroir des Savants. Beauchesne, Paris, 2009

ARCE ROSS, German, La Fuite des événements. Les Angoisses altruistes dans les suicides maniaco-dépressifs, Huit Intérieur Publications, Paris, 2016