German ARCE ROSS. Paris, le 25 décembre 2017.

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Quel âge psychique pour le consentement sexuel ? », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2017.

What psychic age for sexual consent?

We know very well that the legal age when a teenager not only may consent to the sexual act, but especially control the consequences of this consent does not correspond to the actual psychic age, which varies greatly according to the subject and the history of each family. That is why we need, in addition to consent, to focus on the abilities of adolescents to channel, integrate and protect themselves from the sometimes destabilizing effects of sexual jouissance.

It is more than necessary and urgent to give a clear and strong answer to these questions. Since the psychosexual basis of individual violence, such as violence against women, for example, lies in the excessive tolerance or in the weak prohibition that a society can exert with regard to acts of pedophilia and incest.

¿Qué edad psíquica para el consentimiento sexual?

Sabemos muy bien que la edad legal para que un adolescente no sólo consienta al acto sexual, pero sobre todo pueda controlar las consecuencias de este consentimiento, no equivale a la edad psíquica real, que varía mucho según el sujeto y según la historia de cada familia. Es por eso que necesitamos, además del consentimiento, centrarnos en las habilidades de los adolescentes para canalizar, integrar y protegerse de los efectos a veces desestabilizadores del goce sexual. Además, se debe tener en cuenta la edad de la pareja.

Es más que necesario y urgente dar una respuesta clara y contundente a estas preguntas. Puesto que la base psicosexual de la violencia individual, como la violencia contra las mujeres, por ejemplo, radica en el exceso de tolerancia, o en la débil prohibición, que una sociedad puede ejercer con respecto a los actos de pedofilia y del incesto.

Quel âge psychique pour le consentement sexuel ?

Nous savons très bien que l’âge légal pour qu’un adolescent puisse non seulement consentir à l’acte sexuel, mais surtout maîtriser les conséquences de ce consentement n’équivaut pas à l’âge psychique réel, lequel est très variable selon chaque sujet et selon l’histoire de chaque famille. C’est pour cela que nous devons, en plus du consentement, nous intéresser aux aptitudes des adolescents pour canaliser, intégrer et s’auto-prémunir des effets parfois déstabilisateurs de la jouissance sexuelle. Également, une considération sur l’âge du partenaire devrait être prise en compte.

Il est plus que nécessaire et urgent de donner une réponse claire et forte à ces questions. Car la base psychosexuelle des violences individuelles, comme les violences contre les femmes par exemple, se situe dans l’excès de tolérance, ou dans la faible interdiction, qu’une société peut exercer vis-à-vis des actes pédophiles et de l’inceste.

Pour étudier la question de l’âge psychique pour le consentement sexuel, il faudrait d’abord établir la distinction entre ce que j’appelle hétérosexualité de fond, hétérosexualité instable et hétérosexualité accomplie. Et situer ensuite le passage entre la protosexualité appartenant à l’hétérosexualité de fond et l’hétérosexualité instable. Essayons donc de définir ces trois termes de la progression de la sexualité chez l’enfant et l’adolescent.

Premièrement, l’hétérosexualité de fond se trouve chez tout être non-intersexes, à savoir qu’elle appartient à tout être né avec un seul sexe fonctionnel et non pas seulement anatomique, qu’il soit masculin ou féminin. Cela ne préjuge pas de l’orientation sexuelle que le sujet embrassera en grandissant, puisqu’il appartiendra forcément à l’un des pôles binaires de l’hétérosexualité de fond. Cette protosexualité de base, qui est ludique, plastique et polymorphe, se passe du souci pour la reproduction, pour la mise à l’écart de l’inceste et pour des questions qui seront plus tard spécifiques à chacun des deux sexes, car elle n’est pas marquée par ces impératifs réels et symboliques. C’est dans la protosexualité que l’on peut situer la sexualité de l’anthropoïde, des enfants et même des pédophiles, lesquels restent fixés à une sexualité infantilisée sans avoir atteint l’hétérosexualité accomplie.

Deuxièmement, l’hétérosexualité instable est celle qui réunit de préférence deux sujets de sexe différent dans la pratique concrète de l’acte sexuel. Elle ne suppose pas l’hétérosexualité accomplie, car on peut trouver dans ce cas également des bisexuels et des homosexuels temporaires ou définitifs, c’est-à-dire des sujets qui font jouer au partenaire de même sexe le rôle de l’Autre sexe ou inversement.

Troisièmement, l’hétérosexualité accomplie implique une restriction radicale, bien que spontanée et constructive, pour des partenaires adultes du sexe opposé, sans aucune alternance avec des partenaires du même sexe mais ayant intégré les formes protosexuelles dans les soucis réels et symboliques de l’échange avec l’Autre sexe. Cela veut dire, entres autres conditions, que l’hétérosexualité accomplie implique une reconnaissance corporelle (plus qu’intellectuelle et affective) de la jouissance Autre, comme signe indiscutable de l’Autre sexe dans la pratique érotique.

Définition de la protosexualité

Pour définir la protosexualité, nous pourrions commencer par dire, de façon très générale, qu’il s’agit de la mise en acte de la sexualité infantile, laquelle se rapprocherait aussi, sous certains aspects, de la sexualité de l’anthropoïde avant l’instauration du sacré et de la Loi. De façon plus pragmatique, il s’agirait d’une sexualité existant avant ou pendant l’accomplissement des processus de puberté, lesquels processus corporels et psychiques peuvent durer jusqu’à 18 ans environ.

Un autre aspect de la protosexualité est que, en tant que pratique sexuelle qui ne (re)connaît que très partiellement le caractère sexué (homme-femme) des organes sexuels, elle n’a pas forcément comme orientation exclusive l’Autre sexe. Plus précisément, dans la protosexualité, il n’y a pas de reconnaissance de la fonction de reproduction dans l’acte sexuel, car la question ne se pose pas pour le corps des enfants. En tout cas, elle ne se pose pas pour leur corps dans leurs échanges affectifs et sensuels, s’ils ont lieu. S’en passant de l’Autre sexe et de la jouissance Autre, aussi bien qu’en les ignorant, la protosexualité comporte une multiplicité de sensations sensuelles polymorphes.

La protosexualité est considérée comme étant libérée et existante avant l’instauration complète des totems et des tabous, libérée avant l’irruption des angoisses liées à la performance ou à la capacité à éprouver l’orgasme, libérée de la plupart des contraintes liées aux risques de la procréation, c’est-à-dire des situations problématiques en ceci qu’elles commandent la honte et la pudeur, ou la jalousie et le désir de possession, le sentiment de culpabilité et les angoisses sexuelles. Se situant donc, avant tout, comme libre jouissance du corps, avant la rigidification complète des refoulements et de la répression, la protosexualité offre un large panel de plasticité de l’acte et des plaisirs, sans hégémonie de la génitalité. C’est dans ce terrain ludique que peut prospérer la sexualité anomique et la pédophilie, et c’est en ce sens, que l’on peut dire qu’il n’y a pas de pédophilie sans protosexualité et qu’il n’y a pas de violences pédophiles sans sexualité anomique.

En son temps, Lacan a critiqué l’élément hypersexuel au tout début de la sexualité anomique qui gagnait la civilisation occidentale entre les années 60 et 70. À cet égard, pour Lacan, « la sexomanie envahissante n’est qu’un phénomène publicitaire. […] Que le sexe soit mis à l’ordre du jour et exposé au coin des rues, traité comme un quelconque détergent dans les carrousels télévisés, ne comporte aucune promesse de quelque bénéfice. Je ne dis pas que ce soit mal. Il ne suffit certainement pas à traiter les angoisses et les problèmes particuliers. Il fait partie de la mode, de cette feinte libéralisation qui nous est fournie, comme un bien accordé d’en haut, par la soi-disant société permissive. Mais il ne sert pas au niveau de la psychanalyse » (Lacan, 1974).

Misogynie pédophile et abaissement de l’âge légal pour le consentement sexuel

Dès les années 60 et surtout entre les années 70 et 80, il y a eu une claire prise de position de quelques observateurs, dont certaines féministes éclairées, contre les pédophiles identitaires.

Selon Leïla Sebbar, le discours sur la pédophilie est toujours tenu par des hommes. Pour elle, « devant le silence et la perplexité où se tiennent les femmes en particulier celles du “Mouvement” sur la pédophilie et tout ce qui touche à l’enfance et ses représentations, l’amour des enfants, le désir pour des enfants, la liberté de corps des enfants… il y a eu urgence, soudain, non pas à prendre position dogmatique, mais à savoir quelle est notre place, femme, mère, dans cette histoire qui est la nôtre… Corps de femme d’où naît un enfant, réel ou mythique, et c’est ce qui fonde la différence d’avec un homme, plus tragique s’il est pédophile. Une femme n’est pas pédophile ou toutes les femmes le sont, parce qu’un enfant est toujours possible en son ventre » (Sebbar, 1980). Si, pour Leïla Sebbar, la pédophilie est une exclusion de la femme, sous la forme surtout d’un rejet extrême du féminin maternel, pour d’autres comme Xavière Gauthier, le pédophile est à concevoir également comme un misogyne radical (Idier, 1980). Nous pouvons vérifier, comme c’est le cas dans ces deux exemples, que l’on a très souvent tendance à faire du pédophile un sujet non seulement homoérotique mais, en plus, profondément misogyne (Ambroise-Rendu, 2014).

Pour commencer à comprendre le lien entre un certain type d’homoérotique et la pédophilie, rappelons que, lors des années 60 et 70, beaucoup d’intellectuels homosexuels et identitaires défendaient le “droit” d’avoir des relations avec des mineurs, ce que les pédophiles souhaitent également. Ainsi, par exemple, en 1974, le militant anarchiste et homosexuel Daniel Guérin signe, dans le magazine homosexuel Marges, un article intitulé « Pour le droit d’aimer un mineur ». S’il considère comme bénéfique l’avancée permise par la loi du 5 juillet 1974 qui abaisse l’âge de la majorité civile à 18 ans, il préconise une évolution plus franche et plus rapide, allant jusqu’à reconnaître et à encourager la sexualité des mineurs. « Jouissant d’une liberté de ton qu’on ne peut plus retrouver aujourd’hui, ce discours contemporain sur la sexualité préadolescente et infantile vise à donner le droit à la sexualité et à la responsabilité du désir aux plus jeunes » (Marchant, 2006). Il me semble que ces propos ne laissent pas de doute sur le fait que les militants d’un certaine homosexualité faisaient clairement l’apologie de la pédophilie infantile, pré-adolescente et adolescente.

Dans le livre l’Enfant et le pédéraste, Benoît Lapouge et Jean-Luc Pinard-Legry (1980), deux écrivains homosexuels, critiquent au contraire de manière radicale la misogynie qu’ils croient également appartenir à la pédophilie ainsi que la fausse question du consentement sexuel des enfants. Pour eux, à juste titre, il est impossible d’exiger le consentement d’un enfant pourvu qu’il n’a pas une notion claire de ce qu’est la sexualité ni ce que cela implique. D’autant plus s’il se trouve manipulé émotionnellement ou érotiquement par l’autorité transférentielle de l’adulte agresseur.

Pendant longtemps, le Code pénal a prévu des peines spécifiques pour interdire les relations homosexuelles avec des personnes mineures. Si le Code de 1810 ne spécifiait aucune majorité sexuelle et, par conséquent, aucune incrimination sur les actes sexuels d’un adulte avec des personnes mineures, « en 1832 fut créé l’attentat à la pudeur sans violence, qui punissait les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 11 ans. Une loi de 1863 fit monter cet âge à 13 ans et une ordonnance de 1945, à 15 ans. » (Bérard, 2014).

On peut se demander pourquoi le Code pénal de 1810 ne prévoyait ni de majorité sexuelle ni d’incrimination spécifique concernant la sexualité avec des mineurs. Ce n’est pas tout simplement parce qu’avant la Révolution française, il n’y avait pas suffisamment de cas de pédophilie avérés pour en faire un fait de société ou un trouble de civilisation ? Ou en tout cas, si le concept manquait ou n’était pas nécessaire d’en être créé, ce n’est pas parce que ces attaques sexuels n’en étaient pas conséquents à l’époque ? Ces violences sexuelles sur mineurs n’ont-elles réellement commencé à exister, en tant que phénomènes sociaux étendus, que lors du XIXème siècle, comme un sous produit des Lumières ? Ce phénomène pathologique ne s’est-il pas accéléré à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, avec l’avènement progressif de la haine de la civilisation occidentale, de la société identitaire et de la revendication sociétale ? Toute cette période de plus de deux siècles n’est-elle pas une profonde misogynie qui, non seulement ignore la jouissance féminine Autre, mais surtout empêche aux femmes de s’occuper des enfants comme elles l’entendent et comme il se doit ?

D’après notre clinique quotidienne, nous savons que la très grande confusion des rôles et des fonctions dans la paternité et la maternité que l’on connait depuis les années 70 produit des troubles importants, en termes d’érotisme, d’amour et de sexualité entre les sexes, dans les nouvelles générations (Arce Ross, Bouleversements de l’intimité partagée, 2006). Suivant ce même fil logique, on peut lancer l’hypothèse selon laquelle plus on retire aux femmes le droit et le devoir de s’occuper des petits enfants, des enfants et des adolescents, ou plus elles-mêmes démissionnent des tâches maternelles existant depuis le début de l’humanité, et plus on voit ressurgir le phénomène pédophile.

À cet égard, nous pouvons faire référence au témoignage d’un homme qui avait été victime du prêtre pédophile John J. Geoghan, dont le cas avait fait l’objet d’une large enquête effectuée par le journal Boston Globe, enquête devenue matière aussi d’un film appelé Spotlight (Tom MacCarthy, 2015). Il se trouve que le très affable prêtre Geoghan se liait, généralement très gentiment, aux mères catholiques qui luttaient pour élever souvent seules leurs enfants. Fréquemment, en offrant son aide aux mères esseulées et dépassées par leurs tâches et en prenant les garçons pour aller acheter des glaces, ou en priant avec eux au moment du coucher, ce prêtre a facilement été accepté sans aucun soupçon.

« C’est ainsi que Patrick McSorley, 12 ans, qui vivait dans un logement social à Hyde Park, aurait été victime de Geoghan en 1986 […]. Selon McSorley, Geoghan, qui connaissait la famille depuis l’époque de St. Andrew’s, a appris le suicide du père du garçon et est venu présenter ses condoléances à sa mère schizophrène » tout en proposant au garçon d’aller acheter ensemble une glace. McSorley dit qu’il a trouvé cela très bizarre car il n’avait que 12 ans et le prêtre était un vieil homme. McSorley dit ensuite que « après avoir pris une glace, il se sentait bien. Mais alors il lui tapota la jambe et glissa sa main vers son entrejambe. “J’ai gelé”, a déclaré McSorley. “Je ne savais pas quoi penser. Puis il a mis sa main sur mes parties génitales et a commencé à me masturber. J’étais pétrifié.” McSorely a ajouté que Geoghan a alors commencé à se masturber » (Rezendes, 2002).

À partir des cas comme celui-ci, on peut s’apercevoir que, dans l’absence des femmes maternantes ou qui ne sont pas disponibles au quotidien, mais aussi et surtout devant des pères qui ne jouent pas vraiment leur rôle et fonction ou qui sont radicalement absents, il y aurait, en partie, un risque pour que malheureusement des pédophiles prennent la place délaissée. En tout cas, nous voyons avec tristesse et consternation qu’aujourd’hui, dans quelques pays dont la France, certains essaient d’effectuer le chemin opposé à celui du Code pénal pendant le XIXème et le XXème siècles, en souhaitant ou en exigeant l’abaissement de l’âge légal du consentement sexuel.

De l’âge réel à l’âge symbolique

Comme nous venons de le dire, il n’y a pas un âge fixe, réel ou précis comme point zéro pour identifier le passage exact entre protosexualité et hétérosexualité instable. Nous n’avons que des signes présents, d’abord, lors de la puberté et, ensuite, autour de la période qui s’étale entre 14 et 18 ans avec des grandes variantes cependant entre adolescents, selon les vicissitudes de leur histoire de vie et selon leur organisation familiale. En revanche, on peut supposer que, pour plusieurs raisons, l’âge moyen et surtout l’âge symbolique du passage de l’hétérosexualité instable vers l’hétérosexualité accomplie se situerait difficilement avant la période comprise entre 18 et 21 ans.

Bien souvent, à 18 ans, un jeune peut être légalement majeur mais il n’est pas tout à fait encore mature concernant les questions intimes et extimes liées à son sexe. Son rapport psychique au désir et à la jouissance est en outre largement influencé aujourd’hui par la société anomique, par les normes sociétales, par le déclin de la famille et par la transformation du père de l’autorité en père identitaire. En outre, à 18 ans, un jeune est complètement libéré du seul espace qui peut encore, tant bien que mal et toujours de façon relative, compenser la défaillance familiale, à savoir le lycée. Raison de plus donc pour ne pas consentir à un consentement légal, arbitraire ou administratif, à plus jeune que cet âge déjà assez critique.

À 18 ans, on peut se considérer comme un grand et savoir beaucoup en termes intellectuels et, de manière intuitive, sur l’humain. Mais il manque sans doute l’expérience intime de soi dans la relation aux autres, aussi bien que l’intégration extime des autres dans la relation à soi. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de l’Autre sexe, non seulement dans les projections et les déstabilisations de l’amour, mais également dans les conséquences parfois dépersonnalisantes de la sexualité. C’est ainsi que la pratique de la sexualité peut s’avérer une arme silencieuse tournée, avec exaltation et parfois avec étrangeté, contre la propre vie.

Il y a bien évidemment une minorité de jeunes qui, bien avant 18 ans, sont déjà assez stables en termes psychologiques et pour lesquels la sexualité peut être un ressort puissant dans la construction du progrès personnel. Mais ces jeunes ont bénéficié d’une structure familiale, sociale et personnelle qui lui permettent de profiter de la sexualité sans y succomber. Mais ce sont surtout quelques autres, assez nombreux, qui, par leur faiblesse psychologique ou par leurs difficultés familiales, ont plus de risques à devenir les cibles des pédophiles.

Pour ces raisons psychologiques et anthropologiques, mais aussi pour une question de précaution et de protection de la jeunesse — puisqu’il est toujours nécessaire, surtout de nos jours, d’établir des repères et des bornes, même artificielles ou symboliques —, nous préférons situer la limite du passage vers une hétérosexualité consentie, avec responsabilité et sans effets collatéraux, à l’âge symbolique de 18 ans. Il se peut évidemment qu’une minorité d’adolescents se retrouvent à ce stade, beaucoup plus tôt, c’est-à-dire à 16 ans ou même dès l’âge de 14 ans. Cependant, ces derniers se retrouvent plus facilement dans les échanges avec d’autres adolescents de leur âge et non pas avec des partenaires excédant de 4 à 6 ans leur âge.

Représentants de la NAMBLA, Association nord-américaine pour l’amour entre hommes et garçons, association de pédophiles défilant dans une Gay Pride, aux USA, pour la reconnaissance et la normalisation de la pédophilie

Peut-on concevoir un consentement sexuel pour des actes pédophiles ?

Sans aucun doute, la pédophilie et l’hébéphilie, que j’appelle aussi hébépédophilie (ou relations sexuelles entre adultes de plus de 21 ans et des adolescents de 10 à 17 ans), même en l’absence de violences ou de contraintes physiques, constituent une réelle violence psychologique car le sujet, à ces âges, n’est en général pas apte pour élaborer symboliquement les affects en provenance d’actes sexuels avec des adultes. C’est pour cela que même s’il existait un véritable consentement ou, pire, une réelle demande de l’enfant et de l’adolescent pour établir des relations sexuelles avec un adulte, celui-ci ne devrait en aucun cas accepter une telle situation et devrait se maintenir à distance. Faute de quoi, il serait l’agent d’une réelle violence psychosexuelle et affective qui détruit considérablement, entre autres, la capacité à distinguer l’amour du sexe chez l’enfant qui grandit ou chez l’adolescent.

En revanche, nous devons noter que les relations sexuelles que les enfants et les adolescents peuvent avoir entre eux ne sont pas de même nature, ni ont les mêmes conséquences psychologiques que lorsqu’elles ont lieu entre un enfant et un adulte, ou entre un adolescent et un adulte. Les enfants ont une grande capacité d’amour et ils aiment inconditionnellement leurs propres parents et, parfois, ils aiment aussi de cette façon certains autres adultes qui s’occupent d’eux avec amour et dévouement. C’est cette capacité et ce potentiel amoureux des enfants que le pédophile exploite et manipule pour extorquer un semblant de consentement érotique chez l’enfant. Et cela est aussi valable à l’adolescence.

Il est important de souligner qu’élever l’âge légal du consentement sexuel à l’âge symbolique de 18 ans n’implique pas une interdiction de la vie sexuelle entre adolescents, dans la mesure où les sanctions éventuelles, le cas écheant, reviendraient à la responsabilité des parents, à moins évidemment qu’il s’agisse d’abus, de viols ou de violences physiques ou psychiques. En revanche, élever l’âge légal du consentement à 18 ans marque une nouvelle barrière symbolique pour l’interdiction des actes sexuels entre adultes et adolescents.

Comme le soutenait Freud en 1905, il faut absolument que l’adulte s’abstienne de traiter l’enfant (et les adolescents) comme un objet sexuel ou comme un objet d’une séduction sexuelle directe. Selon Freud, en effet, l’enfant n’a besoin d’aucune séduction pour éveiller sa vie sexuelle car cet éveil s’effectue spontanément le moment venu. Il s’agit, au contraire, de faire très attention à l’émergence et à l’évolution de la sexualité pratique chez les adolescents et c’est pour cela que Freud tient à mettre en garde sur le fait que « l’enfant, sous l’influence de la séduction, peut devenir pervers polymorphe » (Freud, 1905). Malheureusement, c’est ce que nous observons aujourd’hui dans les sociétés occidentales après des décennies de séduction et d’attentats sexuels sur des enfants. Suite aux grands bouleversements de civilisation, notamment dès les années 60 et 70, on voit en Occident une étendue impressionnante de perversions polymorphes et de troubles sex-identitaires.

Aussi, il ne faudrait pas tomber dans le piège d’imaginer que, pour des raisons exclusivement économiques ou matérielles, la prostitution infantile pourrait être assimilée à un quelconque “consentement”, bien que forcé, de l’enfant pour établir des actes sexuels avec des adultes (Barri Flowers, 1998). Il faudrait considérer, au contraire, que son “consentement” n’est qu’une contrainte personnelle de par sa situation d’errance psychologique, de misère familiale ou de détresse sociale et qu’il y a, d’urgence, à l’aider à sortir de ce schéma malsain et corrupteur des valeurs humaines. Cela veut dire que le seul “consentement” rationnel ou affectif n’est pas suffisant pour prémunir l’enfant, ou l’adolescent, des conséquences négatives que la pratique de la sexualité peut produire, plus tard, dans le développement psychosexuel.

Nous faisons nôtres les idées de Françoise Dolto sur cette question lorsqu’elle affirmait que l’initiation sexuelle « des adolescents et des enfants par un adulte (donc par garçon ou fille de 16 ans déjà), en admettant même que ce partenaire ne soit pas incestueux, encore plus si cet adulte est confirmé en âge et en prestance, est toujours un traumatisme psychologique profond » (Dolto, 1977). C’est pour ces raisons que nous avons besoin de sortir avec urgence de la société hyperpermissive, en renforçant les fondations civilisatrices de l’interdit. Comme l’affirme également Boris Cyrulnik, au lieu d’être un empêchement, « l’interdit a une fonction structurante » en ce sens qu’il agit surtout en favorisant la structuration affective de l’enfant (Cyrulnik, 2017). L’interdit permet au sujet de canaliser et de structurer constamment ses propres pulsions sexuelles aussi bien que ses pulsions destructrices.

Sans aucun doute, dans l’univers noir de l’absence totale ou presque totale d’interdits du sujet pédophile, tout acte de pédophilie est une agression sexuelle contre un enfant. Elle peut être, en plus, une violence physique, une maltraitance, voire un meurtre. Mais la pédophilie, même sans aucune violence physique, dite pédophilie érotique selon ma conception, est toujours une agression sexuelle et une violence psychique dont les effets ne ressortiront parfois que bien des années plus tard. Il est ainsi nécessaire et urgent de protéger les enfants et les adolescents de leurs propres pulsions destructrices, tout en interdisant non pas le désir mais la jouissance.

Plus on abaisse l’âge légal pour le consentement sexuel, ou plus on fait croire trop tôt aux adolescents qu’ils sont des êtres autonomes — tout en en envoyant un message indirect de dé-responsabilisation aux parents —, et plus on observe que les adolescents développent des véritables troubles psychiques et addictions diverses. Ces troubles se manifestent dans le sommeil, dans l’alimentation, dans la consommation d’alcool et de drogues, dans les violences à autrui, dont les violences sexuelles ou les violences faites aux femmes, et même dans les actes suicidaires.

Abaisser l’âge légal pour le consentement sexuel ne ferait qu’alourdir la charge psychique des enfants et des adolescents, risquerait ainsi de faire augmenter leurs pulsions de destruction et d’autodestruction et ne favoriserait que les velléités des pédophiles qui n’attendent que cela.

German ARCE ROSS. Paris, le 25 décembre 2017.

Notes

AMBROISE-RENDU, Anne-Claude, Histoire de la pédophilie. XIXème-XXème siècle, Fayard, Paris, 2014

ARCE ROSS, German, « Le Nouvel Ordre de l’intime. À propos de « la Transformation de l’intimité. Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes » d’Anthony Giddens », Évolution psychiatrique, Vol. 71, n° 3, Elsevier, Paris, 2006, pp. 592-598

BARRI FLOWERS, Ronald, The Prostitution of Women and Girls, Mc Farland & Co., Jefferson, 1998

BÉRARD, Jean, « De la libération des enfants à la violence des pédophiles. La sexualité des mineurs dans les discours politiques des années 1970 »,  Genre, sexualité & société, Vol. 11 : Parias sexuels, Printemps 2014

CYRULNIK, Boris, « L’Interdit », Enfance majuscule, le 4 octobre 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=LH8Xd99QLC8

DOLTO, Françoise, « Extraits d’une lettre de Françoise Dolto, le 11 novembre 1977 », Recherches, « Fous d’enfance, qui a peur des pédophiles ? », avril 1979, pp. 84-86

FREUD, Sigmund, « Trois Essais sur la théorie sexuelle » (1905), Oeuvres complètes, Volume VI : 1901-1905, PUF, Paris, 2006, pp. 126-127

GAUTHIER, Xavière, Libération, avril 1980

IDIER, Antoine, Les Vies de Guy Hocquenhem, Fayard, Paris 2017

LACAN, Jacques, « Entretien par Emilio Granzotto pour le magazine italien Panorama » (1974), Magazine Littéraire, n° 428, février 2004

LAPOUGE, Benoit & PINARD-LEGRY, Jean-Luc, l’Enfant et le pédéraste, Seuil, Paris, 1980

MACCARTHY, Tom, Spotlight, First Look Media, Anonymous Content & Participant Media, USA, 2015

MARCHANT, Alexandre, « Daniel Guérin et le discours militant sur l’homosexualité masculine en France, années 1950 – années 1980 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 53, Vol. 4, 2006, pp. 175-190

REZENDES, Michael, with CARROLL, Matt, & PFEIFFER, Sacha, « Church allowed abuse by priest for years », Boston Globe, January 6, 2002

SEBBAR, Leïla, Le Pédophile et la maman, Stock, Paris, 1980

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