German Arce Ross, 1999.

Texte publié par German Arce Ross, sous le titre « Benedetti avec Lacan », La Cause freudienne, 42. ECF, Navarin Seuil, Paris, 1999, p. 126-127.

Dans ce petit texte, nous traitons du livre de Pier Giorgio Morerio, Benedetti e Lacan. Riflessioni su due autori. Edizioni dell’Arco, Milano, 1997.

Milan HrnjazovićGaetano Benedetti with Lacan

The application of psychoanalytic concepts to the treatment of psychotic destabilization still remains one of the great and most problematic challenges for the clinician, whether psychiatrist or psychologist.

If all these concepts take their coherence only from the analytic practice itself, it would not be less necessary, however, when one is confronted with psychoses, to enrich the psychoanalysis of concepts that other clinical practices, the most varied, have been able to develop in their attempts to stabilization and replacement.

It is from this point of view that it would be important to evaluate whether Gaetano Benedetti’s transferential hypotheses of his psychotherapeutic practice with schizophrenic and melancholy subjects can be consistent, consistent and useful for a Lacanian psychoanalysis of psychoses. To this question, Pier Giorgio Morerio, in his comparative study, answers in the affirmative.

Benedetti avec Lacan

L’application des concepts psychanalytiques au traitement des déstabilisations psychotiques reste encore aujourd’hui l’un des grands défis, et des plus problématiques, pour le clinicien, qu’il soit psychiatre ou psychologue. Si l’ensemble de ces concepts ne prennent leur cohérence que de la pratique analytique elle-même, il ne serait pas moins nécessaire pour autant, lorsque l’on est confronté aux psychoses, d’enrichir la psychanalyse de notions et de concepts que d’autres pratiques cliniques, les plus variées, ont pu élaborer dans leurs tentatives de stabilisation et de suppléances.

C’est selon ce point de vue qu’il deviendrait important d’évaluer si les hypothèses transférentielles dégagées par Gaetano Benedetti de sa pratique psychothérapeutique avec de sujets schizophrènes et mélancoliques peuvent être concordantes, compatibles et utiles pour une psychanalyse lacanienne des psychoses. À cette question, Pier Giorgio Morerio, dans son étude comparative, répond par l’affirmative.

Notons que le modèle que Lacan privilégie dans les psychoses est constitué presque exclusivement par la paranoïa et par ses dérivations délirantes, sous une modalité passionnelle, comme c’est le cas de l’érotomanie. En revanche, son intérêt pour la schizophrénie est assez mitigé et la psychose maniaco-dépressive ne l’occupe que peu de fois tout au long de son enseignement. C’est alors justement à propos du traitement de ces deux dernières psychoses que l’apport de Benedetti aurait une grande valeur.

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En ce qui concerne la structure (forclusion) et le déclenchement, Benedetti fait référence à un négativisme radical qui s’illustre par des moments de «non-existence vécue», voire par des espaces vides de la chaîne signifiante. En termes de forclusion, il y a une négativité absolue qui implique un choix du sujet. En termes de déclenchement, il s’agirait de la rencontre énigmatique avec des trous signifiants qui mobilisent la négativité première, désormais introjectée chez le sujet.

Pour ce qui est de l’étiologie, Morerio considère que, bien qu’ayant des positions théoriques différentes, Benedetti et Lacan concordent sur un refus de la causalité morale, ou psychologique, et de celle organiciste, aussi bien que sur l’acceptation de la thèse étiologique psychogénique d’une forclusion de la fonction symbolique du père.

En ce qui respecte le traitement de la schizophrénie, il y aurait la nécessité, pour Benedetti, de symboliser la négativité par une différenciation progressive entre le soi et le monde, voire par l’intermédiaire d’une concrétisation des identifications projectives et introjectives. C’est alors autour du traitement des identifications, dans le transfert particulier du schizophrène, que se trouve l’originalité de Benedetti. Il dégage et développe, d’un côté, le concept de transcendance vers une subjectivité transitionnelle et, de l’autre côté, celui de dualisation thérapeutique.

Il s’agirait de créer les conditions pour que, au travers d’un moment de transcendance s’installant comme élément tiers entre patient et analyste, se forme un espace thérapeutique composé d’une dualisation opérationnelle où un fantasme commun, duel, se développe. Un tel fantasme impliquerait les tensions transférentielles et plus particulièrement l’ancienne hypothèse de certains post-freudiens sur la communication d’inconscient à inconscient (par exemple, l’intégration des rêves jumeaux du patient et de l’analyste dans le traitement).

425880-dominique-frere-schizophrene-agit-commeL’auteur, cependant, prend soin de noter les différences de la transcendance de Benedetti aussi bien avec la sublimation chez les post-freudiens qu’avec la seule relation imaginaire de Lacan. Toutefois, à propos de la transcendance, ou co-responsabilité thérapeutique, Benedetti revient plusieurs fois sur l’idée d’une régression au Stade du miroir. On pourrait dire que le projet de Benedetti serait de construire une théorie des suppléances possibles concernant les conséquences imaginaires de la forclusion dans la schizophrénie, à savoir : morcellement du corps, troubles psychomoteurs des états catatoniques, hypocondrie délirante, altérations des sensations cénesthésiques, auto-agressivité dans les conduites suicidaires, etc.

Il y aurait, d’une part, une identification concordante négative qui serait la réponse agressive, psychotique, aux attitudes imaginaires du monde social qui mobilisent le sentiment profond de vulnérabilité. Il s’agirait là d’une régression négative au Stade du miroir, voire d’une rupture des formes imaginaires de stabilisation. D’autre part, l’identification complémentaire serait une dualisation thérapeutique, un engagement radical d’intersubjectivité transitionnelle, de la part de l’analyste dans la rencontre transférentielle. On aurait là une régression positive au Stade du miroir en tant que processus de nouvelle naissance permettant une discordance inédite, laquelle serait donc une tentative de suppléance aux formes imaginaires de forclusion. Prenons comme exemple l’intérêt de Benedetti pour l’aspect pathologique et supplétif de la créativité artistique, notamment en ce qui concerne sa fonction de stabilisation des troubles imaginaires du corps.

German ARCE ROSS. Paris, 1999.

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