German ARCE ROSS. Paris, le 1er octobre 2017.

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Les Ruines psychiques parmi les objets du deuil et du design », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2017.

Psychic Ruins among the Objects of Mourning and Design

The problem of mourning is that the loss of the object produces the splitting of the loved object into a waste object or into an object of ruin, on the one hand, and into ruined love, on the other.

This object formerly loved, reduced to the status of an object of ruin but still love, becomes the vestige of the love of an age. Such a vestige of what has been comes to haunt love that must cease to be associated with it.

We have then, on the one hand, the secondary, yet no less material, relics of the lost object, and, on the other hand, what has been but remains alive, despite the absence of the object .

The work of mourning means that, between the vestiges or the psychic traces of the lost object and the libidinal attachment which remains to them correlated, new objects are created in order to eliminate the affective association which no longer exists. Thus, between the vestiges of the loss and the absence of the object, there are the objects of the mourning.

Las Ruinas psíquicas entre los objetos del duelo y del design

El problema del duelo es que la pérdida del objeto produce la división del objeto amado en un objeto inútil o en un objeto de ruina, por un lado, y en amor arruinado, por el otro.

Este objeto anteriormente amado, reducido al estado de objeto de ruina pero aún amado, se convierte en el vestigio del amor de una época. Tal vestigio de lo que ha sido viene a atormentar al amor que debe dejar de estar asociado con él.

Tenemos así, por un lado, las reliquias secundarias, aunque no menos materiales, del objeto perdido, y, por otro lado, lo que ha quedado vivo, a pesar de la ausencia del objeto .

El trabajo del duelo significa que, entre los vestigios o las huellas psíquicas del objeto perdido y el apego libidinal que les queda correlacionado, se crean nuevos objetos para eliminar la asociación afectiva que ya no tiene lugar. Así, entre los vestigios de la pérdida y la ausencia del objeto, están los objetos del duelo.

Les Ruines psychiques parmi les objets du deuil et du design

On débute toujours un deuil dans la mesure où on se trouve sans objet. Mais, paradoxalement, il n’y a pas de deuil sans objet. Tout processus de deuil normal, pathologique ou anticipé, s’effectue sur la base inévitable d’un objet perdu, à perdre ou en déperdition. Et ce qui est curieux, c’est que le deuil s’appuie sur une série d’objets pour symboliser l’absence de l’objet aimé.

Un tel paradoxe est possible car, parfois sans transition, la perte impose au sujet désirant une disjonction entre l’objet d’amour et l’attachement affectif, ou l’investissement libidinal, qui lui est corrélé. Cela produit donc une dissociation entre l’objet de la perte et l’attachement qui devient contrarié. L’objet extérieur est peut-être perdu mais l’objet psychique demeure présent. Le premier est un objet absent tandis que le second est l’absence elle-même, en tant qu’objet psychique nouveau. Autrement dit, pour dépasser la problématique de l’objet absent, le sujet s’appuie sur un autre objet qui est l’absence elle-même.

Le problème du deuil est que la perte de l’objet produit le dédoublement de l’objet aimé, d’une part, en objet-déchet ou en objet de ruine et, d’autre part, en amour ruiné. Cet objet anciennement aimé —réduit au statut d’objet de ruine mais malgré tout encore aimé—, devient le vestige de l’amour d’une époque. Un tel vestige de ce qui a été vient hanter l’amour qui doit cesser de lui être associé. Nous avons ainsi, d’un côté, les vestiges secondaires, pourtant non moins matériels, de l’objet perdu, et, de l’autre côté, ce qui a été mais qui reste encore vivant, malgré l’absence de l’objet.

Le travail du deuil veut dire qu’entre les vestiges ou les traces psychiques de l’objet perdu et l’attachement libidinal qui leur demeure corrélé, sont créés de nouveaux objets pour faire disparaître l’association affective qui n’a plus lieu d’être. Ainsi, entre les vestiges de la perte et l’absence de l’objet, il y a les objets du deuil.

Objets et espaces topologiques du deuil sous transfert

Des Temps logiques aux espaces topologiques du deuil
Dans d’autres travaux, j’ai eu l’occasion d’étudier les diverses étapes qui composent le travail de deuil sous transfert. Ces étapes font émerger ou s’exercent sur des objets précis qu’on peut facilement identifier. Cependant, pour qu’un patient mette en place et mène à bien le travail de deuil — puisqu’on m’a posé cette question laquelle est devenue la raison du présent texte —, je n’ai à proposer, en tant que psychanalyste, aucun objet matériel ou physique, aucun objet extérieur, en dehors évidemment d’une parole encadrée par le déploiement de la problématique du sujet.

Cela étant dit, je peux témoigner que, côté analysant, il y a plusieurs objets psychiques, qu’ils soient intimes ou extimes voire même extérieurs, ou matériels, qui sont proposés, apportés, imposés et parfois directement fabriqués par les divers temps logiques du deuil. Ces objets, liés aux divers moments de la perte et produits, à quatre mains, par le travail du deuil transférentiel, finissent par être installés dans un réarrangement inédit du désir. En conséquence, les objets de chaque nouveau décor, ou de chaque réaménagement de l’espace, aussi bien que les personnages inconnus et placés dans de mises en scène inédites et renouvelées, scandent les temps logiques du travail de deuil et constituent le scénario novateur pour un design original du désir.

Comme l’ont avancé quelques psychanalystes et psychiatres, le temps et l’espace dominent en grande partie la profusion des signes, des troubles et des symptômes de la psychopathologie en général. À certains moments, ils peuvent aussi être combinés synchroniquement pour contribuer à la résolution des problématiques posées. Mais il y a aussi des cas où le temps et l’espace sont disjoints de façon diachronique ou topologique.

De façon générale, on considère également que c’est, en grande mesure, le temps qui aide à l’oubli des attachements liés au deuil avec le risque cependant qu’il ne se produise qu’une accommodation symptomatique tenant lieu de résolution factice. Dans ces cas, il se trouve parfois qu’on a négligé la problématique liée à l’espace. Ainsi, par exemple, Ludwig Binswanger, dans Le Problème de l’espace en psychopathologie (Binswanger, 1998), considère que, selon ses dispositions thymiques, un sujet peut osciller d’un élargissement trop important à un resserrement sans profondeur de l’espace, alors que, bien souvent, il faut à un moment ou à un autre localiser ou effectuer un véritable ancrage au coeur, ou au centre, du terrain pour le travailler. Les termes de planification, destruction, nettoyage du terrain, réutilisation des vestiges, construction, etc., comme dans l’architecture ou dans le travail du styliste ou du designer, peuvent tout à fait convenir à une description du travail de deuil sous transfert.

Nous pouvons parler de six types d’objets matériels, qui sont au fond psychiques, lesquels seraient intrinsèquement liés aux grandes étapes du travail de deuil spontané ou sous transfert. Le trois premiers types d’objet, à savoir les objets négateurs, les objets phobicisés et les objets fétichisés, oeuvrent soit pour une négation de la perte, soit pour un négation de la souffrance liée à la perte. Tandis que les trois derniers objets, c’est-à-dire les objets processuels, les objets sacrificiels et les objets novateurs, concernent au contraire l’affirmation de la souffrance de perte.

La suite de ce texte peut être lue dans le livre Les Ruines psychiques (à paraître en mars 2021).

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