German ARCE ROSS, Paris, le 1er novembre 2014.

En fonction de certains événements, la jalousie pathologique et non-délirante peut rejoindre les pires effets de la jalousie délirante et paranoïaque, à savoir dans l’agression ou le crime passionnel. En effet, comme dans la jalousie délirante, qui est proche de la paranoïa et où l’érotomanie passionnelle a tourné en délire de punition et d’autopunition, nous observons parfois dans la jalousie pathologique non-délirante la transposition dangereuse de la haine du rival vers le partenaire.

L’agression envers le rival peut s’avérer sans aucun sens, surtout lorsque le rival se soumet et cesse tout commerce envers le partenaire aimé. Dans certains cas cependant, le problème sous-jacent est toujours présent et peut se manifester à nouveau dans l’incarnation de nouveaux rivaux. Ce processus pourrait être sans fin si le délire ne rentrait pas dans un processus d’évolution. Il se trouve surtout que l’évolution du délire est souvent accompagné d’une transposition de l’agressivité, de la méfiance et de l’extrême surveillance du rival vers le partenaire. De telle sorte que les choses s’inversent ou alternent parfois très dangereusement. Car le jaloux délirant peut même, selon les cas, agresser alternativement et rival et partenaire. Si, au départ, le sujet agressait le rival pour “défendre” le partenaire et la cause de son amour passionnel, dans la jalousie délirante et paranoïaque, le sujet agresse cette fois-ci le partenaire autrefois aimé à cause de l’existence d’un rival réel ou supposé.

Le film de Luis Buñuel, « Él », montre très bien les étapes qui se succèdent chez le jaloux érotomane qui devient franchement paranoïaque. Le personnage principal présente clairement toutes les phases de l’évolution du délire passionnel, avant de parvenir au passage à l’acte criminel. D’une simple énumération sensitive ou d’une simple érotomanie joyeuse, on passe graduellement à une érotomanie jalouse car soupçonneuse, méfiante et légèrement agressive. Une prochaine étape sensible est le fait que le processus délirant se métamorphose en érotomanie systématisée où prime la jalousie. Le moindre événement extérieur au sujet qui concerne le partenaire est source d’une érotomanie négative et le sujet passe à s’identifier, progressivement et dangereusement, au rival et à avoir tendance à supposer que celui-ci se substitue à lui dans l’amour pour le partenaire.

En effet, comme on vient de dire, le délire tend à évoluer vers des formes de plus en plus pathologiques, où l’on passe de la simple rationalité morbide et obsédante, teintée de méfiance passionnelle et de suspicions appuyées, vers des actions agressives de contrôle, de persécution et de surveillance, avant de parvenir à des attitudes carrément violentes d’enfermement affectif ou carrément de séquestration du partenaire anciennement aimé. Selon certaines conditions, cette évolution peut aller jusqu’au crime passionnel, qu’il existe d’ailleurs une infidélité avérée ou pas.

Interview de German Arce Ross accordée au journaliste Clément Pétreault pour l’hebdomadaire Le Point, du 16 octobre 2014. Nous remercions vivement Clément Pétreault pour son excellent travail.

Photo : Luis Buñuel, film « El », Producciones Tepeyac, Mexique, 1953. Avec Arturo de Córdova et Delia Garcés.

German ARCE ROSS, Paris, le 1er novembre 2014.

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