German ARCE ROSS, Paris, octobre 2013.

Dans les cas de ruptures familiales et surtout dans les cas de graves ruptures de la maternité de coeur chez la mère (avec sa propre mère), un enfant que cette femme conçoit peut incarner le mépris que sa mère a développé et conservé depuis sa plus petite enfance. Le nouvel enfant est ainsi en contact direct avec la petite fille en profonde souffrance que la mère a été dans la relation à sa propre mère. Son enfant peut ainsi incarner non seulement le mépris qu’il y a eu dans la relation de la mère avec sa propre mère défaillante, mais également le mépris qui s’est formé dans le couple des parents, dans le sens où la carence de la mère de la mère a pu rejaillir sur le couple de la mère.

L’affect de rejet ainsi complexifié vis-à-vis de la maternité chez la mère devient la résultante d’un profond mépris d’un amour filial en extrême souffrance, mais en attente d’expression. Cependant, bien avant cela, la problématique de l’orphelinat s’insère subrepticement dans le couple que cette femme forme avec le futur père de l’enfant, lequel enfant risque alors d’incarner aussi bien la faillite de la maternité de chair que de la maternité de coeur.

Toutefois, dans les cas où la mère change de couple où elle finit par trouver l’amour et qu’elle conçoit un autre enfant avec le nouveau mari, comme dans l’histoire de Julie D’Aiglemont (personnage principal de la Femme de trente ans de Honoré de Balzac), le premier enfant peut se retrouver dans une impasse affective de par l’existence désormais d’un enfant, frère ou soeur, réellement aimé par la mère. Dans ce cas, la mère peut devenir une sorte de « belle-mère » pour le premier enfant chez qui elle ne peut pas assumer la maternité de coeur qui doit normalement suivre la maternité de chair. Cet enfant devient ainsi la négation de toute maternité possible, dans la mesure où la femme en souffrance de maternité, mais seulement avec lui et non pas avec son frère ou soeur, devient rapidement une mère extrêmement « toxique ». Dans ces conditions, l’abandon maternel devient une initiative salutaire.

La « toxicité » maternelle dont parle Virginie T. se manifeste par les phénomènes suivants : négligence active ou passive, absence des limites ou des règles éducatives, carence d’investissement affectif, vide relationnel, mélancolisation de la relation de don et orientation inéluctable vers l’abandon. Dans la négligence passive, et forcément dans l’abandon affectif qui l’accompagne, il s’agit d’un manque radical chez la mère qu’elle donne et transmet directement, par mélancolisation angoissante et altruiste, à son enfant. Ce qu’elle n’a pas reçu de sa propre mère, elle le donne de manière brute, produisant une angoisse d’abandon, un sentiment mélancolique de vide et une angoisse altruiste trop importants pour que l’enfant puisse les traiter sans l’aide d’une mère substitutive. Ou, éventuellement, plus tard, à l’aide d’une relation amoureuse convulsive, compliquée ou symbiotique.

Bibliographie :
BALZAC, Honoré de, La Femme de trente ans [1829-1842]. Gallimard, Paris, 1977.
LION-JULIN, Marie, Mères : libérez vos filles. Odile Jacob, Paris, 2008, 2010.
SIGURET, Catherine, Ma mère, ce fléau. Albin Michel, Paris, 2013.
VIRGINIE T., L’Éducation d’une handicapée sentimentale. Les Éditions du Net, 2013.

German ARCE ROSS, Paris, octobre 2013.

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