Interview accordée au journal MetroNews International, le 25 novembre 2015.

Comportant une nette valeur de négativité, le délire d’énormité se situe à l’opposé du délire de mégalomanie. Dans le délire d’énormité, le corps devient monstrueux et colossal manifestant par là une omnipotence incarnée psychiquement et parfois également dans le réel du corps.

En effet, de par la petitesse morale que subit le sujet, il se trouve englouti dans une mégalomanie à grandeur négative, accompagnée le plus souvent de véritables événements de corps. Et, de même façon que dans l’anorexie ou dans la boulimie graves, la négation des organes du corps est à comprendre comme une absence de la représentation du corps pour cause d’un manque radical d’affectivité.

C’est pour cela que nous percevons un lien logique entre les éléments appartenant au syndrome de Cotard et les facteurs blancs. Car, si le Cotard s’attaque de préférence aux organes du corps, aussi bien qu’à la négation de l’existence ou de la vie, c’est parce que, derrière ce délire de mort, il y a à la base une insensibilité morale absolue. C’est-à-dire, une sorte d’inaffectivité transitant de préférence par un lien maternel forclos mais qui normalement devrait nourrir et protéger.

À cet égard, une patiente cotardisée notait, à juste titre, que son délire systématisé des négations venait d’un « phénomène de parole qui indique un ratage avant même [sa] naissance ». Cela indique surtout que le délire des négations provient d’un manque radical d’affectivité et, plus précisément, à travers un lien froid et stérile avec la mère, lequel manque serait en lien avec une histoire catastrophique ayant eu lieu avant même la naissance.

Le syndrome de Cotard se manifeste donc, de façon assez dangereuse, lorsque les facteurs blancs, ces négateurs absolus, prennent totalement les commandes de la psychose maniaco-dépressive.

German Arce Ross, Paris, janvier 2016.

Bibliographie

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German ARCE ROSS. Paris, janvier 2016.

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