German ARCE ROSS. Paris, 1987.
Texte produit par German ARCE ROSS dans le Séminaire de Doctorat de Jacques-Alain Miller en 1987-1988. Excellent séminaire, où les places étaient chères, les débats très riches et les participants choisis avec rigueur, que nous avons eu le bonheur de partager avec 60 ou 70 collègues de 1984 à 1992.
Dans Envie et Gratitude, texte de 1957, Mélanie Klein essaie de présenter des exemples cliniques sur le progrès que l’on obtient dans l’analyse à partir de la prise de conscience des pulsions destructives, comme les sentiments d’envie, de haine et de jalousie. Elle était sûre qu’une telle condition était indispensable pour la fin de l’analyse.
À la page 59 de ce livre (Gallimard, Paris, 1968) on peut lire :
« Dans le rêve, le patient était en train de pêcher ; ayant tiré un poisson de l’eau, il hésitait quant à son sort : allait-il le tuer pour le manger ensuite ? Il décida de le poser dans le panier à ses côtés et de le laisser mourir. Le panier en question était en fait une corbeille à linge. Soudain le poisson se transforma en un beau nourrisson, avec quelque chose de vert dans son habillement. C’est alors qu’il remarqua, en ressentant une vive inquiétude que les intestins du bébé lui sortaient du ventre ; l’enfant avait été endommagé par l’hameçon, avalé lorsqu’il était encore un poisson. Associations : le vert se rapportait aux livres de l’International Psycho-Analytical Library (reliés en vert) ; le patient remarqua aussi que le poisson dans le panier représentait l’un de mes livres qu’il avait de toute évidence volé. La suite des associations révéla cependant que le poisson représentait non seulement l’instrument et le fruit de mon travail, mais aussi moi-même… ».
L’interprétation de l’auteur porte sur la fonction de l’envie et sur le désir d’être femme et avoir des enfants-poissons, en liaison ponctuelle avec une certaine rivalité avec la figure maternelle. La théorie kleinenne a la préoccupation de trouver les signes d’un processus de clivage de l’objet, postérieur à la lutte d’un moi primitif contre l’angoisse persécutrice ou paranoïde des trois premiers mois de vie, laquelle prend ses sources dans le conflit qui oppose les pulsions de vie aux pulsions de mort.
L’analyse kleinienne est une technique qui réduit ce clivage (presque inévitable, mais cause des névroses) au profit d’une intégration des parties clivées du moi. Or, cette réduction ne va pas sans l’analyse de l’envie primitive à l’égard du sein maternel et s’appuie sur la connexion d’équivalence d’Abraham entre sein maternel et pénis.
Pour M. Klein, le poisson, dans ce rêve, représente l’envie à l’égard du sein maternel, l’envie vis-à-vis de l’être femme et l’envie de posséder les attributs de la féminité. Il est évident ainsi qu’on peut voir dans le rêve du poisson vert la signification du phallus et l’identification à ce signifiant. Et on pourrait, à la limite, déduire également le transfert de l’analyste dans la relation analytique, dans le sens où si le désir ou le transfert de l’analyste apparaît comme étant le phallus, l’analysant peut y répondre en voulant être ce phallus pour le satisfaire (cf. Lacan, « La Signification du phallus », Écrits, Seuil, Paris, 1966, p. 693).
Cependant, il y a aussi dans l’exposition des tripes (intestins), dans l’exposition si délibérée de ce que l’on a dans le ventre, et qui est également figuré dans le livre volé, un rapport du poisson vert avec le désir d’un savoir exposé, voire même sur-exposé. Concernant le savoir supposé à l’analyste, l’analysant aimerait bien se l’accaparer pour se situer, vis-à-vis de ce savoir, non pas comme une proie mordant dans l’hameçon et tombant dans le panier, mais bien plutôt comme un poisson dans l’eau.
German ARCE ROSS. Paris, 1987.
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