German ARCE ROSS. Paris, le 3 avril 2019

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Passions en ruines et réveloppement des racines affectives », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2019

Petite note préparatoire pour un volume collectif à paraître sur le thème des ruines psychiques

Passions in ruins and revelopment of affective roots

What remains of passions during the period between the mid-nineteenth century and the beginning of the twenty-first century? What color is our bi-millennial age, and how does this affect amorous passions, hateful passions, passions of knowledge? Do we not do everything to, thanks to scientific hyperexcitation, forget that ignorance, like love and hatred, is a passion of knowledge? Is not ignorance, nevertheless, a knowing act in the scorched atmosphere that surrounds us? But, what do we want to wrap up by sweeping the many facets of our existence? What hypersensitive appearance do we pretend to be?

The bimillenial man can be basically, like the previous ones, a passionate being. Except that his love affairs are unfortunately in ruins. He inherited a great technological wave that continues to blow, by negligence of humanity, an hypomaniacal enthusiasm. But this techno-fetishist progress is accompanied by an heritage quite other fragmented and catastrophic as regards the passions, the emotions, the affects and the links with the subjective intimacy, with the intersubjective intimacy and with the macropsychic intimacy. We consume in the hypermarket of progress but live haunted by passions in ruins. How to regain our lost vitality and serenity? To which mourning we can turn, if any? How to prevent the passions in ruins from being transformed too easily into violence of all kinds? Why are we looking for these answers especially at the level of the body and mistreat it so much?

Pasiones en ruinas y resarrollo de las raíces afectivas

¿Qué nos queda de las pasiones del período comprendido entre mediados del siglo XIX y principios del siglo XXI? ¿De qué color es nuestra era bimilenaria y de qué manera afecta a las pasiones amorosas, a las pasiones de odio, a las pasiones del saber? ¿No hacemos todo lo posible para olvidar, por la hiperexcitación científica en la que vivimos, que la ignorancia, como el amor y el odio, es una pasión que sabe sin querer saber? ¿No es la ignorancia, a pesar de todo, un saber que actúa en la atmósfera quemada que nos rodea? ¿Pero qué queremos esconder remodelando las múltiples fachadas de nuestra existencia? ¿Qué apariencia hipersensible pretendemos ser?

El hombre bimilenial puede ser básicamente, como los anteriores, un ser apasionado. Excepto que sus pasiones amorosas están en ruinas. Heredó una gran ola tecnológica que sigue soplando, por negligencia de lo humano, un entusiasmo hipomaníaco. Pero este progreso tecno-fetichista vá acompañado de una herencia bastante fragmentada y catastrófica en lo que concierne a las pasiones, a las emociones, a los afectos y a los vínculos con la intimidad subjetiva, con la intimidad intersubjetiva y con la intimidad macropsíquica. Consumimos en el supermercado del progreso pero vivimos atormentados por pasiones en ruinas. ¿Cómo recuperar la vitalidad y la serenidad perdidas? ¿A qué luto acudir en este caso? ¿Cómo evitar que las pasiones en ruinas se transformen fácilmente en violencia de todo tipo? ¿Por qué buscamos estas respuestas especialmente en el cuerpo y lo maltratamos tanto?

Passions en ruines et réveloppement des racines affectives

Que reste-t-il des passions de la période entre le milieu du XIXème siècle et le début du XXIème siècle ? De quelle couleur est notre époque bimillénniale et comment cela affecte les passions amoureuses, les passions haineuses, les passions savantes ? Ne faisons-nous pas tout pour, grâce à l’hyperexcitation scientifique, oublier que l’ignorance, comme l’amour et la haine, est une passion savante ? L’ignorance n’est-elle pas, malgré tout, un savoir agissant dans l’ambiance brulée qui nous entoure ? Mais, que voulons-nous envelopper en ravalant les multiples façades de notre existence ? De quelle apparence hypersensible faisons-nous un semblant d’être ?

L’homme bimillénnial peut être au fond, comme les précédents, un être passionné. Sauf que ses passions amoureuses se trouvent malheureusement en ruines. Il a hérité d’une grande vague technologique qui ne cesse de souffler, par négligence de l’humain, un enthousiasme hypomane. Mais ce progrès technofétichiste est accompagné d’un héritage tout autrement fragmenté et catastrophique en ce qui concerne les passions, les émotions, les affects et les liens avec l’intime subjectif, avec l’intime intersubjectif et avec l’intime macropsychique. Nous consommons dans l’hypermarché du progrès mais vivons hantés par des passions en ruines. Comment reprendre une vitalité et une sérénité perdues ? Vers quel deuil se tourner le cas échéant ? Comment empêcher que les passions en ruines ne se transforment trop facilement en violences en tout genre ? Pourquoi cherchons-nous ces réponses surtout au niveau du corps et le maltraitons à ce point ?

Réveloppement des passions en ruines

Dans tout processus de deuil, en ce sens qu’il n’est jamais un travail exhaustif et absolument complet, il y a forcément une production de ruines psychiques. Dans le deuil, il s’agit d’une oeuvre toujours non conclue, dans la mesure où elle laisse non entamés quelques uns des vestiges d’une époque révolue par où la perte est représentée comme un souvenir monumental. Il s’agit en quelque sorte d’un monument représentant les passions qui n’ont plus droit d’expression, qui doivent être considérées mortes et qui sont condamnées à hanter les ruines dont nous avons hérité. Ce souvenir monumental en souffrance se situe, de préférence, dans le corps tel que nous l’entendons aujourd’hui, à savoir un corps plastique promis à la marchandisation, à la fétichisation et à la jouissance la plus intense. Cela peut s’extrapoler dans notre architecture, dans notre habitat, dans notre urbanisme.

À ce propos, nous pouvons citer certains architectes qui parlent de l’embodiment ou de l’incarnation que subit le corps dans le cas d’un délabrement prononcé ou d’une destruction de la maison que l’on habite. Ainsi, par exemple, on peut dire que « the idea of the architectural monument as embodiment, as incorporation reference to the human body for proportional and figurative authority, was, we are led to beleive, abandoned with the collapse of the classical tradition  and the birth of a technological dependent architecture. With the exception of Le Corbusier’s vain attempt to establish the Modulor as the basis for measurement and proportion, the long tradition of bodily reference, from Viturius, through Alberti, Filarete and Francesco di Gioirgio and Leonardo, seems to have been abandoned. The modernist sensibility was dedicated more to the rational sheltering of the body than to its mathematical inscription or pictural emulation. In this context it is interesting to note recent return to the bodily analogy. Architects as diverse as Coop Himmelblau, Bernard Tschumi and Daniel Libeskind are concerned to reinscribe the body in their work. But this renewed appeal to corporeal metamorphos is evidently based on a “body” which is radically different from that at the centre of the humanistic tradition. It is a body which seems to be fragmented, if not contorted, deliberately torn apart and mutilated almost beyond recognition » (Vilder, 1990).

Un tel corps représenté par l’architecture contemporaine, fragmenté, contorsionné, déchiré et inimaginable, dit beaucoup de la présence à notre époque de ce que j’appelle les ruines psychiques, non seulement en termes subjectifs ou intersubjectifs mais également macropsychiques. Et il évoque aussi bien la nécessité que nous avons d’y apporter des réponses au niveau psychothérapeutique. 

La suite de ce texte se trouve dans le livre Les Ruines psychiques, (sous la direction de German ARCE ROSS), Huit Intérieur Publications, Paris, 2021

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