German ARCE ROSS. Paris, le 18 février 2019

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « La Pédophilie homosexuelle de l’Église catholique », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2019

Homosexual Paedophilia of the Catholic Church

Paedophilia in the Vatican and among the priests of the Catholic Church has it not become, since the 60s and especially since May 68, a homosexual perversion? How did we come to such violence on children, greatly modifying and unfortunately in this way the future sexuality of these boys? What can be said about paedophile heterosexual perversions but, above all, homosexual paedophile perversions?

The release of Frédéric Martel’s long and voluminous inquiry into widespread homosexuality in the main body of the Roman Curia, but also among many of the priests of the Catholic Church, compels us to communicate without further delay our own research on the topic.

La Pedofilia Homosexual de la Iglesia Católica

¿La pedofilia en el Vaticano y entre los sacerdotes de la Iglesia católica no se ha convertido, desde los años 60 y especialmente desde mayo del 68, en una perversión homosexual? ¿Cómo llegamos a tal violencia contra los niños, modificando enormemente y desafortunadamente de esta manera la futura sexualidad de estos niños? ¿Qué se puede decir acerca de las perversiones heterosexuales pedófilas pero, sobre todo, de las perversiones pedófilas homosexuales?

La publicación de la larga y voluminosa investigación de Frederic Martel sobre la homosexualidad generalizada en el cuerpo principal de la Curia Romana, pero también entre muchos sacerdotes de la Iglesia Católica, nos obliga a comunicar, sin más demora, nuestra propia investigación sobre el tema.

A Pedofilia homossexual da Igreja Católica

A pedofilia no Vaticano e entre os padres da Igreja Católica não se tornou, desde os anos 60 e especialmente desde maio de 1968, uma perversão homossexual? Como chegamos a tal violência sobre as crianças, modificando muito negativamente a sexualidade futura desses meninos? O que pode ser dito sobre as perversões heterossexuais pedófilas mas, acima de tudo, sobre as perversões pedófilas homossexuais?

A publicação do longo e volumoso inquérito de Frédéric Martel sobre a homossexualidade generalizada no corpo principal da Cúria Romana, mas também entre muitos dos sacerdotes da Igreja Católica, nos obriga a comunicar sem demora nossa própria pesquisa sobre a questão.

La Pédophilie homosexuelle de l’Église catholique

La pédophilie au Vatican et chez les prêtres de l’Église catholique n’est-elle pas devenue, depuis les années 60 et notamment depuis Mai 68, une perversion homosexuelle ? Comment en est on arrivé à des telles violences sur les enfants, modifiant considérablement et malheureusement de la sorte la future sexualité de ces garçons ? Qu’est-ce qu’on peut dire sur les perversions pédophiles hétérosexuelles mais, avant tout, sur les perversions pédophiles homosexuelles ?

La sortie de la longue et volumineuse enquête de Frédéric Martel concernant l’homosexualité très étendue dans le corps principal de la Curie romaine, mais également chez beaucoup des prêtres de l’Église catholique, nous oblige à communiquer sans plus attendre notre propre recherche sur le sujet. 

Du refoulement ou du démenti de l’hétérosexualité aux perversions pédophiles

Nous, les hétérosexuels, connaissons très bien, au moins théoriquement mais de par notre propre vécu, les perversions en général lesquelles appartiennent sans aucun doute aux dérives toujours possibles de l’hétérosexualité. Car nous sommes habitués à repérer leurs expressions dans l’art, dans la culture, dans les blagues, dans les rêves ou dans les dialogues d’alcôve, puisqu’elles peuvent peupler les fantasmes de la vie éveillée et notamment les fantasmes de la vie sexuelle. Dès qu’on grandit, on se rend compte qu’il n’y a pas de prise en compte théorique ou pratique de la sexualité sans les diverses formes de perversion qui pullulent et orientent la liberté du vécu intime. Au point que l’on peut confondre liberté sexuelle avec perversions. Celles-ci ne sont-elles pas présentes, comme limites tyranniques de la jouissance, pour rappeler à l’humain que la liberté sexuelle est une chimère ?

L’exhibitionnisme, le voyeurisme, l’échangisme, la pornographie, les fantasmes de viol de certains hommes ou les fantasmes de prostitution des femmes, le sexe avec des objets, le sexe avec des sex-robots ou même le sexe avec des cadavres (Arce Ross, 2018), peuvent être présents dans la psychologie de la vie quotidienne aussi bien que dans les jeux érotiques des hommes et des femmes hétérosexuels. Évidemment, beaucoup se maintiennent ancrés dans le verbal et dans la seule imagination par les limites du refoulement et des interdits, tandis que quelques uns, une minorité, affranchis de ces écueils, mais produisant un profond démenti de l’hétérosexualité, chutent malheureusement dans les passages à l’acte. Car la tolérance aux perversions, ou l’anesthésie sexuelle qu’elles induisent invariablement, permettent à quelques sujets extrêmement dépendants de traverser le seuil où commencent les crimes. Nous pouvons dire que ces derniers régressent ou restent fixés à des formes totalement protosignifiantes de la sexualité.

En tant qu’hétérosexuels, nous pouvons refouler beaucoup d’aspects de la sexualité mais presque jamais l’hétérosexualité elle-même. Ce n’est pas très courant qu’un hétérosexuel, en pleine énergie et dans la force de l’âge, renonce de lui-même à prendre les femmes comme objets du désir sexuel. Chez une minorité néanmoins — pour cause d’abus sexuels, pour cause d’absence ou au contraire d’une présence contradictoire ou intrusive d’un père phobicisé, pour cause d’une transmission inconsciente du refoulement de l’hétérosexualité chez l’un des parents ou chez les deux, ou encore pour cause d’un lien trop serré avec une mère extrêmement possessive et exclusivement adorée —, on trouve une renonciation à prendre les femmes comme objets du désir sexuel.

Chez les prêtres hétérosexuels et homosexuels, c’est la même évidence. « Rares sont les prêtres hétérosexuels qui valorisent l’abstinence. […] Les prêtres et les théologiens homosexuels sont beaucoup plus enclins à imposer le célibat des prêtres que leurs coreligionnaires hétérosexuels. Ils sont volontaristes et très soucieux de faire respecter cette consigne de chasteté, pourtant intrinsèquement contre-nature » (Martel, 2019, p. 209). Évidemment que la chasteté est contre-nature, sauf que Frédéric Martel oublie de souligner que les prêtres homosexuels défendent la chasteté dans la mesure où les femmes ne les intéressent pas comme objets érotiques. En revanche, ces prêtres officiellement chastes (dans le sens hétérosexuel) pratiquent malgré tout une sexualité clandestine qui acquiert, de ce fait, une jouissance hautement communautaire, anomique et identitaire.

À partir de la position initiale de chasteté, un homme peut développer une légère asexualité qui peut rester longtemps discrète, surtout s’il est du type mystique. Mais il peut également refouler, démentir, nier, refuser ou forclore puissamment ses pulsions sexuelles envers l’Autre sexe, tout en développant une véritable misogynie homosexuelle. Celle-ci, bien différente de la misogynie hétérosexuelle, peut prendre plusieurs formes, de la plus relative (bissexualité, transsexualité) à la plus exclusive. D’ailleurs, je suis d’accord avec Frédéric Martel lorsqu’il parle de cette misogynie homosexuelle et de l’hétérophobie qui lui est corrélée en ces termes. « Le Vatican, c’est “Fifty Shades of Gay”. Les homophiles, c’est-à-dire des homosexuels qui ne pratiquent pas, restent fidèles à leur voeu de chasteté mais sont façonnés par leur sensibilité. D’autres vivent mal leurs penchants et se flagellent, s’imposent des punitions […]. D’autres encore vivent avec un partenaire stable, leur assistant ou “beau frère”. D’autres enfin multiplient les partenaires ou ont recours à la prostitution. Plus on monte dans la hiérarchie, plus on trouve d’homosexuels. Ils se cooptent parce qu’ils se méfient des hétérosexuels. C’est un monde sans femmes. La misogynie est abyssale » (Martel, le 14 février 2019 ; Martel, 2019, p. 27).

Comme les hétérosexuels accomplis, les homosexuels peuvent refouler beaucoup d’aspects psychiques mais, différemment aux premiers, les homosexuels ont tendance à refouler de préférence l’hétérosexualité elle-même, tout en laissant néanmoins libre cours aux autres aspects de la sexualité plastique. Cette condition psychique est une spécificité qui leur est propre et qui échappe aux sujets qui vivent une hétérosexualité accomplie. Cette spécificité appartenant aux hétérosexuels refoulés, qu’ils soient asexuels ou homosexuels, tient au fait que l’homosexualité vécue par des sujets hommes peut, sous certaines conditions, devenir violente et perverse. Parce qu’elle se situe, contrairement à l’hétérosexualité accomplie, dans un domaine protosexuel qui peut facilement se corrompre s’il est inséré dans une ambiance anomique et identitaire. Plus précisément, c’est à partir de la forme la plus exclusive d’hétérosexualité refoulée, ou plutôt d’hétérosexualité démentie, mais à condition qu’elle soit insérée dans un système fermé de séparation des sexes, de sur-idéalisation ou de sublimation excessive du masculin, de communautarisme sexidentitaire et de dérives anomiques de la jouissance — comme c’était le cas des Wandervögel et des Männerbund de la société national-socialiste, comme c’est le cas actuellement des dirigeants de Daech (Arce Ross, 2019) ou de la Curie romaine —, que la pédophilie homosexuelle peut s’épanouir.

Pourquoi les ecclésiastiques catholiques souffrent à ce point, surtout depuis la deuxième moitié du XXeme siècle, de cette épidémie de pédophilie homosexuelle ? Parce que, en parallèle avec le Zeigeist de la jouissance identitaire et de la sexualité anomique qui s’est cristallisé lors des dérives de Mai 68, la très grande population de prêtres homosexuels de l’Église catholique, selon le Pape François, comme le note Frédéric Martel, a également commencé « à vivre une vie cachée et souvent dissolue » (Martel, le 14 février 2019). Un tel « système gay », dont Frédéric Martel, lui-même homosexuel convaincu, tient à montrer les perversions sexuelles et sociales, fonctionne comme un bastion identitaire et « homophobe » (Martel, 2019). Nous verrons plus bas que cette apparente contradiction n’en est pas une et c’est sur ce point que nous ne suivons plus cet auteur. Mais, prenons d’abord les données concrètes de ce double phénomène au sein de l’Église catholique.

Les Crimes de la pédophilie homosexuelle des ecclésiastiques

Est-ce que le pédophile est toujours homosexuel ou il est plutôt hétérosexuel ou encore il n’est ni l’un ni l’autre ? Est-ce que l’on peut dire que, même s’il s’attaque à des fillettes, le pédophile hétérosexuel serait, au fond, beaucoup plus “ouvert” que la normale aux éventuelles relations homosexuelles avec adultes si le cas se présentait ? Avant de répondre à ces questions, prenons d’abord les données concernant l’existence la plus claire de la pédophilie homosexuelle, celle qui est malheureusement si fréquente dans l’Église catholique.

La plus importante étude américaine sur la pédophilie homosexuelle au sein de l’Église catholique est celle publiée en 2004 par le John Jay College of Criminal Justice de la City University of New York, institution universitaire faisant autorité dans le domaine de la criminologie. Selon cette enquête, pas moins de 4 392 prêtres (sur plus de 109 000 aux États-Unis) ont été accusés de relations sexuelles avec des garçons, entre 1950 et 2002, soit une proportion de 4% de pédophiles sur le total de prêtres américains (Paul, 2010). Plusieurs autres études aux USA ont également montré que la grande majorité de pédophiles religieux sont des homosexuels, dans une proportion allant de 70% à 90% de tous les délinquants sexuels dans l’Église (Haywood, 1996, pp. 527-36 ; cf. aussi, Langevin, Curnoe & Bain, 2000, pp. 535-45). Et surtout à partir des années 2000, on observe une déferlante de dénonciations concernant la pédophilie ecclésiastique.

En France, des années 90 à 2017, pas moins de 72 prêtres ont fait l’objet d’une condamnation ou d’une mise en examen (Lucet, 2017). C’est ainsi qu’en octobre 2000 l’Abbé René Bissey, de 56 ans, est condamné à dix-huit ans de réclusion pour abus sexuels sur des garçons. Lors des plaidoiries, son avocat tient à affirmer que « l’homosexualité n’est pas un délit, mais c’est difficile à vivre. Imaginez alors la difficulté de René Bissey, victime de cet autre trouble de la sexualité qu’est l’attirance pour les enfants » (Santucci, le 7 octobre 2000). Ayant une préférence exclusive pour des enfants du même sexe, l’Abbé René Bissey s’adonnait à des « caresses et fellations réciproques » ainsi qu’à des « séances de masturbation collective devant les films pornos » avec les garçons dont il avait l’autorité (Santucci, le 3 octobre 2000). On sait que lors de son enfance, l’Abbé Bissey est surprotégé par ses parents, devient très réservé, ne parle à personne et, dans cette famille aisée, le fils aîné présente aussi des troubles psychiatriques qui le mènent à une hospitalisation. Jeune étudiant, l’Abbé Bissey devient dépendant de films pornographiques et s’intéresse de plus en plus à des adolescents de 12 à 18 ans. « Dès 1970, Bissey attire de jeunes garçons dans une cabane en forêt. Il a 26 ans, eux 16 ou 17. Ils se masturbent en feuilletant des magazines apportés par le jeune curé. Premiers attouchements, en 1975, avant les premières “relations” physiques suivies, au début des années 80. Puis les films pornos dans la chambre du presbytère, à Caen, grâce à une nouvelle chaîne cryptée. L’effet est “stimulant”, dit le curé, l’incitant à convier des adolescents aux projections. Sur son lit, ils se masturbent de concert, après le catéchisme. “La sexualité est naturelle, je voulais qu’ils sachent comment ça marchait” » (Santucci, le 3 octobre 2000).

Également, Dominique Spina, un aumônier de Pau, aux Pyrénées-Atlantiques, avait été condamné, en 2006, pour le viol d’un lycéen de 16 ans commis en 1993. Comme Michel Foucault et tant d’autres idéologues soixante-huitards faisant l’apologie de la pédophilie, cet aumônier plaidait l’existence d’un lien amoureux réciproque entre l’adolescent et lui (Le Parisien, le 30 avril 2016), ce qui voudrait dire que, pour lui, c’était tout à fait normal qu’un adulte puisse avoir des relations sexuelles avec des adolescents de 16 ans et que l’amour réciproque vaut consentement. Les mesures concernant l’abaissement de l’âge pour le consentement sexuel est une question brûlante et encore non-réglée (Arce Ross, 2017).

Sans aucun doute, sur fond de mariage pour tous et de normes sociétales, nous vivons une triste période où les violences sexuelles et érotiques contre enfants et adolescents apparaissent comme l’un de nos principaux troubles de civilisation. Sauf que, par l’intervention volontariste de gouvernements sexidentitaires comme ceux de Barack Obama aux USA, de François Hollande ou d’Emmanuel Macron en France et à cause également du genrisme, ces troubles de civilisation restent perçus idéologiquement par la plupart comme des habitudes normales et presque comme des vertus. Ceci se présente comme une néomorale reposant sur des postulats fallacieux, pervers et largement cyniques. Cependant, nous réveillant brutalement de plusieurs décennies d’idéologies sexidentitaires, on s’aperçoit avec frayeur, à l’aube des années 2000, que « chaque année, plus de 150 enseignants seraient convaincus de violences sexuelles sur les enfants dont ils ont la charge » (Faucon, 2001), dont évidemment des enseignants et des éducateurs religieux.

On peut constater que, lorsqu’il s’agit d’agressions sexuelles sur garçons, beaucoup de chercheurs, de commentateurs ou de journalistes comme ceux de Libération ou du journal Le Monde restent réticents à appeler cela par le terme de pédophilie et encore plus réticents à utiliser le terme de pédophilie homosexuelle. Ils s’autocensurent en disant surtout qu’il s’agit d’agressions sexuelles sur « mineurs » ou sur « enfants » et c’est beaucoup plus difficilement qu’ils concèdent qu’ils s’agit de “garçons”. Ceci n’est pas étonnant, compte tenu du fait que, pour ces communicateurs, influenceurs ou leaders d’opinion publiant dans des journaux à tendance sexidentitaire, parler de pédophilie homosexuelle ne servirait pas à la cause du mariage pour tous ni à celle des autres normes sociétales en cours. Or, nous savons que la plupart des victimes des prêtres de l’Église catholique sont bien des garçons. 

En effet, en se référant à une étude sur les abus sexuels commis par des ecclésiastiques aux USA, Eli Bradley affirme que les prêtres pédophiles sont sans aucun doute « typiquement homosexuels » (Bradley, 2016). Ainsi, le Rapport annuel 2015 de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis sur les abus sexuels au sein de l’Église montre que, sur les 314 cas qui se sont manifestés au cours de la période entre juillet 2014 et juin 2015, 81% des victimes étaient des garçons, dont 49% avaient entre 10 et 14 ans et environ 16% avaient moins de 10 ans (USCCB, 2016, p. 38). Pour sa part, Frédéric Martel, tout en montrant quelques cas d’abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres influents, tient à affirmer qu’au Vatican « l’homosexuali-té devient la règle, l’hétérosexualité l’exception » (Martel, 2019, pp. 27, 66). Grâce aux données révélées par son enquête faite au Vatican et dans l’Église catholique de plusieurs pays, Frédéric Martel signale que le Pape François « est exaspéré par les affaires d’abus sexuels qui gangrènent par milliers — par dizaines de milliers en fait — l’Église catholique partout dans le monde. Chaque semaine, de nouvelles plaintes sont déposées, des évêques sont montrés du doigt ou inculpés, des prêtres sont condamnés, et les scandales succèdent aux scandales. Dans plus de 80 % des cas, ces affaires concernent des abus homosexuels — très rarement hétérosexuels » (Martel, 2019, p. 115).

Selon une vaste enquête du Boston Globe, parue en 2002, plus de 130 hommes ont raconté, depuis le milieu des années 1990, comment l’ancien prêtre John J. Geoghan les aurait caressés ou violés, par voie orale et anale, pendant une frénésie de trois décennies à travers une demi-douzaine de paroisses du Grand Boston. La plupart de ses victimes étaient des garçons de l’école primaire et parfois du collège, mais l’un avait à peine 4 ans. Ce prêtre pédophile a été traité plusieurs fois et hospitalisé au moins une fois, dans le Seton Institute de Baltimore, pour modifier son orientation sexuelle mais malheureusement les résultats n’ont pas été concluants. Le problème est que, probablement par peur du scandale, comme le dit le psychothérapeute spécialiste en abus sexuel du clergé, « l’Église catholique a été trop lente pour traiter les prêtres qui abusent des enfants » (Rezendes, Carroll & Pfeiffer, January 6, 2002).

Grâce à ce secret si bien gardé par l’Église aussi bien qu’à l’énorme lenteur dans la mise en place des psychothérapies des pédophiles, on ne connaissait aucun autre scandale similaire touchant un diocèse américain depuis 1992. En cette époque, il y a eu plus de 200 garçons et filles victimes de l’ancien prêtre James Porter dans le diocèse de Fall River et, plus tard, même derrière les barreaux, ses pulsions bisexuelles se sont attaquées aux co-détenus au point que les responsables de la prison ont déclaré qu’il avait un appétit sexuel vorace. Ici encore, le prêtre pédophile pouvait manipuler ses victimes en s’appuyant sur la haute influence et la légitimité usurpée que sa place d’autorité morale lui conférait jadis dans les consciences infantiles. Ceci dans la mesure où la parole d’un prêtre était considérée comme venant juste après celle de Dieu et que les enfants avaient appris que « le prêtre était l’incarnation de Dieu sur Terre » (Foster, 2012). Dans ces conditions, le sacerdoce pédophile devient une imposture qui ne devrait plus continuer de rejaillir sur la grande majorité des vrais Pères de l’Église.

Sans aucun doute, les pédophiles préfèrent les postes ou les fonctions où ils peuvent exercer et développer une haute place d’autorité morale auprès des enfants, comme les prêtres, les enseignants, les éducateurs, les animateurs, les coachs sportifs, etc. Le pédophile se situe volontiers à la place de la paternité morale qui manque souvent chez les enfants ciblés. Mais en dehors de ces fonctions apparentes, les pédophiles et ceux qui font l’apologie de la pédophilie utilisent les idéologies identitaires, comme celles qui se sont développées à partir de Mai 68, pour créer un terrain propice pour la manipulation émotionnelle et sexuelle des victimes ou de l’opinion publique. 

Sur le caractère spécifique de sa pédophilie, il est très curieux que John Geoghan se présente lui-même comme hétérosexuel, alors que selon les transcriptions de ses séances de psychothérapie faites par son psychiatre Edward Messner, Geoghan reconnaît que ses victimes étaient exclusivement de garçons prépubères et qu’il évitait les filles, considérées « plus dangereuses » (Rezendes, Carroll & Pfeiffer, January 7, 2002). C’est ainsi que les psychiatres et les psychologues de l’Institut de santé mentale Saint Luke, de Suitland, dans le Maryland, posèrent un diagnostic de « pédophilie homosexuelle ». Mais plus que simple homosexuel, il faudrait, à mon avis, considérer très probablement Geoghan comme un protosexuel ou bien comme un homosexuel anomique. À propos de l’infantilisme protosexuel, ses supérieurs observaient chez lui, lorsqu’il était étudiant au Séminaire, une immaturité prononcée et, plus tard, son psychologue affirmait qu’il avait un puissant manque affectif, un profond sentiment de solitude émotionnelle et qu’il éprouvait depuis longtemps de l’excitation pour les enfants (Rezendes, January 7, 2002).

Par ailleurs, en France, voici ce qui dit un jeune homme ayant été victime d’agressions sexuelles par le père Bernard lorsqu’il était petit.  « Durant près de deux ans aux scouts, entre ma neuvième et ma onzième année, j’ai souffert des attouchements répétés du prêtre qui s’occupait des enfants. Je n’ai pas été le seul, et de nombreux garçons de mon âge ont eu à subir les mêmes actes […]. J’ai croisé il y a quelques temps le père d’un petit garçon dans la même école que mon fils. Il a fait une partie de sa scolarité chez les maristes avec moi et était aux scouts de Saint-Luc à Sainte Foy-lès-Lyon comme moi. Nous nous sommes rappelé nos souvenirs d’enfance, l’école, les camps de scouts… et il a eu cette phrase qui trotte encore dans ma tête “Toi aussi, tu t’es fait tripoter par le père Bernard ?” » (Sauvaget, 2016).

On dirait donc que, comme tant d’autres prêtres pédophiles de par le monde, le père Bernard choisissait bien ses cibles en fonction de leur sexe (masculin), même s’il s’agissait des êtres encore sexuellement immatures. Ce prêtre avait bien donc une orientation homosexuelle, sauf qu’elle était doublée d’un autre élément encore à préciser. C’est à cela que le concept de protosexualité s’attacherait, à savoir qu’il servirait à définir les prémices du développement de la sexualité sur lesquels seraient fixés les pédophiles, entre autres pratiquants institutionnels des sexualités “alternatives” (prêtres, enseignants, éducateurs, animateurs…). Selon ma conception, les facteurs rouges seraient les éléments constituant et représentant linguistiquement la dimension proprement protosexuelle. Lorsqu’ils sont rappelés, ou réveillés, dans des contextes anomiques, ils peuvent induire une sexualisation des pulsions de destruction, ou des actes violents, dans la pratique des actes protosexuels.

Si les pères pédophiles de l’Église n’avaient plus la possibilité d’avoir si facilement des garçons à disposition, ne s’adresseraient-ils pas à des jeunes hommes homosexuels un peu plus âgés ? Mais, pourquoi les prêtres pédophiles s’attaquent surtout aux jeunes garçons ? Peut-on dire que c’est parce qu’au départ, ils ont une simple orientation homosexuelle ou plutôt, comme je le conçois, parce qu’ils sont soumis, parfois depuis l’enfance, à ce que j’appelle la protosexualité ?

Pour répondre à cette question, un prêtre catholique, se présentant comme psychothérapeute de victimes d’agressions sexuelles, Stéphane Joulain, tente de défendre l’idée selon laquelle pédophilie et homosexualité n’ont pas de lien y compris lorsqu’il s’agit d’agressions sexuelles d’un homme adulte sur des garçons (Bataille, 2010). Pourquoi cette véhémence du prêtre psychothérapeute à séparer les deux malgré ce que la réalité du phénomène nous montre ? Lorsqu’un homme agresse sexuellement un enfant ou un adolescent de même sexe, il n’est pas permis de parler d’homosexualité en plus de pédophilie ? Et cela en sachant en outre que le même homme a des pratiques exclusivement homosexuelles ? Pourquoi donc y aurait-il autant de pudeur, ou d’hypocrisie, à appeler les choses par leur nom ? 

Nous pourrions peut-être tenter de répondre à cette question par l’évocation du cas de Tony Anatrella. Alors qu’il est un grand accusateur du genrisme et du mariage pour tous aussi bien qu’un critique de l’homosexualité, Monseigneur Tony Anatrella, prêtre et pourtant psychothérapeute d’homosexuels, est paradoxalement accusé d’avoir entretenu des relations homosexuelles avec ses patients. Plus que cela, bien qu’il s’en défende (Senèze, 2016), il est même accusé de créer des directives au Vatican pour empêcher la dénonciation d’abus sexuels par les victimes de pédophilie au sein de l’Église. Quelle ironie ! Les cas des sujets “homophobes” abondent chez de prêtres homosexuels ou même pédophiles. Est-ce le cas de Tony Anatrella ? En tout cas, il a été sanctionné par l’Église à une interdiction « de ministère, de confession, de toute activité thérapeutique et de toute intervention publique » (Hoyeau, 2018). En tout cas, s’il est reconnu coupable, on pourra dire que Tony Anatrella, comme tant d’autres prêtres, ne tient pas à avouer son homosexualité, non pas à cause d’une honte éventuelle que cette condition de jouissance impliquerait, mais surtout à cause du fait que ces pratiques homosexuelles anomiques voilent, ou masquent, voire même dévoilent des actes pédophiles et donc criminels.

Peccato originale. Incontro con Gianluigi Nuzzi

De son côté, dans son livre Péché originel, Gianluigi Nuzzi dénonce des agressions pédophiles faites, depuis bien longtemps, par un « lobby homosexuel » qui exercerait sa manipulation sur des jeunes séminaristes (Stella, 2017 ; Nuzzi, 2017). Selon un témoin polonais, Kamil Tadeusz Jarzembowksi, séminariste et résidant dans une institution installée dans la cité du Vatican hébergeant des enfants et adolescents du monde entier, un séminariste adulte aurait agressé sexuellement, pendant l’année 2011-2012, un lycéen âgé de 17 ou 18 ans, sous ses propres yeux. Selon Kamil, un ancien élève autorisé à rester dans le palais se présentait très souvent le soir — jusqu’à 140 fois en quelques mois — pour avoir des relations sexuelles avec son camarade de chambre, lequel « se sentait obligé de céder à ses exigences » (Journal de Montréal, le 9 novembre 2017). Lors de l’enquête, deux autres personnes confirment le témoignage de Kamil et celui-ci, étudiant en histoire de l’art et lui-même homosexuel, affirme : « je ne reproche pas à ces prêtres d’être homosexuels. Tout cela est une vaste hypocrisie : dans la journée, ces gens sont homophobes ; la nuit, ils se déchaînent dans des discothèques gay » (Journal de Montréal, le 9 novembre 2017).

Le Vatican et les autorités ecclésiastiques de l’Église catholique fonctionnent comme une agence de mariage pour tous entre prêtres et garçons ou entre prêtres et adolescents

La Fausse réputation d’hypocrisie dont on affuble les pédophiles homosexuels devenus homophobes

Si l’enquête de Frédéric Martel est importante et bienvenue, bien qu’il découvre ce que tout le monde savait déjà sur l’homosexualité et sur les actes de pédophilie des dirigeants de la Curie romaine, en revanche son analyse pèche de superficialité. En effet, il butte sur la question de l’homophobie des ecclésiastiques. Comme quelques psychiatres ou psychanalystes sexidentitaires, tels que Serge Hefez ou Fethi Benslama, qui considèrent respectivement que les terroristes de Daech sont des « homosexuels refoulés » (Lorriaux, 2016) ou des « homosexuels honteux » (Seelow, 2016 ; Lorriaux, 2016), Frédéric Martel tombe dans le même piège. Et, du coup, son analyse ne dépasse pas le forçage idéologique qu’il effectue avec l’objectif de convaincre le lecteur que si le clergé s’attaque aux homosexuels laïques, tout en étant lui-même homosexuel et pédophile, c’est parce qu’il serait « hypocrite » ou parce qu’il aurait « refoulé » son homosexualité. Trop léger comme analyse, trop simplet comme conclusion.

Je considère plutôt que c’est une véritable hypocrisie celle de dire que les prêtres pédophiles, à l’instar des terroristes de Daech ou à une époque des SS des national-socialistes, s’attaquent aux homosexuels par simple hypocrisie. Les prêtres pédophiles ne sont pas hypocrites, ce sont des criminels. Ils sont en-deçà ou au-delà de toute preuve de respectabilité. Il se trouve que ce n’est pas par simple hypocrisie qu’ils agissent de la sorte, mais pour sauvegarder un autre secret bien plus puissant, grave et dangereux que la simple homosexualité. Il s’agit d’un secret qui a à voir avec l’exercice d’un crime sexuel, la pédophilie. On aurait pu parler d’hypocrisie si les prêtres de l’Église s’étaient bornés à coucher entre eux ou avec des adultes consentants (d’autres prêtres, séminaristes, prostitués masculins, secrétaires, gardes suisses ou bénévoles laïques) et qu’ils auraient voulu sauvegarder un semblant de dignité. Mais la vérité est tout autre. 

Ce qui est effarant c’est que Frédéric Martel la connaît, puisque lui-même nous la raconte. Le problème c’est qu’il ne tire pas les conclusions qui s’imposent. Mais ce n’est pas bien grave. Car son travail se cantonne à être celui du grand reporter, sans approfondir les analyses psychanalytiques. Voilà ce qu’il dit sur le sujet : « derrière la majorité des affaires d’abus sexuels se trouvent des prêtres et des évêques qui ont protégé les agresseurs en raison de leur propre homosexualité et par peur qu’elle puisse être révélée en cas de scandale. La culture du secret qui était nécessaire pour maintenir le silence sur la forte prévalence de l’homosexualité dans l’Église a permis aux abus sexuels d’être cachés et aux prédateurs d’agir » (Martel, 2019, p. 117). C’est-à-dire que le grand secret n’est pas de maintenir les prêtres homosexuels dissimulés et cachés. Ce serait un moindre mal. Cela n’intéresserait pas grand monde, sauf pour le côté folklorique et anecdotique de la chose. En revanche, le grand secret qu’il s’agit de garder, coûte que coûte, est bien celui de la pédophilie homosexuelle de l’Église catholique, non pas tant parce qu’il s’agit de telle ou telle condition de jouissance sexuelle mais bien parce qu’il s’agit de crimes sur des enfants et des adolescents.

Comme corollaire, on peut dire que ni les SS des national-socialistes, ni les dirigeants de Daech, ni les prêtres pédophiles de l’Église catholique ne s’attaquent à leurs proies innocentes à cause d’on ne sait quel “refoulement de l’homosexualité”, mais bien au contraire à cause d’un exercice avéré de l’homosexualité anomique, translimites et identitaire. 

Comment pouvons-nous expliquer le paradoxe selon lequel on ne trouverait de la véritable haine de l’homosexualité que chez quelques homosexuels et non pas chez des vrais hétérosexuels accomplis ? Si, selon un autre paradoxe, certains hommes d’Église s’opposent également à l’association entre pédophilie et homosexualité, est-ce que cela s’expliquerait par le fait qu’ils sont personnellement concernés et qu’ils ne veulent apparaître ni comme pédophiles ni comme homosexuels ? Ou est-ce qu’il faut comprendre tout simplement que, comme dans la population homosexuelle, il y a également dans la communauté de pédophiles quelques uns qui ne sont pas d’accord avec le mariage pour tous et à qui on accuse injustement d’“homophobie” ? Ou plutôt qu’il existe plusieurs types d’homosexuels, dont un, identitaire et anomique, lequel cultive une véritable haine des autres homosexualités ? Ou encore que les prêtres homosexuels s’opposent au mariage laïque pour tous dans la mesure où ils savent d’expérience que, sous certaines conditions — notamment lorsque les homosexuels sont enfermés entre eux dans des communautés identitaires qui maintiennent les femmes à distance et se réunissent autour d’une phobie de l’hétérosexualité et d’une phobie des femmes comme objets sexuels et qu’ils développent une homosexualité anomique —, qu’il y a donc, dans ces conditions, un véritable risque pour des dérives vers les perversions pédophiles ?

L’homoérotique identitaire est parvenu à établir une synthèse entre perversions et phobies, de telle façon que l’anesthésie sexuelle galopante inhérente à sa sexualité anomique le pousse vers une jouissance de plus en plus osée, de plus en plus importante ou grave, jusqu’à parvenir à la scène protosexuelle qui fonctionne comme une matrice de la pédophilie. C’est ce qui peut également arriver à quelques hétéroérotiques, surtout masculins, dans leur parcours pédophile. Cependant, rappelons ici que l’on peut considérer, comme le fait le psychiatre et psychanalyste Roland Coutanceau, que « la pédophilie homosexuelle des hommes est plus fréquemment exclusive que l’attrait pédophile pour les filles. En revanche, la pédophilie chez les femmes est plus fréquemment secondaire, circonstancielle, occasionnelle  », c’est-à-dire que les femmes souvent ne sont pas pédophiles exclusives mais alternent avec des relations adultes. Aussi, Roland Coutanceau observe qu’il y a surtout deux traits qui reviennent souvent pour décrire le type de pédophiles exclusifs, dont seulement un peu plus de la moitié seraient, selon lui, à caractère homosexuel : l’égocentrisme exacerbé et l’immaturité avérée (Coutanceau, le 16 août 2016). Cela nous renvoie donc à notre théorie non pas évidemment sur l’homosexualité mais bien sur la protosexualité comme matrice de la pédophilie.

Ce que Frédéric Martel appelle le bastion homosexuel, sorte de « mafia gay » ou de « franc-maçonnerie gay » selon ses propres termes (Martel, 2019), un bastion identitaire qui peut glisser vers la pédophilie, se forme, à mon avis, comme cela avait été le cas dans la société national-socialiste et comme c’est le cas aujourd’hui chez Daech, à cause de quelques éléments que nous-mêmes nous analysons dans un autre travail (Arce Ross, 2019). Ces aspects étiopathogéniques ont à voir avec, entre autres, une profonde cohésion masculine à la limite de la relation homoérotique, la toujours impressionnante séparation des sexes et le développement macropsychique de la sexualité anomique, selon un héritage hyper-sensitif dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale.

Indépendamment de l’angle par lequel on attaque le problème, nous sommes obligés de constater que la misère sexuelle des pères de l’Église devient malheureusement une violence pédophile contre garçons enfants et adolescents, bien plus que contre des filles. En 2019, Frédéric Martel évoque à ce propos des statistiques américaines selon lesquelles la proportion de garçons victimes des prêtres de l’Église est de 80 % à 85 % (Martel, 2019), ce qui correspond tout à fait avec les données que nous avons trouvé nous-même dans notre recherche et que nous avons cité plus haut. Sans doute, n’étant un secret pour personne et comme Frédéric Martel tient à le démontrer et à l’exprimer explicitement, la pédophilie ecclésiastique est largement homosexuelle. En outre, le confinement strictement masculin et à grande tendance homoérotique aurait favorisé le fait que les abus sexuels pédophiles restent cachés. Ainsi, Frédéric Martel considère que « le silence sur la forte prégnance de l’homosexualité dans l’Église a permis aux abus sexuels d’être cachés et aux prédateurs de bénéficier de ce système de protection à l’insu de l’institution — bien que la pédophilie ne soit pas le sujet central de ce livre » (Martel, 2019, p. 14). Cette longue enquête nous intéresse au premier chef puisqu’elle nous aide à avancer dans notre recherche sur ce que j’appelle les facteurs rouges. À savoir, ces facteurs macropsychiques qui permettent qu’une sexualité anomisée devienne une violence en général et une violence sexuelle en particulier. Autrement dit, il s’agit d’un processus macropsychique où la violence est teintée d’une jouissance érotique, mais sous un versant communautaire et identifier. 

Il est évident, comme c’était le cas chez les dirigeants national-socialistes et chez les fondamentalistes de Daech, que les ecclésiastiques participant du pouvoir sont, de préférence ou en majorité, soit homosexuels sublimés (homophiles selon les termes de Martel ou homoérotiques non-identitaires selon ma propre classification), soit homosexuels hédonistes (pratiquants), soit homoérotiques identitaires (participant intensément de la sexualité anomique). C’est ces deux derniers que Frédéric Martel appelle « homosexuels refoulés », sans se rendre compte ou sans vouloir accepter que ces deux types d’ecclésiastiques sont en vérité plutôt des hétérosexuels refoulés. Et, à mon avis, c’est cela la triste vérité de la pédophilie, plus que de l’homosexualité d’ailleurs, à savoir que la pédophilie n’est possible que parce que le parcours hétérosexuel a été bloqué, refoulé, mis à l’écart, démenti, forclos ou phobicisé. 

Si je considère Frédéric Martel comme tendancieux, c’est parce que, comme tant d’autres, il essaie de démontrer, en forçant sa tendance idéologique, que si les prêtres de l’Église catholique sont pour la plupart homosexuels assumés ou refoulés, ils n’ont pas d’autorité morale pour contester l’idéologie du genre et les normes sociétales comme le mariage pour tous. Son objectif est ainsi de montrer que les ecclésiastiques ne peuvent pas, ne devraient pas s’opposer au mariage pour tous, que la pédophilie serait un mal reposant sur un refoulement des pulsions homosexuelles et que l’homosexualité serait donc une vertu. Sa conclusion est forcée car il tente de manipuler les données de son enquête pour découvrir ce qu’il avait prévu avant de la faire et qui, en plus, l’arrange personnellement puisqu’il y est plus qu’impliqué de par ses propres modes de jouissance. L’enquête est importante, mais l’analyse est biaisée car trop partialisée. Dans cette affaire, Frédéric Martel est malheureusement juge et partie.

Pour cela, c’est exactement le contraire qui se dégage de son enquête malgré tout si intéressante. À savoir que les ecclésiastiques non seulement sont pour la plupart homosexuels, mais que leur homosexualité s’est en plus convertie en pédophilie surtout chez ceux qui sont les plus proches du pouvoir. Ce que l’enquête de Martel montre est que la présence de plus en plus grande de prêtres à l’homosexualité anomique au sein de l’Église, a fait qu’elle se corrompe et développe des perversions sexuelles et sociales. C’est-à-dire qu’en termes de jouissance sexuelle, le Vatican et les autorités ecclésiastiques de l’Église catholique ont fonctionné, et fonctionnent encore aujourd’hui, comme une agence de mariage pour tous entre prêtres et garçons enfants, ou entre prêtres et garçons adolescents. C’est d’ailleurs une évidence que le concept de mariage pour tous, ou plus précisément le concept de mariage communautaire pour tous, a réellement existé dans la vie ecclésiastique bien avant que dans la vie civile. Il n’y a donc pas à opposer ces deux communautés gay (les ecclésiastiques et les sexidentitaires). Il y a, au contraire, des rapports de continuité, ou d’évolution, entre ces deux mondes homoérotiques. 

On dirait que Frédéric Martel, homosexuel déclaré, en veut au fond à l’Église et notamment aux pères homosexuels de l’Église, qui, à leur tour, en veulent aux homosexuels laïques et ainsi de suite. Selon Martel, « plus un prélat est homophobe, plus il a de chances d’être lui-même homosexuel » (Martel, 2019, p. 14) et, pour illustrer ses propos, il tient à utiliser des termes comme « guerre menée par des homosexuels placardisés contre des gays déclarés » (Martel, 2019, p. 16), « règlements de comptes entre homosexuels » (Martel, 2019, p. 42) ou que « les rumeurs, les médisances, les règlements de comptes, la vengeance, le harcèlement sexuel sont fréquents au saint-siège. La question gay est l’un des ressorts principaux de ces intrigues » (Martel, 2019, p. 82). Cependant, il ne faut pas oublier qu’un autre ressort, probablement plus important encore, de ces mêmes intrigues serait la pédophile d’une partie de ces homosexuels anomiques. 

Heureusement qu’il n’oublie pas de faire référence à un thème qui me semble essentiel dans la structuration des homosexualités et qui est la haine de soi. À ces propos, en parlant de la complexe personnalité de Monseigneur Carlo Maria Viganò, Martel affirme que « sa haine de soi lui ferait haïr les homosexuels ; il serait ce qu’il dénonce » (Martel, 2019, p. 70). Oui et non. Oui, même si la haine de soi n’est pas un privilège des homosexuels dissimulés, car elle se retrouve dans tout le spectre identitaire et anomique de ces problématiques. Et non, parce qu’il ne faut pas forcer la réalité des faits avec l’intention à peine avouée de l’auteur de condamner les homosexuels dissimulés tout en considérant l’homosexualité déclarée comme une valeur, comme une norme ou même comme une vertu. Nous savons que cette position idéologique ne résiste pas à un examen critique, dans la mesure où il peut exister beaucoup de fanatiques et d’identitaires chez les homosexuels déclarés. D’ailleurs, vu l’étendue des cas de pédophilie homosexuelle de par le monde impliquant des prêtres et vu les attitudes connues de l’intimité des ecclésiastiques, la dissimulation de l’homosexualité dans l’Église catholique est vraiment depuis toujours un secret de polichinelle.

Aussi, Martel prend en considération l’« offensive par une faction gay contre une autre faction gay de la curie, la première anti-François et d’extrême droite , la seconde pro-François et plus libérale » (Martel, 2019, p. 66). Et voilà, comme dans ma recherche sur la jouissance identitaire dans la civilisation (Arce Ross, 2015) et comme chez d’autres auteurs également, les relations entre un type d’homosexualité, plutôt anomique, translimites et identitaire, et l’extrême droite sont avancées par Frédéric Martel dans son enquête.

C’est-à-dire que, comme tant d’autres, Frédéric Martel nous montre que les principaux “homophobes” sont les homosexuels eux-mêmes, qui se détestent mutuellement car chaque groupe d’homosexuels déteste et discrimine les autres homosexuels n’appartenant pas à sa propre communauté de jouissance identitaire. Un tel phénomène pourrait s’expliquer par le fait qu’il existe plusieurs types d’homosexuels au sein de ces communautés perverses que sont le Vatican, les SS du régime national-socialiste, les dirigeants et terroristes de Daech ou les membres fanatisés des groupes sexidentitaires (Arce Ross, 2015), en plus évidemment de ceux laïques ou déclarés de la société civile qui ne posent des problèmes à personne.

Ces considérations semblent donc nous inciter à concevoir plusieurs formes très différentes d’homoérotisme. Il y a, d’abord, deux formes que l’on peut situer dans la névrose, telles que l’homoérotisme sublimé ou non-identitaire et l’homosexualité hédoniste également non-identitaire. Les sujets de ces deux formes existent sans troubles psychopathiques, mais ils vivent néanmoins sous l’emprise d’un refoulement de l’hétérosexualité dont ils se débrouillent de diverses façons. On trouve dans celles-là la plupart de sujets qui demandent une psychanalyse. Ensuite, il y a deux autres formes clairement perverses. Il s’agit, d’une part, de l’homoérotisme identitaire, translimites et anomique, dont certains sujets qui le subissent peuvent développer en parallèle une régression ou une fixation à des formes protosexuelles. Dans ces derniers cas, on trouve, d’autre part, la pédophilie homosexuelle. Bien que la plupart de ces derniers cas sont assez réfractaires à la psychanalyse, on peut malgré tout recevoir de temps en temps de patients de ce type, dont quelques uns d’ailleurs participent ou ont participé à de groupes sexidentitaires fanatisés, radicalisés ou extrémistes. 

Y a-t-il un lien plus que chronologique entre les discours sur la libération sexuelle, commencés après la Seconde guerre mondiale, et les normes sociétales d’aujourd’hui, comme le mariage pour tous ou la banalisation des sexualités “alternatives”, d’une part, et ce qui semble être l’épidémie de pédophilie dans le monde occidental, d’autre part ? N’oublions pas que si ces scandales pédophiles éclatent un peu tardivement, ils ont effectivement commencé à partir des années 60 ou 70, c’est-à-dire à partir de Mai 68.

[À suivre, car ce texte est un petit extrait d’une recherche en cours]

German ARCE ROSS, le 18 février 2019

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