German ARCE ROSS, janvier 2016.

Interview accordée à Pauline Iuvchenko, psychanalyste à Kiev (Ukraine), sur les perspectives actuelles de la pratique psychanalytique, le vendredi 29 janvier 2016.

Quelle est la place de la psychanalyse moderne dans la culture, dans la vie sociale et politique, de la France et de l’Europe ? Quelles sont les tendances, les perspectives, les défis posés à la pratique analytique, étant donné qu’elle ne pourrait être possible que dans le champ de la démocratie et du libre marché ?

L’actualité nous montre que nous ne pouvons plus nous référer à une psychanalyse unifiée, mais à plusieurs versions très différentes qu’elle recueille aujourd’hui tant pratiques que théoriques. Il y a, par exemple, parfois énormément de différences entre un psychanalyste lacanien et un autre, selon les tendances sociétales qu’il veut bien assumer ou pas. Et, à terme, cela apportera des conséquences importantes dans le développement de la psychanalyse ainsi que dans la défense des concepts majeurs de Freud et Lacan qui peuvent se déliter chez certains.

On risque de parvenir à un point de rupture entre ce qui serait une psychanalyse traditionnelle, une psychanalyse sociétalisée, une psychanalyse trans-humaniste, et ainsi de suite ? Devant cette nébuleuse qui se réclame de la psychanalyse, parviendrons-nous à (re)créer une pratique analytique libre des contraintes idéologiques et dogmatiques de la civilisation occidentale d’aujourd’hui ?

Le problème se trouve également dans l’application de la psychanalyse dans les institutions sanitaires et dans l’université. Ainsi, la question se pose, de plus en plus, de savoir si la psychanalyse doit conserver toujours une place dans l’université. Car, entre autres dérives constatées, le Professeur de psychanalyse à l’université est forcément coincé par une modalité de discours qui n’a rien à voir avec la praxis psychanalytique quotidienne, laquelle requiert une autonomie du praticien vis-à-vis des théories et des doctrines.

Malgré ces questions en suspens, nous constatons que la place de la psychanalyse dans la société ouverte est toujours éminente. Les patients continuent à s’adresser avec confiance aux psychanalystes en pratique privée et y trouvent une aide souvent efficace et sérieuse.

En outre, les patients vous emmènent aujourd’hui des symptômes nouveaux, qui n’existaient évidemment pas à l’époque de Freud et même il y a encore quelques années. La position sociale aussi bien que les valeurs de citoyenneté des patients induisent, réclament, nécessitent une modification importante de la modalité de traitement de ces nouveaux symptômes. Sans aucun doute, la pratique analytique doit alors répondre de façon créative à la nouvelle psychopathologie produite par les modifications substantielles de la civilisation occidentale.

Mais, le psychanalyste a-t-il définitivement perdu son aspect d’oracle (encore présent dans la pratique analytique des années 50 à 70) pour en acquérir plutôt un côté sorcier, ou chamanique, malgré (ou pour cause de) la grande technicité de la société aujourd’hui ?

German ARCE ROSS. Paris, janvier 2016.

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