German ARCE ROSS. Paris, le 21 décembre 2016.
Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) :
ARCE ROSS, German, « Normes sociétales et phénomène Trumpsexuel», Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2016.
Societal Norms and Trumpsexual phenomenon
Since the moral failure of European socialism, the social and economic crises between the end of the twentieth and the beginning of the twenty-first centuries, the same sex marriage, the institutionalized propaganda of the gender, the climb of the far right in Europe, the Islamist attacks, the Brexit and now the election of Donald Trump, one may wonder: are we trying uncounsciously to live under an far right-wing populism to repair the anthropological rupture of our time ?
If I relate these so heterogeneous phenomena it is because in my text Identitarian Jouissance in the Civilization, I study the possible link between Islamist terrorism, far right and gender ideology and it seems to me that the news events push me to insist in this sense.
Now, our text Societal Norms and Trumpsexual Phenomenon is an attempt to analyze social and political events as symptoms of a certain subject of the unconscious, the unconscious subject of bond of civilization.
Can we really define Donald Trump as a politician? Specifically, can we consider Donald Trump as a man of far right? Is he not rather an empirical opportunist, a pragmatic and very conservative businessman who has succeeded in gathering around him several political and especially apolitical tendencies? Although they are very heterogeneous, do they not have as common denominator the fact of belonging to segments of the population very dissatisfied with the new societal norms?
Normas societales y fenómeno Trumpsexual
Desde los acalorados debates sobre la Unión civil (PACS) en la década de 1990, la quiebra moral del socialismo europeo, las crisis sociales y económicas entre finales del siglo XX y principios del siglo XXI, el matrimonio homosexual, la propaganda institucionalizada del género, el avance de la extrema derecha en Europa, los atentados islámicos, el Brexit y ahora la elección de Donald Trump, uno puede preguntarse: ¿buscamos inconscientemente vivir bajo un populismo de extrema derecha para reparar la ruptura antropológica de nuestro tiempo ?
Si pongo en relación fenómenos tan heterogéneos se debe a que, en mi texto sobre el Goce Identitario en la Civilización, estudio la posible conexión entre el terrorismo islámico, la extrema derecha y la ideología de género y me parece que los acontecimientos actuales me llevan a insistir en esta vía.
Ahora, nuestro texto sobre Normas societales y fenómeno Trumpsexuel es un intento de analizar los acontecimientos sociales y políticos como síntomas de un cierto sujeto del inconsciente, el sujeto inconsciente del vínculo de civilización.
¿Podemos realmente definir Donald Trump como un hombre político? En concreto, ¿podemos considerar Donald Trump como alguien de extrema derecha? ¿No es más bien un oportunista empírico, un empresario pragmático y muy conservador que logró reunir a su alrededor varias tendencias políticas y especialmente apolíticas? A pesar de ser muy heterogéneas, ¿no tienen éstas como denominador común el hecho de pertenecer a segmentos de la población muy insatisfechos con las nuevas normas societales?
Normes sociétales et phénomène Trumpsexuel
Depuis les débats houleux sur le PACS pendant les années 1990, la faillite morale du socialisme européen, les crises sociales et économiques entre la fin du XXème et le début du XXIème siècles, le mariage pour tous, la propagande institutionnalisée du genre, la montée de l’extrême droite en Europe, les attentats islamistes, le Brexit et maintenant l’élection de Donald Trump, on peut se demander : cherche-t-on inconsciemment à vivre sous un populisme d’extrême droite pour réparer la rupture anthropologique de notre époque ?
Si je relie des phénomènes aussi hétérogènes c’est parce que, dans mon texte Jouissance identitaire dans la civilisation, j’étudie le lien possible entre terrorisme islamiste, extrême droite et idéologie du genre et il me semble que les événements de l’actualité me poussent à insister dans cette veine.
Maintenant, notre texte Normes sociétales et phénomène Trumpsexuel est une tentative d’analyser les événements sociaux et politiques comme des symptômes d’un certain sujet de l’inconscient, le sujet inconscient du lien de civilisation.
Peut-on réellement définir Donald Trump comme un homme politique ? Plus précisément, peut-on considérer Donald Trump comme quelqu’un d’extrême droite ? N’est-il pas plutôt un opportuniste empirique, un entrepreneur pragmatique et très conservateur qui a réussi à réunir autour de lui plusieurs tendances politiques et surtout apolitiques ? Bien que très hétéroclites, n’ont-elles pas comme dénominateur commun le fait d’appartenir à des segments de la population très insatisfaits des nouvelles normes sociétales ?
Rupture du lien de civilisation et populismes de l’extrême
Deux populismes face à face
Lors de la campagne pour les dernières élections pour Président des USA, je n’étais intéressé par aucun des deux principaux candidats car, pour moi, il s’agit de deux populismes dont les représentants, même en s’opposant l’un à l’autre, viennent pratiquement du même secteur social, économique et culturel. Populisme individualiste et néo-conservateur pour l’un, populisme sociétal et sex-identitaire pour l’autre.
Cependant, à partir du moment où le vainqueur a été Donald Trump —probablement le premier Roi de l’ancienne Confédération des USA, figure charismatique bien qu’haïe et ressemblant en cela au personnage de John Fitzgerald Kennedy—, comme tout un chacun, je me suis vraiment intéressé à cet événement. Ceci, pour deux raisons. La première, parce qu’avec la défaite de Hillary Clinton s’éloignait le risque d’un éventuel conflit de l’Occident contre la Russie. La seconde, parce que cette victoire surprenante venait conforter mon hypothèse selon laquelle il y a un lien entre le terrorisme islamiste, les mesures sociétales à caractère genriste et le surgissement des politiques de l’extrême.
Évidemment, j’aurais préféré que l’on puisse se passer de ces deux candidats-là. Mais, puisque le réel nous balance cette donnée à la figure, cela ne sert à rien de se dépenser mentalement en dénégations ou de contester de manière histrionique les résultats. C’est le jeu de la démocratie. Il ne s’agit pas ainsi de céder à aucun de ces deux fanatismes, couple dont le divorce représente le terrible clivage d’aujourd’hui.
Sans doute, on trouve quelques groupes politiquement extrémistes des deux côtés de la fracture américaine. Des extrémistes du Ku Klux Klan ou des fanatiques d’extrême droite, dans le camp de Donald Trump, et des extrémistes ou fanatiques de l’idéologie sex-identitaire dans le camp d’Hillary Clinton. Il faudrait considérer le fait que le citoyen démocrate, qui se croit moderne et progressiste, n’est pas exempt d’une participation complaisante vis-à-vis d’un populisme néo-normatif et auto-proclamé moralement correct. Et, confronté à une déception de sa morale idéologique, qu’il puisse réagir avec une violence surmoïque qu’il n’aime pas reconnaître comme lui appartenant. Ainsi, juste après les résultats connus, nous avons constaté des violences impressionnantes de part et d’autre notamment contre les électeurs des deux camps, des électeurs qui, personnellement, n’avaient rien à voir avec aucun fanatisme. Cette situation est déplorable, mais elle montre bien que des enjeux bien plus profonds que la simple politique s’y manifestent.
Si j’avais été Américain du Nord, je ne serais certainement pas allé voter. Car Hillary Clinton est, pour moi, complètement désavouée non seulement pour des graves accusations de corruption, ou parce qu’elle risquait de faire une guerre à la Russie (et cela, à mon avis, était très dangereux et inconséquent), mais aussi et surtout parce qu’elle a avalisé la politique d’inversion des valeurs de civilisation commencée par Barack Obama. En revanche, pour les questions de politique économique, je pourrais lui faire confiance mais sans trop d’enthousiasme.
Et je ne serais certainement pas allé voter pour Donald Trump non plus. Non pas tellement parce qu’il me semble avoir des idées un peu folles (car pourquoi pas être original et haut en couleurs), mais surtout parce qu’il est appuyé par quelques secteurs de l’extrême droite américaine. En revanche, les deux choses vis-à-vis desquelles j’aurais pu être d’accord avec lui lors des élections seraient, d’abord, la paix et la stabilité géopolitique vis-à-vis de la Russie (mais cela se serait imposé également, tôt ou tard, à Hillary Clinton) et, surtout, l’overturn qu’il a promis concernant des lois telles que le same sex marriage. Toutefois, je ne suis pas sûr qu’il mettra vraiment en place cette dernière mesure.
Cela pour dire que si j’avais été Américain du Nord, je ne serais certainement pas allé voter car, pour moi, la réelle différence entre Donald Trump et Hillary Clinton est minime. Très visiblement, comme cela a été le cas dans un dîner de gala après le troisième débat, il y a eu une sorte de concomitance d’intérêts ou de “complicité” entre Hillary Clinton et Donald Trump, et ceci malgré les critiques très dures, brutales même, de celui-ci (Al Smith, 2016). Sans doute, la politique, les élections et l’exercice de ce qu’on appelle la démocratie n’est qu’un théâtre. Un théâtre très intéressant et souvent très amusant, mais un théâtre parfois cruel vis-à-vis du peuple et d’autres fois cruel à cause de ce même peuple. Cependant, à partir du moment où l’un ou l’autre serait élu, il aurait fallu faire avec. Et c’est à ce moment-là qu’il faut réfléchir si on n’a pas voulu, ou on n’a pas pu, le faire avant.
Quel est le message des voix populistes ?
En outre, je trouve qu’il faut absolument se méfier de la tendance à considérer que si quelqu’un vote pour Donald Trump, pour Marine Le Pen ou pour Jean-Luc Mélenchon, c’est qu’il s’agit forcément de quelqu’un d’extrême droite ou d’extrême gauche. En pensant et en agissant de la sorte, on passe à côté d’une véritable analyse du réel en politique et on risque de se couper d’une partie de la réalité douloureuse du peuple. Sauf cas très rares d’adhérence identitaire, je suis convaincu qu’on n’est jamais définitivement de gauche ou de droite ni définitivement populiste de gauche ou populiste de droite. Le vote des électeurs peut changer selon les événements sociaux, politiques, économiques, personnels ou selon les rapports de force conjoncturels. Dans la mesure où les sondés avaient peur, réticence ou honte, de dire qu’ils allaient voter pour Donald Trump, les sondages, qui étaient pourtant bien faits, donnaient des réponses très partielles, non conformes à la réalité.
Si voter pour quelqu’un d’extrême droite ou d’extrême gauche était en soi une faute, il faudrait alors interdire la démocratie ou, au moins, les élections. Ou alors, il faudrait interdire les partis politiques et créer des élections à parti unique. S’il y a bien une faute dans le fait de voter pour un candidat d’extrême droite ou d’extrême gauche, ce n’est certainement pas celle de l’électeur, mais des politiques précédentes qui ont conduit le pays à des phénomènes telles que la haute corruption économique et la haute corruption morale. La question n’est pas de savoir s’il faut voter ou s’il ne faut pas voter pour tel ou tel candidat, mais d’étudier en profondeur pourquoi il existe des candidats d’extrême droite, ou d’extrême gauche, et pourquoi ils parviennent à attirer autant d’adhésion populaire à certains moments de l’histoire. C’est-à-dire, d’où cela vient ?
Si le socialisme, le communisme ou ce que proposent les multiples formes d’extrême gauche de par le monde étaient justes et adaptées à la vie en société, il n’y aurait pas de corruption économique, ni de perversion des valeurs de civilisation dans ces pays, sous ces régimes. Dans ce cas, l’existence même des politiques d’extrême droite ne serait pas du tout envisageable. Or c’est bien le contraire qui se passe.
Concernant ces questions sur les valeurs de civilisation, Barack Obama a été l’un des pires présidents des USA. Est-ce une coïncidence si c’est sous ses gouvernements que l’extrême droite américaine s’est développée jusqu’à se rapprocher du pouvoir ? Est-ce une simple coïncidence si ce sont sous les gouvernements socialistes que l’extrême droite française s’est développée et renforcée ? À qui la faute, donc ?
Cependant, à dire vrai, je ne pense pas tout à fait que l’explosion de l’extrême droite et de quelques populismes de gauche, comme aux USA mais aussi en Espagne, en Grèce et un peu en France, soit seulement due aux gouvernements, socialistes ou pas, corrompus ou pas. Non. Je ne pense pas que cela soit suffisant. Je pense qu’en plus de cela il s’agit d’une réaction presque planétaire et mondialisée à la rupture anthropologique ainsi qu’à la chute des valeurs de civilisation qu’elle a provoqué. Les tristes lois sociétales, mises en place par des gouvernements irresponsables, sont venus, secondairement toutefois, aggraver et consolider la rupture du lien de civilisation qui existait déjà.
Pour moi, la question qui se pose est donc plutôt de savoir si, de façon collective et même mondiale, nous cherchons inconsciemment à vivre sous un régime d’extrême droite, ou d’extrême gauche, pour cause de la rupture anthropologique de notre époque.
Désirer un Maître de l’extrême ?
Le Populisme de l’extrême est d’extrême droite et d’extrême gauche
Aujourd’hui en France, le risque est énorme de voir un parti populiste et extrémiste prendre le pouvoir. Nous avons deux figures possibles pour ce populisme de l’extrême. C’est le cas du Front national et du Front de Gauche. Pour moi, ces deux Fronts sont tous les deux d’extrême droite-gauche ou, si l’on préfère, populistes de l’extrême, car les deux sont pour moi des organisations profondément liberticides.
En effet, ils véhiculent des idéologies identitaires qui prônent la restriction des libertés individuelles, la liberté d’entreprendre (et de devenir riche si l’on veut ou si l’on peut), la liberté de s’exprimer ainsi que la restriction de la propriété individuelle et la transmission traditionnelle des biens familiaux. Elles prônent l’omnipotence de l’État, mènent vers la création d’une classe de fonctionnaires corrompus et parfois criminels, produisent le maintien de la pauvreté comme base de manipulation sociale, etc.
Je dis qu’ils sont tous les deux d’extrême droite-gauche ou populistes de l’extrême parce qu’il n’y a pas un mot pour signifier cela avec précision et il faut bien en inventer un. Le premier est directement d’extrême droite et l’autre indirectement. Car ce dernier se place comme un sujet propulseur d’un maître de l’extrême et, à la fin, il vient paradoxalement à créer les conditions pour qu’émergent des camarades de l’extrême socialisme.
D’ailleurs, dans sa conférence de Louvain, en octobre 1972, Lacan s’adressait déjà à des camarades révolutionnaires (d’extrême gauche donc) en leur disant que ce qu’ils cherchaient au fond c’était un Maître qui vienne les remettre à marcher droit (Lacan, Conférence à Louvain, 1972). Évidemment, c’est rare que l’être humain réussisse à vivre en liberté. Car l’exercice de la liberté est semé d’embûches, il est très difficile à tenir et représente une dépense d’énergie psychique considérable. C’est presque insupportable à vivre, surtout si le sujet reste identifié à des idéologies puissantes.
La Faillite du socialisme idéologique
Sans aucun doute, les mouvements sociaux et politiques autour de Mai 68 ont accouché, dans les pays occidentaux, de perversions sociales qui se sont ensuite répandues de façon exponentielle grâce à la mondialisation de l’information et des moeurs. Nous avons vu les tragédies sociales produites ces dernières années par les politiques d’extrême gauche dans quelques pays d’Amérique latine. Le Cuba des frères Castro, le Nicaragua de Daniel Ortega, l’Argentine des Kirchner, le Brésil de Lula et de Dilma Rousseff, le Vénézuela de Hugo Chavez et de Nicolas Maduro… ont été, ou sont encore, soumis à des gouvernements fonctionnant comme d’énormes mafias, vivant de systèmes de corruption, de populisme, de manipulation idéologique, de crimes ciblés d’adversaires gênants, de connexion parfois avec le milieu des narcoterroristes… Parallèlement, il s’est développé dans ces pays une grande délinquance, le trafic de drogue et la haute criminalité, la baisse des valeurs de civilisation touchant surtout la famille et le couple, le chômage de masse, bien souvent le retour de l’inflation, les crises financières, le délabrement de l’éducation et de la santé, etc. Les USA de Clinton et d’Obama, alors qu’ils ne sont pas d’extrême gauche, n’ont pas échappé à ces agissements à la limite du supportable.
Ainsi, certains disent aux USA que : «after the Clintons moved into the presidential mansion, the political scandals multiplied – from use of the IRS and FBI to target political opponents to stalking and harassing subjects of Bill Clinton’s sexual advances and even attempts to loot taxpayer-funded items from the White House. Americans also witnessed capers such as Travelgate, Chinagate, Filegate and Pardongate.» Et n’oublions pas non plus —et ceci a un poids psychologique très important— que «Bill Clinton’s sexual escapades and subsequent impeachment by the U.S. House of Representatives on charges of perjury and obstruction of justice consumed more than a year of American public life and bitterly divided the nation » (Wnd Com, 2015).
Même l’économiste star des socialistes, Thomas Piketty, reconnaît que « la victoire de Trump s’explique avant tout par l’explosion des inégalités économiques et territoriales aux Etats-Unis depuis plusieurs décennies, et par l’incapacité des gouvernements successifs à y faire face », dont ceux de Clinton et d’Obama (Piketty, Pour une autre mondialisation, 2016). Donc, si la cause des inégalités, pour lui, est la libéralisation et la sacralisation du marché, Clinton et Obama n’ont rien fait pour contenir cette tendance ni pour la modifier en quelque chose de plus juste mais, bien au contraire, l’ont renforcée et en ont tiré bénéfice pour garder le pouvoir. C’est à peu près la même chose que les socialistes français ont fait depuis François Mitterrand, c’est-à-dire, depuis le début des années 80. Cela nous montre, d’abord, que le problème ne se trouve pas dans le libéralisme, ou dans le néo-libéralisme, et, ensuite, que le socialisme n’est pas la réponse la plus adéquate pour rétablir la justice, la liberté et l’égalité.
De son côté, Bernie Sanders a aussi admis que l’état social, économique et même psychologique ou moral des citoyens américains est très mauvais après les années Clinton et surtout après les années Obama. Si Bernie Sanders se sent à l’aise pour proposer une alliance politique au nouveau Président, juste après les élections américaines, c’est selon lui parce que «Donald Trump won the election for a number of reasons. But one of the reasons that he won is, in my view, the failure of the Democratic Party that must be rectified. […] While Trump recognized that “there are millions of people today – working-class people, middle-class people, low-income people – who are living in despair” and turning to alcohol, drugs and suicide, the Democrats did not. […] Trump won because he “talked about a collapsing middle class in America,” said Sanders. “He is right» (RT News, Trump recognized millions of Americans live in despair, Democrats did not, 2016).
C’est pour cette raison que le philosophe américain Matthew B. Crawford considère que la victoire de Donald Trump représente une réaction légitime des laissés pour compte vis-à-vis d’une nouvelle élite américaine, urbaine, multiculturaliste, profondément boboïsée, remplie de privilèges, reine de la bonne conscience, hautement idéologique, moraliste bien que non religieuse et perçue comme « arrogante et hypocrite » (Crawford, Les États désunis d’Amérique, 2016).
Également, Jamie Rupert, jeune femme de 33 ans, qui se dit « démocrate de naissance », nous explique pourquoi elle a voté pour Donald Trump. Fille de mineur de charbon, petite-fille d’ouvriers du textile, épouse d’un ouvrier du bâtiment, Jamie a grandi dans une communauté fidèle au Parti démocrate et au mouvement syndical depuis des générations. Jamie est infirmière, mais en cette année 2016 elle ne travaille pas car elle a deux enfants en bas âge et, en plus, elle est à nouveau enceinte. En 2008 et en 2012, elle a voté pour Barack Obama, « un homme moderne, qui représentait le changement et qui comprenait les besoins des jeunes. » Mais, au bout de huit ans, elle constate que rien n’a changé à Wilkes-Barre
, une ville de 41.000 habitants au cœur du comté de Luzerne, vieux centre industriel du nord-est de la Pennsylvanie. Ce territoire a du mal à se reconvertir et est en déclin depuis des décennies. « Les démocrates n’ont rien fait pour nous, lance Jamie. Ils refusent de nous protéger, ils laissent les usines partir au Mexique, en Chine ou je ne sais où, c’est insupportable. » Elle s’inquiète également du flot de réfugiés et d’immigrants, venus de partout, qui s’installent dans la région sans aucun contrôle (Eudes, Démocrates depuis toujours, ils ont voté Trump, 2016).
Enfin, nous avons un témoignage important venant de West Virginia : «people in the places where a lot Trump voters live are not bad human beings who voted out of malice. Did you know that even though West Virginia is usually around the second poorest State in the country, the area where I live is ranked the 4th most charitable? We have the second least amount of resources but we give the 4th most of what little we do have.» (Akers Law Offices, Trump Won and I Don’t Understand Why You Don’t Understand, 2016).
Les gouvernements Clinton et Obama ont donc été désastreux pour les citoyens américains à revenus moyens, à faibles revenus ou non-urbains. Et comme aux USA des Clinton et d’Obama, quel est le bilan de décennies de socialisme en France ? Une augmentation considérable du chômage, la population prise comme cible privilégiée des terroristes, des dossiers rûlants comme la Sécurité sociale et les retraites, un délabrement des conditions de santé publique, le mariage pour tous et la perversion de la famille, l’idéologie du genre dans les écoles et l’université, la problématique non résolue des armes clandestines et du trafic de drogues dans les banlieues, l’absence d’une politique cohérente d’immigration et d’intégration, des fractures identitaires et communautaires, la professionnalisation de la délinquance et du trafic de drogue, une succession interminable de crises financières, une augmentation considérable des addictions en tout genre, la désaffection des électeurs classiquement de gauche et leur migration vers les partis d’extrême droite.
À cet égard, il faut bien reconnaître que, mis à part quelques transfuges de la droite vers l’extrême droite et vice-versa, ce sont surtout les anciens électeurs de la gauche socialiste extrême et de la gauche communiste qui votent aujourd’hui pour le Front national. Le problème de l’émergence de l’extrême droite ne se situe donc pas dans la droite ni même dans l’aile la plus à droite de la droite républicaine, mais bien plutôt dans l’incapacité de la gauche socialiste, de la gauche extrême et de la gauche communiste à créer une société démocratique avec progrès, avec liberté d’entreprendre et sans inégalités radicales.
Populisme de l’extrême et jouissance identitaire
Les politiques de ces dernières décennies n’ont servi à rien d’autre qu’à cacher, à rejeter et à anesthésier le réel du lien de civilisation qui fait retour, cette fois-ci de façon brutale. Mais, malgré que nous allons entrer dans une période de grandes turbulences et de modifications substantielles de notre style de vie, on sait bien que, dans le plus noir de chaque crise profonde, on finit par trouver une lueur jusqu’alors inconnue. Car il y a aussi les idées géniales, les solutions, les découvertes, les avancées, les amours et les amitiés inattendues produites par les grandes crises. Le jeu est ouvert désormais.
Beaucoup de mes textes de ces dernières années vont dans le sens d’une critique et d’une mise en garde sur les conditions qui permettent que l’extrême droite augmente, se consolide et finisse par prendre le pouvoir. D’une certaine façon, c’est presque malheureusement déjà fait et, vu l’état actuel de la France, vu les divisions à gauche et la paralysie au centre, vu les gouvernements catastrophiques de ces dernières décennies (la plupart socialistes), vu les lois anti-valeurs de civilisation qu’ils ont mis en place, le fait que l’extrême populisme (de droite ou de gauche) prenne le pouvoir semble presque inéluctable.
En janvier 2014, je disais que plus la société occidentale développe des actions et des discours faisant l’apologie des perversions sexuelles, plus les groupes fanatiques comme l’extrême droite ont des facilités à se répandre dans l’électorat d’un pays. Perversion sexuelle et perversion sociale (populisme d’extrême gauche ou populisme d’extrême droite), ce sont les deux versants d’un même problème (Arce Ross, Perversion sexuelle et dérive totalitaire selon Nymph()maniac, 2014). Un mois plus tard, je disais que la perversion extrême, à l’oeuvre dans la société occidentale aujourd’hui, est à situer comme l’association d’une multiplicité de perversions (sexuelles, corporelles et sociales) autour d’un élément central, représenté par le sadomasochisme qu’il soit lui-même à connotation sexuelle ou pas (Arce Ross, Sadomasochisme, perversion extrême et forclusion de la féminité dans Nymph()maniac, 2014). À la fin 2015 et à la suite de l’attentat contre le Bataclan, je faisais une étude en affirmant que les modèles identitaires actuels d’extrême droite (racistes) et translimites (genristes) ne produisent pas, en tout cas pour le moment, une violence équivalente à celle des terroristes (islamistes), mais sont toutefois des véritables bombes à retardement pour notre civilisation (Arce Ross, Jouissance identitaire dans la civilisation, 2015). On dirait que les événements électoraux de 2016 aux USA me donnent raison. C’est pour cela qu’aujourd’hui, devant le phénomène Trump, plusieurs questions se posent.
Peut-on réellement définir Donald Trump comme un homme politique ? Plus précisément, peut-on considérer Donald Trump comme quelqu’un d’extrême droite ? N’est-il pas plutôt un opportuniste empirique, un entrepreneur pragmatique et très conservateur qui a réussi à réunir autour de sa candidature plusieurs tendances politiques et surtout apolitiques ? Bien que très hétéroclites, n’ont-elles pas comme dénominateur commun le fait d’appartenir à des segments de la population très insatisfaits des nouvelles normes sociétales ?
Donald Trump est-il d’extrême droite ?
Donald Trump est-il raciste ?
On considère Trump comme raciste surtout parce qu’il a promis d’expulser 2 ou 3 millions d’immigrés clandestins, la plupart Mexicains. Mais il a ajouté qu’il s’agit d’individus qui, en plus d’être des clandestins sont surtout délinquants et criminels. En outre, il s’agit du même chiffre que Barack Obama a expulsé (2,5 millions d’immigrés clandestins). Devrait-on alors dire que Barack Obama est raciste aussi ?
Ayant vécu en plusieurs pays, j’ai toujours pensé que lorsqu’on s’installe dans un nouveau pays, on doit faire tous les efforts nécessaires pour s’intégrer et pour être assimilé à la nouvelle culture, en apportant seulement secondairement sa propre différence culturelle. Jamais pour tenter d’imposer collectivement sa culture étrangère.
Par ailleurs, compte tenu de la situation au Moyen orient et des attentats islamistes, Trump projette de contrôler de façon plus stricte les visiteurs d’origine musulmane, mais il s’agit aussi d’une mesure de protection nationale que l’on peut tout à fait comprendre sans que ce soit une violence contre les musulmans. D’ailleurs, beaucoup de musulmans sont plutôt rassurés et d’accord avec les mesures du nouveau Président, car de cette façon ceux qui y vivent déjà et ceux qui entrent régulièrement seront beaucoup mieux acceptés par les américains (Nomani, I’m a Muslim, a woman and an immigrant. I voted for Trump, 2016).
Aussi, la communauté afro-américaine ne s’est pas particulièrement mobilisée pour contrer l’élection de Trump et certains d’entre eux ont même voté pour lui. Il s’agit d’un élément important à prendre en considération.
Enfin, si Trump était un autre Hitler, il serait tout d’abord anti-sémite. Or, Trump est un solide soutient depuis longtemps de l’État d’Israël, plusieurs fois il s’est clairement opposé aux discours anti-sémites et sa fille Ivanka, mariée à un jeune entrepreneur de confession juive, s’est convertie au judaïsme et a trois enfants qui sont éduqués selon les rites juifs également (Info&Vérité, Donald Trump élu, une bonne nouvelle pour Israël !, 2016).
En revanche, c’est sûr que Trump essaie de défendre aussi une cause dite “raciale”, à savoir la position de plus en plus périlleuse des blancs Américains, hommes et femmes, qui se sentent dépouillés du grand rêve américain par une augmentation considérable des inégalités et des crises à répétition dont ils sont victimes. C’est surtout à ce sujet, non pas dans la politique étrangère mais en interne, que les enjeux raciaux peuvent devenir explosifs. Mais cette politique protectionniste, si elle est appliquée, est pratiquement la même en Suisse et personne n’a redire quoi que ce soit sur la Suisse car c’est son droit légitime de se protéger si elle le juge nécessaire (Talos, La Suisse pratique déjà la politique de Trump, 2016).
Donald Trump est-il misogyne ?
On a aussi accusé Donald Trump d’être misogyne. Cependant, 62% de femmes blanches sans études supérieures et 45% de femmes blanches avec études supérieures ont voté pour lui. Voici donc ce que dit Susan Kolod, psychologue spécialisée dans les psychothérapies de couple et dans les troubles de sexualité, sur ce qui a amené autant de femmes à voter pour lui. «In the past week, we’ve been hearing a lot about how white women voted for Donald Trump in higher numbers than pundits and polls predicted. According to The Post’s exit polling, 62 percent of white women without college degrees voted for Trump, as did 45 percent of white women with college degrees. Susan Kolod, a psychologist in New York who specializes in relationships and sexuality, has a theory about why so many women voted for Trump. It all goes back to what they look for — and how they act — in romantic relationships. […] “In some ways, we’ve come so far,” Kolod added, “But maybe there is an unconscious yearning for this stability of what’s familiar.” Trump is a “familiar” image of a president because he’s a man — and even more so because of the type of man he is. “Trump comes across as a very phallic male,” Kolod says. When he brags about being able to do whatever he wants to with women, Kolod says, it creates a powerful image that resonates with some women. “There’s this sense of: He can do anything; he can get away with it. That’s the kind of guy who can protect us” » (Bonos, One psychologist’s theory about why so many women voted for Trump, 2016).
De l’Amérique profonde nous parviennent aussi d’autres arguments pour souligner que des femmes américaines ne considèrent pas Donald Tump comme misogyne. «Do you believe Hillary Clinton’s loss is partly or wholely grounded in rural misogny? If so let me ask you this — does it matter to you that in the places where Trump won women’s life expectancies have decreased since 1987? This is also generally true for large areas of the Appalachian population, male or female. In urban America you are building new shopping malls. Where I live people are dying younger than their parents » (Akes Law Office, 2016).
Voilà pourquoi et en quoi le phénomène Trump serait déjà, en partie au moins, un événement politique très sexualisé. Au point que nous pourrions l’appeler du terme de phénomène Trumpsexuel. Simplement, nous le verrons plus bas, il nous faut faire la distinction entre, d’une part, une version rétro du Trumpsexuel, mais passé par le filtre de la modernité, laquelle reste respectueusement virile, ou féminine, selon les cas, bien que très affirmée, et d’autre part, une autre version du Trumpsexuel qui dérive sans détours et par subversion dans la violence aux femmes ainsi qu’au lien sexué.
Donald Trump est conservateur en moeurs et libéral en affaires
Je ne vois pas pourquoi il faudrait mépriser le vote de ceux que certains appellent les “petites gens”. Elles sont considérées d’emblée comme une sous-population, des sous-citoyens. Les “petites gens” ont été insultées par des termes comme “bigots”, “homophobes”, “islamophobes”, “racistes”, “arrièrés”, “réactionnaires”. Au contraire, je pense qu’il ne faut pas mépriser les “petites gens”, les gens du peuple, même si ces segments de la population, représentant une majorité qui souffre en silence, peuvent être également la base pour des régimes populistes. Parce qu’ils sont aussi des citoyens qui méritent le respect des autres. Et d’ailleurs, si la démocratie existe c’est en principe pour eux, pour qu’ils s’expriment et pour qu’ils trouvent aussi leur compte. Sinon, on reviendrait à des régimes autoritaires, aristocratiques ou technocrates.
Dans les pays occidentaux, les “petites gens” sont malheureusement devenues des migrants de l’intérieur, des “migrants” autochtones qui, lors des élections, prennent l’option des voix pour exprimer leur insatisfaction. Des voix parfois extrêmes, il est vrai. Mais si ces voix sont extrêmes c’est parce que ces gens n’en peuvent plus de politiques qui mettent en place des lois ne comportant pas les valeurs essentielles de la civilisation. C’est-à-dire que ce n’est pas de leur faute s’ils ont voté pour un candidat populiste. C’est la faute des hommes et des femmes politiques précédents, qui ont conduit une gouvernance catastrophique en inversant les valeurs de civilisation. Et n’oublions pas que ce que l’on considère comme vulgaire, ou comme populaire, possède également un savoir très important qu’il ne s’agit nullement de mépriser, mais plutôt de lire et de déchiffrer pour apprendre de lui.
C’est pour toutes ces raisons que l’on peut trouver pathétique le catastrophisme ambiant à la suite de l’élection de Donald Trump. Les gens crient au ciel comme s’il était le pire des dictateurs jamais vus. Alors que quelques jours après son élection, il demeure un simple milliardaire qui a eu l’opportunité historique d’être au bon endroit au bon moment et qui, en plus, n’est pas si différent ou si éloigné des Clinton. C’est presque du pareil au même. Cela n’avance à rien maintenant de crier au dictateur, de crier au facho, de crier au bigot armé et raciste. Si on ne voulait pas d’un président comme Trump, il ne fallait pas conduire ou appuyer des politiques aussi perverses surtout en termes de valeurs de civilisation. C’est pour cela qu’il me semble que l’être occidental, socialiste, démocrate, libéral (dans le sens américain, mais aussi dans les sens européen), ne sachant pas comment gérer la rupture du lien de civilisation, a tout fait inconsciemment pour pousser de plus en plus l’émergence d’un Maître, voire de l’Un-père, qui vienne remettre de l’ordre de façon brutale et radicale.
On n’en est pas encore tout à fait là, me semble-t-il. Mais on n’est pas loin. Car les figures de l’ultra droite, très conservatrices, comme me semble être Donald Trump, sont encore respectueuses du jeu démocratique et des institutions. Il y a effectivement une grande différence entre des hommes politiques très conservateurs et d’une droite très affirmée, comme c’est le cas de Donald Trump, et des hommes politiques clairement d’extrême droite. Que quelqu’un comme Marine Le Pen se réjouisse de l’élection de Donald Trump ne fait pas de celui-ci quelqu’un d’extrême droite. Ce n’est pas parce que Marine Le Pen aime, par exemple, Claude François ou les Rolling Stones que Claude François ou les Rolling Stones devraient être considérés d’extrême droite. Elle se réjouit de l’élection de Trump car elle s’identifie à la place de l’outsider qui développe, en outre, des thématiques qui semblent proches de son programme. Et ceci est possible parce qu’aux USA ils ont laissé à Trump se charger des questions les plus brûlantes qu’il a bien voulu embrasser, comme en France nous les avons pratiquement laissées au Front national.
Des questions tellement cruciales comme l’insécurité interne, le terrorisme islamiste, l’immigration sauvage, le port clandestin d’armes et le trafic de drogue dans les banlieues parisiennes ou marseillaises, le chômage et la formation technique des jeunes déscolarisés, et, dans le champs psy, les valeurs civilisationnelles concernant la famille, le couple et la sexualité, ont longtemps été laissées aux politiques de droite extrême et surtout d’extrême droite, parce qu’on considérait ces questions comme misérables ou comme politiquement incorrectes. Grave erreur !
Le couple Clinton et Obama aux USA, ainsi que les gouvernements socialistes successifs en France, ne se sont pas vraiment occupé de ces questions et ont même involontairement laissé que la situation du pays se dégrade profondément. Des opportunistes avec une haute ambition tel Donald Trump se sont donc saisis de ce laisser aller et ont formulé des diagnostics très conservateurs, très fermes, à la limite de la caricature, pour attirer mieux l’attention du peuple, ce que certains ont interprété comme des programmes d’extrême droite. Évidemment, quand la jouissance anomique règne, celui qui se présente comme le trouble-fête et comme l’interdicteur de la jouissance à tout va est immédiatement considéré comme un dictateur, comme un type d’extrême droite. C’est humain, mais peut-être un peu exagéré.
Cependant, je suis conscient que Donald Trump a nommé comme Haut conseiller et chef de la stratégie de la Maison Blanche Stephen Bannon, entrepreneur controversé et fondateur de Breitbart News, un site considéré d’extrême droite. Sur la position politique de Steve Bannon, Ben Shapiro, Rédacteur-en-Chef de Breitbart News jusqu’en mars 2016, dit que «the alt-right, in a nutshell, believes that Western culture is inseparable from European ethnicity. I have no evidence Bannon believes that personally. But he’s happy to pander to those people and make common cause with them in order to transform conservatism into European far-right nationalist populism » (Shapiro, Thoughts On Steve Bannon As White House “Chief Strategist”, 2016). Évidemment, on pourrait penser qu’il y a un grand risque que Trump suive, sans filtre ni réflexion, les conseils extrêmes de Steve Bannon dans la politique qu’il mettra en place. Mais, en même temps, il faut tenir compte du fait que Donald Trump a malgré tout une personnalité forte et est assez individualiste. Il pourrait faire comme François Mitterrand qui, en 1981, avait nommé pas moins de quatre ministres d’extrême gauche (Charles Fiterman, Anicet Le Pors, Jack Ralite et Marcel Rigout, du PCF) et, pourtant, son gouvernement n’a heureusement pas dérivé vers le totalitarisme (Housson, Mouloud & Sankari, Il était une fois quatre ministres communistes dans le gouvernement Mauroy, 2013). Nous pouvons donc imaginer que le gouvernement de Donald Trump —même s’il comporte des conseillers d’extrême droite et puisqu’il reste conservateur et libéral de droite—, peut se maintenir dans les limites acceptables de la politique des Républicains avec néanmoins une touche d’originalité due à sa personnalité imprévisible.
Mais si malgré ce que certains commentateurs disent Donald Trump est vraiment d’extrême droite, cela viendrait confirmer mon hypothèse selon laquelle la politique des normes sociétales finit par réveiller et par légitimer involontairement les mouvements d’extrême droite. Et s’il ne l’est pas, on sait déjà qu’on n’est pas loin d’un gouvernement d’extrême droite aux USA, et ceci pour les mêmes raisons. Car, derrière les figures politiques très conservatrices mais encore démocratiques, il y a d’autres forces, bien plus noires, qui accompagnent Trump et qui pourraient être activées, à terme, si des gouvernements comme le sien ne réussissent pas à inverser la tendance néfaste qui gagne les USA en particulier et l’Occident en général.
Phénomène Trump : insurrectionnel et subversif ?
Insurrection contre la rupture du lien de civilisation
Le phénomène Trump est, à mon avis, un avènement insurrectionnel d’ordre civilisationnel beaucoup plus que strictement politique. Il s’agit d’une initiative privée et spontanée qui agglutine des insatisfactions collectives composites. Ces insatisfactions appartiennent à des segments laissés pour compte d’un peuple qui n’est pas en soi, ou pas encore, d’extrême droite. Mais il peut le devenir, à terme.
Contrairement au FN francais, le phénomène Trump n’a pas vraiment, à ce jour, une idéologie politique déterminée, formalisée ou institutionnalisée, ni un projet trop différent de celui des Républicains américains. Il s’agit plutôt de l’expression primaire et à chaud de plusieurs courants hétéroclites qui réagissent, de manière très subversive, contre les normes sociétales que les derniers gouvernements ont imposé aux mœurs traditionnelles du peuple américain.
Nous savons que dans la nébuleuse du phénomène Trump il y a bien des groupes politiques organisés d’extrême droite, tels le Ku Klux Klan, mais ils ne constituent heureusement ni la base électorale ni la tête pensante de Trump. Ils constituent un groupe marginal. Cependant, ils peuvent le devenir, en se répandant idéologiquement comme la poudre, si le nouveau plan d’action que Trump doit dessiner n’aboutit pas à calmer les insatisfactions générales.
Pour l’instant, Trump et collaborateurs appartiennent au Grand Old Party, ce qui est une garantie démocratique et un frein pour le développement d’éventuels plans d’extrême droite. Sauf si, à terme et forcés par d’éventuels événements à venir, ils trouvaient les raisons et les moyens pour former un Front national à l’américaine. Etant néo-conservateurs, réagissant contre les normes sociétales actuelles et composant un large panel d’insatisfactions populaires et insurrectionnelles, ils ne se situent pas politiquement à l’extérieur du camp des Républicains.
Le peuple américain non urbain, non multiculturel, non élitiste, ne veux pas de la perversion polymorphe de la civilisation actuelle, laquelle est allée trop loin aussi bien en termes de consommation addictives qu’en termes de sexualité anomique.
En dehors de quelques minorités extrémistes, une grande partie du phénomène civilisationnel qui pousse quelqu’un comme Trump au pouvoir est un mouvement anti-jouissance (anti-jouissance anomique, anti-jouissance identitaire, anti-jouissance du genre) et, pour cela, exige le rétablissement d’un ordre encadrant et impulsant un désir sans excès ni dérives idéologiques. Le problème est que, vu les circonstances sociétales de la société américaine actuelle, ce phénomène est vécu sous le signe de la brutalité. Et ce trait du phénomène est à manier avec prudence car il peut devenir explosif. En France, un phénomène de ce type pourrait se doubler, en danger et en perversion, du fait qu’il existe déjà une organisation politique d’extrême droite et une autre d’extrême gauche, qui pourraient le manipuler en l’hébergeant en leur sein.
Est-ce que l’être humain ne peut pas supporter son progrès scientifique et technologique actuel, au point de compenser cette évolution obscène par des régressions civilisationnelles dont la jouissance anomique ? C’est probablement l’explication de tous ces symptômes polymorphes qui ont éclaté progressivement ces derniers 50 ans. Je parle de ces croyances presque religieuses en des pseudo-connaissances “scientifiques” comme le sont les théories genristes, à la base de l’apologie de la pornographie, du transsexualisme et de l’hypersexualité chez les enfants, ou les lois fabriquant le mariage entre personnes du même sexe et la dépénalisation des drogues.
Ces symptômes polymorphes représentent ce que j’appelle une rupture du lien de civilisation qui peut durer longtemps. Évidemment, les politiques et les législateurs, si dépassés par ce qui arrive en termes de mœurs, ne sont pas tout à fait fautifs de l’émergence de ces troubles de civilisation. Cependant, ils sont responsables du traitement symbolique ou des réponses juridiques qu’ils donné à ces troubles. Car ils ont contribué largement à les modifier en normes sociétales, ou en normes de genre, faisant concurrence aux normes traditionnelles existantes auparavant. Combinées avec un féminisme et un genrisme d’Etat, ces normes sociétales sont devenues les piliers idéologiques d’un nouveau moralisme aussi féroce et brutal que celui religieux et traditionnel.
Depuis Max Weber, Sigmund Freud et Norbert Elias, nous connaissons le nécessaire attachement presque libidinal de chaque sujet non pas à une sorte de surmoi collectif mais à la synthèse qu’il peut produire entre autorité intériorisée et respect de l’Autre. Il ne s’agit pas seulement de respecter les êtres humains pris un par un, dans leur originalité et différence, mais il faut aussi absolument respecter l’Être humain, à savoir ce qui fonde le lien de civilisation lequel lien ne se confond ni ne se réduit au lien social.
Le problème néanmoins se pose lorsque, dans certaines transitions de l’évolution de l’humanité, il se produit un déséquilibre chez l’être humain entre son progrès dans des aspects déterminés de sa vie et son être de jouissance, qui traîne comme une queue archaïque. Ainsi, nous avons pu observer des changements à l’endroit de la tension dialectique entre amour et sexualité, entre couple et famille, entre homme et femme, entre hétérosexualité et hypersexualité, dans le passage du XVIIème au XVIIIème siècle, ensuite entre le XVIIIème et le XIXème siècle et, ainsi de suite, notamment entre les événements de Mai 68 et maintenant.
Lors de ces moments de transition, les rapports s’inversent, l’homme perd sa boussole, les liens de civilisation vacillent, des symptômes sociaux et surtout sexuels, mais tout à fait inédits —en lien logique avec la difficulté à assimiler les progrès technologiques par exemple—, s’amoncellent et se renforcent. L’homme sort de cette expérience confus et modifié, transformé par les perversions polymorphes. Il devient un étranger pour lui-même, un hybride, un monstre, un post-humain, un extra-terrestre, tout en perdant pour un temps de vacillation les valeurs d’une écologie humaine.
Retournons pour un peu encore à la question qui devient obsédante après les élections aux USA : Trump est-il fasciste ? Trump est-il d’extrême droite ? Et au-delà de ces questions, pourquoi devons-nous, à mon avis, considérer le phénomène Trump comme une insurrection civilisationnelle plutôt que comme un simple événement politique ?
Subversion néo-conservatrice à caractère populiste
Il me semble qu’on essaie d’appliquer un rétro-logisme (le fascisme des années trente) —lequel représentait l’idéologie totalitaire du Mouvement socialiste italien ou du Parti national-socialiste de Hitler— à un phénomène insurrectionnel d’une autre époque lequel, en plus, est non idéologique, non socialiste, non étatique et non militaire. Dans le fascisme de Mussolini et dans le nazisme de Hitler, il s’agit d’un extrême socialisme appartenant à un État totalitaire et militariste se situant aux antipodes du capitalisme, du libre exercice de l’initiative privée et de l’individualisme post-moderne.
Bien loin de ces images socio-étatiques radicales et militaristes, l’individualisme populiste de Donald Trump ressemble bien plus à l’individualisme moraliste d’un Silvio Berlusconi qui n’est, à proprement parler, ni fasciste ni nazi. Ainsi, pour Christian Rioux, « il y a fort à parier que, pour un fasciste des années trente, Donald Trump passerait pour un capitaliste corrompu à l’ego surdimensionné chez qui l’on peine à discerner la moindre pensée directrice. N’en déplaise à ceux qui croyaient tout expliquer en déterrant une idéologie centenaire, Donald Trump a beaucoup plus à voir avec un certain populisme médiatique qu’avec le bruit des bottes mussoliniennes ». Et Christian Rioux d’expliquer son diagnostic en montrant les différences entre l’idéologie fasciste et la presque absence d’idéologie chez Trump. « Alors que le fascisme écrasait l’individu sous le rouleau compresseur de l’idéologie, Trump est le représentant d’un individualisme devenu fou où le spectacle occupe toute la place, où les parvenus sont des héros et où les amuseurs publics envahissent les écrans en affichant leur « droit » inaliénable à la vulgarité. Un symbole de cette « régression anthropologique » qu’avait si bien diagnostiquée l’écrivain Philippe Muray » (Rioux, Pourquoi Trump n’est pas fasciste, 2016).
Également, en parlant du fascisme, selon l’historien Serge Bernstein, « on a du mal à voir ce qui, chez Donald Trump, pourrait évoquer un totalitarisme de ce type. […] Du côté de Trump, il n’y a pas d’idéologie constituée, d’idée directrice autour de laquelle s’organise le système totalitaire. » Et Serge Bernstein précise son idée en affirmant que « Trump pratique le populisme de la même manière que les partis populistes européens. Ce n’est pas le fascisme. Mais cela n’exclut ni la violence, ni le risque pour la démocratie » (Bernstein, Non, Donald Trump n’est pas fasciste mais…, 2016).
Pour l’expert en fascisme britannique Roger Griffin, historien à l’Oxford Brookes University, les manières de Trump, comme lever le menton à la manière de Mussolini, « n’en font pas un fasciste. Le fascisme n’est pas une forme révolutionnaire de l’ultranationalisme. Les fascistes veulent détruire la démocratie parlementaire et la remplacer par un ordre nouveau. Ils veulent créer un nouvel homme. Trump n’a pas cet agenda révolutionnaire. Il n’a pas l’intention de créer un nouvel ordre. C’est un populiste d’extrême droite, comparable à Marine Le Pen ou Geert Wilders, mais il n’est pas fasciste ». Cependant, selon Lawrence Rosenthal, directeur du Center for Right-Wing Studies de l’Université de Berkeley, Trump ne serait pas d’extrême droite car « le trumpisme n’est pas vraiment une idéologie. C’est trop un micmac de positions pour ça et qui se contredisent souvent. Le trumpisme est un sentiment irrationnel » (Zuallaert, Donald Trump est-il fasciste ?, 2016).
Ayant une personnalité narcissique et individualiste mais paradoxalement d’un narcissisme altruiste, autoritaire, très ambitieux, extrêmement désirant, cherchant toujours le défi le plus difficile à atteindre Donald Trump, «is still constantly interacting with other people—at rallies, in interviews, on social media. Presidential candidates on the campaign trail are studies in perpetual motion. But nobody else seems to embrace the campaign with the gusto of Trump. And no other candidate seems to have so much fun […]. It is as if Trump has invested so much of himself in developing and refining his socially dominant role that he has nothing left over to create a meaningful story for his life, or for the nation. It is always Donald Trump playing Donald Trump» (McAdams, The Mind of Donald Trump, 2016).
Alors, extrême droite, individualisme irrationnel ou individualisme néo-conservateur ? De toute façon, si Trump vient à conduire, ou non, un véritable gouvernement d’extrême droite, nous le verrons dans très peu de temps. Et on sera fixé. Pour l’instant, il me semble qu’il s’agit bien plus d’une révolte individualiste civilisationnelle, ou d’un individualisme insurrectionnel néo-conservateur, que d’un simple événement politique penchant aux extrêmes classiques.
Les réformes sociétales des gouvernements antérieurs ont été tellement imprégnées d’idéologie sex-identitaire que cette fois-ci le peuple américain a élu un candidat sans idéologie et qui risque de surprendre en étant, malgré toutes les critiques, un bon président et probablement pas si extrême qu’on veut bien le décrire. À ce propos, selon une analyse de Clive Crook, « the idea that Donald Trump might be a good president seems as unlikely as the idea that he would win the election. Yet, as we see, strange things sometimes happen. […] On all these matters, bear one more thing in mind. It will help that Trump has no ideology. This could be his biggest asset. His views, expressed with total conviction, are lightly held, insofar as they even exist. His goal isn’t to drive through, at any cost, some radical transformation of America’s society and economy, or to reorder international relations and remake the world. It’s to prove his critics wrong, and keep on winning » (Crook, Consider This: Trump Might Be a Good President, 2016).
Les idéologies sex-identitaires de ces gauches sans prolétaires de par le monde, à l’instar des idéologues genristes américains, sont prêtes à considérer “réactionnaires”, “fascistes”, “homophobes”, “islamophobes”, “misogynes”, etc., toute position qui leur serait contraire. Mais, comme le soutient Christophe Guilly, « faire passer les classes moyennes et populaires pour “réactionnaires”, “fascisées”, “pétainisées” est très pratique. Cela permet d’éviter de se poser des questions cruciales. Lorsque l’on diagnostique quelqu’un comme fasciste, la priorité devient de le rééduquer, pas de s’interroger sur l’organisation économique du territoire où il vit. L’anti-fascisme est une arme de classe. Pasolini expliquait déjà dans ses Écrits corsaires que depuis que la gauche a adopté l’économie de marché, il ne lui reste qu’une chose à faire pour garder sa posture de gauche : lutter contre un fascisme qui n’existe pas. C’est exactement ce qui est en train de se passer. Il y a un mépris de classe presque inconscient véhiculé par les médias, le cinéma, les politiques, c’est énorme. On l’a vu pour l’élection de Trump comme pour le Brexit, seule une opinion est présentée comme bonne ou souhaitable » (Guilluy, Faire passer les classes populaires pour fascisées est très pratique, 2016).
Il est intéressant de constater que ceux qui ont immédiatement collé l’appellation “extrême droite” à Donald Trump aux USA, ou à François Fillon en France —trop vite et trop à la légère—, sont les mêmes qui, lors des obsèques de Fidel Castro n’ont pas hésité à faire un hommage appuyé au dictateur cubain. Ils ont même appliqué une dénégation impressionnante aux délits et crimes de Fidel Castro : désastre social et économique pour les habitants de l’île, corruption à tous les niveaux de l’État, collusion avec les narcoterroristes, enrichissement illicite de Castro et sa famille, manipulation idéologique de la jeunesse, censure, torture et assassinats d’opposants politiques… Pour eux, Donald Trump serait le pire des “fascistes”, alors que Fidel Castro serait un héros, un homme d’État ou « un monument de l’histoire », selon les malencontreuses paroles de Ségolène Royal, qui, par la même occasion, a nié les violations des droits de l’homme reprochées par l’ONU au dictateur cubain (AFP & REUTERS, Ségolène Royal fait l’éloge de Fidel Castro, tollé dans la classe politique, 2016).
C’est impressionnant de constater comment certains politiques et idéologues d’une gauche assez extrême peuvent appliquer un démenti aux crimes réels de Fidel Castro, comme par exemple l’existence de camps de travail pour homosexuels et transsexuels, entre 1965 et 1968. En 1965, Fidel Castro a même affirmé ceci : « nous n’avons jamais cru qu’un homosexuel pouvait incarner les conditions et les exigences de conduite qui nous permettent de le considérer comme un véritable révolutionnaire. Une déviance de cette nature heurte le concept que nous avons de ce qui devrait être un militant communiste ». Et dans le film Mauvaise conduite (1984), les réalisateurs Néstor Almendros et Orlando Jiménez Leal ont recueilli des témoignages de dizaines de cubains, la plupart des homosexuels, qui ont été envoyés dans des camps de concentration, masqués sous le nom bureaucratique UMAPs ou Unités militaires d’aide à la production (Duarte, El impactante documental sobre los campos de concentración de homosexuales en Cuba, 2016). C’est ainsi qu’à Cuba le poète Delfín Prats et d’autres intellectuels homosexuels tels que Virgilio Piñera (1912-1979), avaient été interdits de publier et de mettre en scène leur art pendant le “quinquennat gris”, marqué par le musellement des artistes entre 1971 et 1976 (Cannone, Cuba : un film sur la répression de l’homosexualité dans l’île censuré, 2016).
Toutefois, qui serait plus “inconsciemment fasciste” ? Ceux qui ont voté pour Trump ou ceux qui, comme les Clinton et Obama, ont involontairement créé les conditions politiques pour la mobilisation d’individualismes néo-conservateurs tels que celui-ci ?
Phénomène Trumpsexuel et subversion contre les normes sociétales
Les Normes sociétales
En homologuant politiquement les normes sociétales qui ont poussé presque partout aux USA, les gouvernements Clinton et Obama ont effectivement, bien qu’involontairement, créé les conditions nécessaires pour que le vote très conservateur et même le vote d’extrême droite se réveillent. Pour l’instant, on peut se poser les questions suivantes : « pourquoi les pauvres et les ouvriers ont-ils voté pour un milliardaire qui ne s’est donné que la peine de naître et non pour la candidate démocrate ? […] Pourquoi les gauches se font-elles tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les invisibles, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés ? » (Méda, L’Écrasante responsabilité de la gauche dans la victoire de Donald Trump, 2016).
Pour répondre à ces questions, je dirais encore une fois que c’est parce que les socialistes et associés ont consacré leur énergie à inventer des droits et des normes sociétales qui définissent la rupture du lien de civilisation de notre époque. Et puisque ces gouvernements socialistes sont allés trop loin dans l’absurdité idéologique de la jouissance sociétale, on se paie maintenant des politiques radicales et brutales, à la limite du jeu démocratique. Ces politiques extrêmes tenteront de compenser les choses dans le sens opposé ou, au contraire, elles essaieront de les enfoncer encore plus dans le désastre humain déjà en place.
C’est malheureux de le dire mais, même chez les psychanalystes, il y a eu des identifications sex-identitaires, comme également et heureusement l’inverse existe aussi. D’ailleurs, on pense souvent, à tort, que la psychanalyse doit se situer forcément à gauche ou même à l’extrême gauche. Cependant, ayant été tous les deux très conservateurs, Sigmund Freud et Jacques Lacan se situaient très probablement bien à droite. Pour vérifier cela, nous n’avons pas besoin de regarder leurs biographies respectives. Il suffit de les lire et de suivre le fil implicite qui se dégage de leurs travaux.
L’élection de Donald Trump est très intéressante —en tout cas pour le psychanalyste que je suis– dans la mesure où, en plus d’avoir été une énorme surprise, la campagne a été traversée par des questions sexuelles présentes presque tout le temps. La plupart des thèmes de la campagne était liée aux valeurs de civilisation : défense de la future minorité blanche victime des inégalités, relation entre les sexes, sexuation à la naissance, impossibilité de changer de sexe, risque de banalisation de l’avortement, défense du mariage et de la famille, normes traditionnelles versus nouvelles normes sociétales. Plus précisément, ces thématiques représentent ce que j’appelle une rupture du lien de civilisation.
Le terme de normes sociétales veut dire que ce qui était appelé il n’y a pas si longtemps de déviances et de perversions sexuelles sont aujourd’hui élevées au contraire au rang de véritables nouvelles normes sexuelles, lesquelles se substituent presque à l’hétérosexualité. Ce processus de normalisation passe par trois étapes.
D’abord, les perversions sexuelles ont été considérées comme des simples “pratiques” sexuelles et non plus comme des déviances ou des perversions. Une curieuse transformation linguistique très étendue leur a été appliquée : changement de dénomination pour chacune de ces “pratiques” sexuelles, féminisation de certaines activités ou fonctions sociales, création de néologismes…. On a essayé de supprimer des termes qui étaient connotés négativement vers une nouvelle langue plus conforme et néo-normative.
Ensuite, on est venu à considérer ces pratiques sexuelles, ayant de nouvelles appellations et de nouvelles descriptions, toutes laudativement connotées, comme des nouvelles normes sexuelles en équivalence, voire en rivalité, avec l’hétérosexualité. On leur a enlevé surtout toute caractérisation de pathologie ou de psychopathologie. C’est ainsi que les manuels de psychiatrie ont été réécrits à la lumière de ces nouvelles politiques, bien plus qu’en fonction de la souffrance du sujet.
Finalement, on est passé à une étape d’homologation législative de ces nouvelles normes sexuelles, artificiellement construites, pour redéfinir totalement le lien social autour du sexe et de la jouissance sexuelle. On est venu alors à formuler des lois pour que ces nouvelles normes sexuelles connaissent une large expansion pratique dans l’étendue de la population (mariage pour tous, charte de l’égalité sexuelle dans les écoles, changement de sexe à la carte, substitution graduelle du sexe par le genre, etc). Cela a produit inévitablement une modification de base des complexes familiaux, une destruction presque complète de la notion de paternité, une altération profonde du vécu de la maternité, une confusion dans les structures de parenté et une perversion de fait de la transmission de filiation.
À cet égard, les thématiques et le point de vue de Mark Lilla, professeur de Sciences Humaines à l’Université de Columbia, dans un article du New York Times, sont très proches de ce que j’avance. Il dit notamment que si la gauche américaine a eu des résultats désastreux lors des élections 2016, c’est parce qu’elle « a cédé à propos des identités ethniques, de genre et de sexualité à une sorte d’hystérie collective qui a faussé son message » (LILLA, Mark, « La Gauche américaine prise au piège de la diversité », Le Monde, du 9 décembre 22016). Bien sûr ! Sauf que je pense que c’est la gauche américaine elle-même qui a créé l’hystérie collective en réduisant son message de justice, de liberté et d’égalité en normes sociétales. Il va aussi loin que moi dans son diagnostic ainsi que dans son conseil à la gauche qui est de dire « qu’il faut clore l’ère de la gauche “diversitaire” ». Car, comme moi, Mark Lilla considère que si les gens ont voté pour Donald Trump, ils « ne réagissent pas contre la réalité d’une Amérique multicultutrelle […]. [Mais ils] réagissent contre l’omniprésence du discours de l’identité, [à savoir] le “politiquement correct”. [Ceci étant donné que] quand on joue au jeu de l’identité, il faut s’attendre à perdre. » En effet, comme l’écrit Mark Lilla et comme je le dis aussi souvent que je peux, les gauches américaine et européenne, au lieu d’être obsédées par les droits et par des normes absurdes transformées en droits, devraient s’intéresser aux devoirs des citoyens et préserver les domaines de la différence sexuelle.
Sans aucun doute et qu’on soit d’accord avec son programme ou pas, il faut reconnaître que Donald Trump est un phénomène social qui se configure, de plus en plus, comme le symptôme d’une époque. Comme nous l’avons dit, même s’il y a des extrémistes qui votent pour lui, la majorité des électeurs de Trump ne sont pas en soi extrémistes et il n’y a pas à les culpabiliser. Il s’agit simplement de gens qui se détournent des autorités jusqu’alors respectées parce que celles-ci ont perdu la boussole de la civilisation. Elles ont perdu la boussole des valeurs de civilisation. Et, comment en est-on arrivé là ? Eh bien, je le dis depuis longtemps. Entre autres choses, par un nécessaire overturn du same sex marriage. Je dis cela car je trouve impressionnant et ahurissant le phénomène suivant.
Je trouve impressionnant qu’en plein XXIème siècle, des gens rationnels, cultivés et même érudits puissent croire :
– que le communisme, le nazisme ou le fascisme rendent l’homme libre et juste ;
– que l’on peut fabriquer, par la simple idéologie, un homme nouveau ;
– qu’un être humain né homme puisse changer son sexe en femme ;
– qu’un être humain né femme puisse changer son sexe en homme ;
– qu’on ne naît pas femme mais qu’on le devient ;
– que deux hommes avec enfants ce sont deux “pères” et constituent une famille ;
– que deux femmes avec enfants ce sont deux “mères” et constituent une famille ;
– que la pornographie est une pratique normale et un art ;
– que la vie psychique commence seulement à la naissance et qu’avant il n’y a rien ;
– que l’être sexué n’a aucun statut digne de ce nom ; et,
– que les tout petits enfants ne se divisent pas d’eux-mêmes en garçon et fille.
C’est-à-dire, je me demande comment l’être humain du XXIème siècle, qui se dit très bien informé, cultivé, souvent athée et ayant des connaissances rationnelles à disposition, peut-il croire (car il s’agit bien de croyance) à des pareilles absurdités ! Pire encore, comment se fait-il que, partant de ces absurdités, qui sont de l’ordre de la croyance magique, on puisse passer à créer des normes et des lois pour les homologuer ? Et en France, on n’est pas loin d’un dénouement politique comme celui aux USA. Au lieu de crier contre Trump et de se sentir choqué de son élection, on aurait mieux fait de voir avec un regard vraiment plus critique les réformes sociétales comme celles du mariage pour tous, de la GPA ou de la PMA.
Un nouveau genre : le phénomène Trumpsexuel
Le phénomène Trumpsexuel est, tout d’abord, le miroir peut-être vulgaire, en tout cas le miroir radical de l’homme qui prédominait bien avant les normes sociétales. Cet homme là, il existe encore, sauf que recouvert de lourdes couches idéologiques devenues oppressantes, qu’il n’a pas demandé et qui lui enlèvent la possibilité d’exprimer librement sa virilité. Ou pleinement sa féminité, dans le cas d’une femme. En conséquence, la différence des sexes, ses règles anthropologiques et sa libre expression sont en train de devenir presque obsolètes sous le joug moraliste des normes sociétales. Face à cet état des lieux, le phénomène Trumpsexuel fait irruption tel un éléphant excité dans une boutique de porcelaine.
Depuis quelque temps, le monde marche la tête à l’envers et selon les canons d’une sorte de religion de l’Absurde, au point que par les critiques que l’on peut faire à cette néo-morale de notre époque nous devenons des Absurdo-phobes, c’est-à-dire des sceptiques de cette illusion idéologique. Voyons ce qui se passe actuellement. Depuis quelque temps, les citoyens occidentaux, nous sommes tous devenus culturellement un peu “transsexuels”. Si on est un homme, on ne peut pas être tout à fait viril, sous peine d’être accusé de misogynie ou de machisme. Si on est une femme, on doit agir, désirer, travailler, se comporter, selon l’égalitarisme moraliste d’usage, comme un homme. Si on a un enfant garçon, attention !, il peut “devenir” fille. Si on a un enfant fille, prenez garde !, elle peut “devenir” garçon. On a inventé l’illusion du “devenir transsexuel” en fonction des volontés fantasmatiques y compris pour des gens qui ne sont pas inter-sexes. Et si on trouve bizarre ou qu’on s’oppose à la tendance genriste qui fait que nous devenons tous sociétalement “transsexuels”, c’est qu’on est tombé malade d’une nouvelle aliénation psychique appelée, selon eux, “transphobie”.
On a instrumentalisé les minorités sexuelles, comme les homosexuels, les transsexuels ou les hypersexuels, leur faisant croire qu’ils représentaient des nouvelles normes sexuelles. Et qu’il fallait convertir ces normes en des véritables identités sexuelles, artificiellement décrites pour l’occasion. On a fait croire aux transsexuels qu’ils pouvaient changer réellement de sexe et que cela pouvait s’effectuer autant dans le domaine symbolique qu’imaginaire, laissant le réel du corps à des opérations chirurgicales ou au travestisme par alternance. La solution qu’on leur a idéologiquement presque imposé est de rentrer dans un ordre complètement artificiel et contraire au réel de la sexuation. On a fait croire aux homosexuels qu’ils pouvaient se marier en équivalence au mariage homme-femme, au point qu’ils pouvaient devenir “deux pères”, ou “deux mères”, au sein d’une même famille. Terrible escroquerie !
À l’inverse, Jacques Lacan a toujours refusé de se laisser entraîner dans ces absurdités idéologiques. Ainsi, par exemple, lors d’une présentation de malades à Ste Anne, « à un transsexuel qui revendiquait sa place de femme, [Lacan] ne cessa de rappeler au cours de l’entretien qu’il était un homme, qu’il le veuille ou non, et qu’aucune opération ne ferait de lui une femme. Et pour finir, il l’appela “mon pauvre vieux” » (Millot, La Vie avec Lacan, 2016, p. 50).
L’extrémisme idéologique de l’actuelle culture transsexuelle d’État —laquelle est appliquée sans véritable réflexion, mais avec passion, aux lois sur le couple, la famille et le mariage— a fini par concevoir involontairement un alien interne, apparu sous la forme du phénomène Trumpsexuel.
Aux USA, on a laissé s’installer à l’université des professeurs qui “enseignent” cette idéologie sex-identitaire transsexuelle sous l’appellation d’“études de genre”. Ils refont le monde à partir de paramètres quasi délirants, mais sous couvert de la garantie scientifique de l’Université, comme à une époque on croyait et on diffusait comme des vérités presque religieuses le léninisme, le stalinisme ou le maoïsme. C’est triste de savoir que certains psychanalystes y ont contribué activement à l’époque, comme aujourd’hui quelques autres psychanalystes y contribuent encore à la propagande politique du genre. La partie la plus faible de la psychanalyse est ainsi instrumentalisée par le projet politique de l’idéologie du genre. Parfois ce sont les mêmes anciens fanatiques du léninisme, du stalinisme ou du maoïsme qui sont devenus les agitateurs de l’idéologie du genre et des normes sociétales.
Cette démarche fantasmatique et fanatique n’avait pourtant pas prévu la naissance, ou plutôt la renaissance, d’un ancien genre sous la forme du Trumpsexuel. Car ce qui dérange à la plupart des manifestants anti-élections, en 2016, est surtout le très ancien, rétrograde et pourtant nouveau “genre” sexuel défendu par Trump. Ce personnage Trumpsexuel est considéré comme vulgaire, “cochon”, paillard, filou, trop direct, violent, faussement rigolo, excessif, exubérant, rentre-dedans, à la limite du viol et phobique des “nouveaux genres”.
Séducteur agressif, développant à tout bout de champs des propos de vestiaires ou des blagues sur les “pétasses” ou sur les hommes faibles, le phénomène Trumpsexuel indique, de manière primaire et brutale néanmoins, ce qui étaient la plupart des relations entre hommes et femmes il n’y a pas si longtemps dans les cours des recréés, dans les terrains sportifs, dans les voyages initiatiques des adolescents, dans les bizutages, dans les enterrements de vie de garçon, dans les enterrements de vie de jeune fille, dans les relations de séduction, dans la vie maritale et au-delà.
À cet égard, Jamie, la jeune américaine, qui a cessé de voter pour Clinton et Obama, tient à déclarer, sur les propos de vestiaires de Trump que « tout le monde dit des choses sexuelles vulgaires de temps à autre, y compris nous, les femmes, quand nous sortons entre filles le soir. C’est la vie. Ici, les femmes ne sont pas des petites choses fragiles qui se choquent pour un rien » (Eudes, Démocrates depuis toujours, ils ont voté Trump, 2016). Aussi, l’acteur et réalisateur Clint Eastwood affirme que « Trump a dit beaucoup de choses bêtes. Tout le monde l’a fait. Les deux camps. Mais la presse l’accuse tout de suite de racisme. […] Quand j’étais plus jeune, ces choses n’étaient pas qualifiées de racisme. Passez à autre chose. C’est une période triste pour l’histoire » (Romanacce, Clint Eastwood défend Trump et attaque Hillary Clinton, 2016).
Un bel exemple du Trumpsexuel était l’ancien Président des USA, John Fitzgerald Kennedy. Car tout le monde sait que John F. Kennedy avait un appétit sexuel impressionnant et qu’il traitait les femmes, souvent les très jeunes et jolies, comme des objets sexuels dévalorisés. Comme Bill Clinton avec Monica Lewinsky, John F. Kennedy avait eu une liaison pendant 18 mois —en plus de plein d’autres femmes—, avec Mimi Beardsley Alford, sa stagiaire de 19 ans. Cette stagiaire de la Maison Blanche, à peine majeure, a évoqué dans ses mémoires sa virginité perdue dans le lit de Jackie et les jeux avec des canards en plastique dans la baignoire présidentielle (Alford, Once Upon a Secret: My Affair with President John F. Kennedy and Its Aftermath, 2013).
Plusieurs observateurs ont déjà commenté l’habitude Trumpsexuelle de John F. Kennedy avec des femmes de passage : « le problème le plus grave auquel Jackie dut faire face était le libertinage de son mari. Elle ne s’attendait pas à une fidélité absolue ; elle n’ignorait pas les nombreuses liaisons de son propre père, et en avait probablement conclu qu’une telle conduite était caractéristique des hommes d’une classe sociale élevée. Mais elle n’aurait jamais imaginé que John fût un coureur de jupons aussi effréné. Avec son copain George Smathers, John avait par exemple loué au Carroll Arms de Washington un appartement où ils donnaient rendez-vous à de charmantes jeunes femmes » (Histoire en questions, Le libertinage de John Kennedy).
Le phénomène Trumpsexuel s’exprime par des phrases telles que celle-ci, prononcée par Donald Trump lors de la campagne électorale de 2016 : «if Hillary Clinton can’t satisfy her husband what makes her think she can satisfy America» (Si Hillary Clinton n’arrive pas à satisfaire son mari, comment voulez-vous qu’elle satisfasse la Nation ?).
En vérité, cette phrase a été d’abord tweetée par une jeune américaine, Sawyer Burmeister, une texane championne d’équitation, et c’est seulement après que Donald Trump l’a paraphrasée. Faut-il dire alors que la phrase de cette jeune femme est misogyne ou plutôt qu’elle veut dire autre chose ? C’est dans la mesure où la Nation et le sexuel ne sont pas comparables que la logique que suppose la phrase est étonnante. Et que cela prête à rire. À condition de suivre un deuxième registre.
En effet, si on la lit dans un autre registre, la phrase prend une tout autre ampleur. La capacité d’attirer les foules et les opinions n’est pas qu’un exercice purement intellectuel, rationnel ou cérébral, car il comporte quelque chose de sexy, quelque chose de pulsionnel, dont le mot “charm of men”, ou le “charm of women”, dit bien le caractère malgré sa polysémie. Comme dans l’hypnose, dans l’énamoration ou dans l’attirance, le charme opère à fond. D’où la question du sexuel, malgré tout, dans les élections américaines, française ou d’ailleurs.
L’idée c’est qu’il faut se moquer de l’autre, qu’il soit homme ou femme d’ailleurs, pour le déstabiliser psychologiquement. Il n’y a aucun mal à faire cela. C’est le propre du mot d’esprit dont Freud a fait un texte très intéressant. C’est aussi le propre des caricatures. Et on ne va pas jouer les effarouchés, comme les vieilles dames catholiques lorsqu’on se moque de Dieu ou du curé du coin.
Si quelqu’un se porte candidat pour un poste si important, son statut d’homme ou de femme passe forcément à un second plan. C’est pour cela que, dans la langue, on a toujours dit “Madame le Président”, “Madame le Maire” et ainsi de suite, car ce sont des articles neutres. Cependant, on a forcé la langue pour féminiser idéologiquement ces mots les chargeant à outrance d’une sexualisation qui ne leur convient pas. Maintenant, égalité ou égalitarisme aidant, si une femme se présente à une lutte électorale comme celle-ci, elle peut être l’objet d’attaques bas, comme si elle était un homme. C’est comme ça. Mais, imaginons l’inverse.
Si c’était Hillary Clinton qui avait dit quelque chose de semblable sur Donald Trump, presque personne n’aurait trouvé rien à dire. Cela aurait donné une phrase du type : “Si Monsieur Trump a trompé sa femme des dizaines de fois, comment prétend-il que la Nation lui fasse confiance ?”. Eh bien, personne n’aurait eu rien à dire d’une telle phrase. Personne ne l’aurait considérée comme de la misandrie ou comme une haine des hommes. Aujourd’hui, on peut très facilement attaquer les hommes, notamment sur leur intimité, car ils sont considérés d’emblée comme de potentiels infidèles, déloyaux, agresseurs et méchants. En revanche, les femmes sont malheureusement presque toujours considérées, par certains, comme forcément victimes. Et notamment comme victimes des hommes, alors que la violence et la rage entre femmes est très importante également. Et, en outre, l’inverse est réel aussi. Ainsi, combien de femmes Trumpsexuelles ayant créé des liens intimes avec des hommes de pouvoir, les attaquent après, de façon ignoble et de mauvaise foi, lorsqu’ils n’ont pas cédé sur tout ce qu’elles voulaient obtenir ?
Décidément, le genre Trumpsexuel ne colle pas aux canons des normes sociétales. Sexuellement réactionnaire, brutal, monolithique, il ne se soumet pas à la dictature idéologique du genre sociétal. Le problème c’est que parfois il le fait avec violence et dans ce cas nous sommes devant une problématique double ou paradoxale.
En effet, il y a aussi une autre version du Trumpsexuel qui est celle où le sujet s’affirme sur l’Autre sexe non seulement avec vulgarité mais de façon exacerbée, jusqu’à l’exercice de la violence. En général, c’est le cas d’hommes qui s’attaquent aux femmes mais il y a aussi le cas de femmes qui se vengent brutalement des hommes et qui à l’occasion attaquent d’autres femmes. En tout cas, dans cette version violente du Trumpsexuel il s’agit de l’homme sexué d’avant les normes sociétales lequel, étant passé par le filtre de ces normes absurdes, se révolte avec violence contre l’Autre sexe y compris contre le lien sexué entre les deux. Cette version du Trumpsexuel est donc une pure réaction primaire à la violence des normes sociétales contre l’être sexué de notre temps.
Phénomène Trumpsexuel et violences faites aux femmes ou au lien sexué
Nous avons dit qu’un type du phénomène Trumpsexuel peut être suffisamment sain bien que solidement affirmé dans son rôle sexuel (masculin ou féminin), parfois même un peu trop, mais il y a une autre version du Trumpsexuel qui devient, sous certaines conditions, réellement violent et notamment contre les femmes, ou contre les hommes s’il s’agit d’une femme.
Nous savons qu’en concomitance avec les droits, les normes et les lois sociétales, les violences faites aux femmes et en général les violences du lien sexué, au lieu de décroître ont bien au contraire augmenté. Depuis longtemps, j’ai commencé à me rendre compte que c’était justement dans les pays ayant accepté le mariage pour tous et autres absurdités genristes que les violences contre les femmes, sous toutes ses formes, les violences contre les hommes ainsi que les violences contre ce que j’appelle le lien sexué, ont pris des proportions importantes.
Il nous faudrait des chiffres sûrs pour pouvoir démontrer que les violences faites aux femmes et au lien sexué se sont répandues aux USA, en Espagne, en France, en Suède, aux Pays Bas, en Norvège, au Danemark, en Argentine, au Brésil, etc., et que la plupart de ces pays ont connu des crises économiques, politiques et sociales très profondes. Pouvons-nous établir un lien entre, d’une part, les événements concernant les violences faites aux femmes, les violences du lien sexué, les crises financières, politiques ou sociales, et, d’autre part, les normes sociétales mises en place dans ces pays ?
Les statistiques aux USA indiquent que depuis quelques décennies il y a un grave problème concernant la violence faite aux femmes ainsi que des violences du lien sexué. J’appelle du terme de violences du lien sexué les agressions et crimes ayant lieu au sein de binômes ou de couples mariés ou non, hétérosexuels ou non, ayant cependant des relations sexuées, c’est-à-dire ayant des relations privilégiées bien que non nécessairement sexuelles mais qui ont un but intime ou sexuel. Ainsi, «in 2005, 1,181 women were murdered by an intimate partner. That’s an average of three women every day. Of all the women murdered in the U.S., about one-third were killed by an intimate partner» (NOW, Violence Against Women in the United States: Statistics, 2016). Ces chiffres impressionnants montrent aussi, plus précisément, «on average, nearly 20 people per minute are physically abused by an intimate partner in the United States. During one year, this equates to more than 10 million women and men. 1 in 3 women and 1 in 4 men have been victims of [some form of] physical violence by an intimate partner within their lifetime» (NCADV, Domestic Violence National Statistics).
Depuis le début des années 2000, c’est-à-dire depuis plus de 15 ans, il y a une véritable épidémie des violences faites aux femmes ainsi que des violences du lien sexué. C’est ce qu’un reportage montre : «the number of American troops killed in Afghanistan and Iraq between 2001 and 2012 was 6,488. The number of American women who were murdered by current or ex male partners during that time was 11,766. That’s nearly double the amount of casualties lost during war. Women are much more likely to be victims of intimate partner violence with 85 percent of domestic abuse victims being women and 15 percent men. Too many women have been held captive by domestic violence — whether through physical abuse, financial abuse, emotional abuse or a combination of all three» (Vagianos, 30 Shocking Domestic Violence Statistics That Remind Us It’s An Epidemic, 2014).
Concernant la situation en France, dans une étude publiée par le Conseil économique, social et environnemental, sur les violences faites aux femmes, en 2014, nous avons quelques chiffres éloquents : « d’année en année, le nombre de victimes qui s’y présentent est en augmentation (près de 500 en 2013) » (CESE, 2014, p. 22). Ainsi, selon le Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA), installé au sein du CHU de Bordeaux, « depuis sa création, le nombre de victimes reçues par le CAUVA est en constante augmentation : + 48 % d’augmentation d’activité entre 2001 et 2010 et en moyenne + 9 % par an depuis 2010 » (CESE, 2014, p. 88). Voici, en vrac, quelques données autour de 2004, sur plusieurs pays comme le Brésil, les USA, l’Espagne et la France : « dans l’enquête publiée en mars 2001, 640 000 femmes s’avouent victimes de mauvais traitements, et près de 2 millions d’entre elles le sont (soit plus d’une femme sur dix). […] À Sao Paulo, au Brésil, 13 % de femmes en âge de reproduire sont tuées et parmi elles, 60 % le sont par leurs maris ou concubins. Aux États-Unis, 7 millions de femmes sont violées ou sexuellement agressées chaque année, etc… [données Unifem] » (Têtue, Violences conjugales en France et en Espagne, 2004). En 2006, l’enquête « Contexte de la sexualité en France » menée par l’INSERM et l’INED, à l’initiative de l’Agence nationale de recherche sur le SIDA, a permis de mesurer le nombre de personnes ayant subi des violences sexuelles (attouchements, tentatives de rapport forcé ou rapports forcés) au cours de leur vie. « Ces violences ont concerné 20,4 % des femmes et 6,8 % des hommes âgés de 18 à 69 ans » (INSERM-INED, Les Chiffres de référence sur les violences faites aux femmes, 2006). En 2013, Manuel Valls parle d’une « poussée des violences sexuelles qui progressent de 12,2 % » en France (Cossardeaux, Délinquance : Valls change le thermomètre, 2013).
Comme beaucoup d’observateurs, « selon Maryse Jaspard, l’augmentation des faits constatée en un peu plus de dix ans renvoie essentiellement à une libération de la parole des victimes. Si en 2000, deux-tiers d’entre elles avaient gardé le silence, elles étaient moins de la moitié (46 %) dans ce cas en 2012 » (CESE, 2014, p. 17). Mais, il me semble que cet argument de la libération de la parole ne peut pas expliquer l’augmentation de l’observation des violences faites aux femmes au-delà d’une certaine période. Pendant les premières années, cet argument peut être opérant, mais pas lors d’une longue période équivalent à plus d’une décennie. Lors d’une libération de la parole des victimes de violences, on peut, en effet, s’attendre à une augmentation rapide lors des premiers trois ou cinq ans, mais ensuite la tendance devrait être plutôt une diminution, puisque le risque serait plus grand pour les agresseurs d’être accusés et condamnés. En revanche, ce que nous observons est tout à fait le contraire : malgré la libération de la parole des victimes et malgré les lois et les démarches “éducatives” sur l’égalité homme-femme, les agressions contre les femmes et contre le lien sexué continuent en augmentation constante. Doit-on considérer qu’il y a un lien entre ces deux types d’événements et que les violences faites aux femmes et les violences du lien sexué augmentent pour cause des normes sociétales ?
On peut effectivement se poser cette question, car les statistiques de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne montrent la tendance à l’augmentation des violences aux femmes pendant la période qui a suivi la mise en place des normes sociétales. Ces données nous permettent de dire que ce sont surtout les pays qui ont mis en place ces normes sociétales qui ont les chiffres les plus élevés : « en tête du sinistre peloton, les Pays-Bas, la Suède, la Roumanie… et la France, où une femme sur quatre dit avoir été victime de violences physiques : alors que la moyenne européenne est de 22 %, l’Hexagone affiche un score de 26 %. Il s’élève encore en Lettonie et au Danemark, qui affichent chacun 32 %, les pays du Nord de l’Europe, pourtant très en pointe en termes d’égalité homme-femme, ayant les plus mauvais chiffres » (Peyret et Big, En 2015, une femme sur cinq victime de violences physiques en Europe, 2015).
Peut-on alors considérer qu’il y a un paradoxe des normes sociétales concernant la violence faites aux femmes ? À savoir que plus il y a des normes et des lois sociétales, ou plus il y a des mesures concernant l’égalité homme-femme, et plus il y a des violences faites aux femmes ? C’est un peu ce que certains disent. Ainsi, par exemple, « les Espagnoles ou les Polonaises sont-elles plus épargnées que les Suédoises ou Danoises? C’est ce que semblent révéler les récentes statistiques de l’UE. Ainsi, “seulement” 20% des Espagnoles subiraient des violences, contre 52% des Danoises, ou encore 47% des Finlandaises. La France, elle, se place dans la moyenne haute, avec 44% de femmes victimes de violence au cours de leur vie d’“adulte” (depuis leurs 15 ans) » (Granja, En Scandinavie, 1 femme sur 2 est victime de violences, 2014). Voyons, pour cela, le cas de la Suède, peut-être le pays le plus égalitaire au monde où, normalement, il ne devrait pas exister des violences contre les femmes.
Eh bien, déjà en 2000, une enquête journalistique soulignait qu’après le train de mesures égalitaires la violence battait des records en Suède. Avec raison, l’auteur se demandait : « la Suède, un pays égalitaire? C’est une bonne image à vendre, mais c’est une illusion, s’exaspère Kicki Scheller, vice-présidente de Roks, un réseau national qui accueille les femmes en difficulté, notamment victimes de violences. […] Oui, les Suédois croient qu’ils sont égaux. Alors quand on leur dit qu’ils ne le sont pas, il y a collision et le débat se durcit » (Truc, La Violence contre les femmes bat les records en Suède, 2000). Le problème, très grave, de la Suède, comme d’ailleurs d’autres pays “égalitaires”, est que « quarante ans après que le parlement suédois a décidé à l’unanimité de transformer la Suède autrefois homogène en un pays multiculturel, les crimes violents ont augmenté de 300% et les viols de 1.472%. La Suède est maintenant numéro deux des pays du monde en matière de viols, dépassée seulement par le Lesotho en Afrique australe. […] Si l’on regarde le nombre de viols, toutefois, l’augmentation est encore pire. En 1975, quatre cent vingt et un viols ont été signalés à la police ; en 2014, ils étaient six mille six cent vingt. Soit une augmentation de 1.472%. La Suède est maintenant numéro deux des pays du monde en matière de viols. […] Un mythe féministe qui existe de longue date est que l’endroit le plus dangereux pour une femme est sa propre maison, que la plupart des viols sont commis par quelqu’un qu’elle connaît. Cette affirmation a été démentie par le rapport de Brå : “Dans 58% des cas, l’agresseur était tout à fait inconnu de la victime. Dans 29% des cas, l’agresseur était une connaissance, et dans 13% des cas, l’agresseur était une personne proche de la victime” » (Carlqvist & Hedegaard, La Suède, capitale du viol en Occident, 2016).
C’est pour ces raison que certains pourraient se demander : « la Suède subirait-elle un «Cologne bis» ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer. Le premier week-end de juillet, une quarantaine de cas de violences sexuelles, dans deux festivals de musique suédois, ont été rapportés aux autorités » (Massiot, Plusieurs dizaines de plaintes pour violences sexuelles dans deux festivals suédois, 2016). Néanmoins, nous devons souligner que le problème de la violence des femmes en Suède ne vient pas de la seule présence d’étrangers insuffisamment assimilés. Elle vient aussi, et peut-être surtout, des Suédois autochtones, c’est-à-dire de ceux qui sont Suédois depuis plusieurs siècles et qui, comme Breivik, le terroriste Norvégien d’extrême droite, se sentent « castrés » par l’extrême féminisme ambiant lié aux lois sociétales de genre (Truc, La Haine des femmes ébranle la Suède, 2013).
Toutefois, tant en Europe qu’aux USA, la violence du lien sexué n’est pas une exclusivité des couples hétérosexuels. Les statistiques américaines des dernières années montrent que dans les couples de même sexe la violence va aussi en grandissant : « according to the National Coalition of Anti-Violence Programs, “domestic violence affecting LGBT individuals continues to be grossly underreported . . . there is a lack of awareness and denial about the existence of this type of violence and its impact, both by LGBT people and non-LGBT people alike.” Myths regarding gender roles perpetuate the silence surrounding these abusive relationships; for example, the belief that there aren’t abusive lesbian relationships because women don’t abuse each other. Shelters are often unequipped to handle the needs of lesbians (as a women-only shelter isn’t much defense against a female abuser), and transgendered individuals». (NOW, Violence Against Women in the United States: Statistics, 2016).
À ce propos, les statistiques montrent qu’il existe des violences du lien sexué dans 40% des couples de même sexe aux USA : «the number of gay or bisexual men who will experience intimate partner violence in their lifetimes is 2/5» (Vagianos, 30 Shocking Domestic Violence Statistics That Remind Us It’s An Epidemic, 2014). Plus précisément, voici les dernières statistiques concernant les couples de même sexe aux USA : «approximately 50% of the lesbian population has experienced or will experience domestic violence in their lifetimes. In one year, 44% of victims in LGBT domestic violence cases identified as men, while 36% identified as women. 78% of lesbians report that they have either defended themselves or fought back against an abusive partner. 18% of this group described their behavior as self-defense or “trading blow for blow or insult for insult”» (NCADV, Domestic Violence and Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender relationships).
Les études sur ce thème aux USA considèrent également que les violences de couple existent davantage dans les couples de même sexe que dans les couples hétérosexuels : « statistics regarding domestic violence against LGBT people are unavailable at the national level, but as regional studies demonstrate, domestic violence is as much as a problem within LGBT communities as it is among heterosexual ones » (NOW, Violence Against Women in the United States: Statistics, 2016).
Plusieurs autres études faites également aux USA montrent que les violences du lien sexué, les violences domestiques ou les violences dans le couple, sont plus fréquentes dans les couples de même sexe que dans les couples hétérosexuels. «Last year, the US Centers for Disease Control and Prevention released figures showing people in same-sex relationships experience levels of domestic violence just as often as those in heterosexual relationships. But the conclusions of another study this year by the Northwestern University Feinberg School of Medicine in Chicago — a review of data from four earlier studies, involving 30,000 participants — go further. “One of our startling findings was that rates of domestic violence among same-sex couples is pretty consistently higher than for opposite sex couples,” says Richard Carroll, a psychologist and co-author of the report» (Jolly, Is violence more common in same-sex relationships?, 2014).
Toutes ces données nous font dire, pour l’instant, que si les normes sociétales étaient un réel progrès et un vecteur d’apaisement pour les pulsions les plus violentes, on s’attendrait à une diminution des attentats contre les femmes ainsi qu’à une diminution des violences du lien sexué et non pas à leur augmentation. Malheureusement et comme on pouvait le prévoir lorsque ces agissements, mesures, normes et lois sex-identitaires ont commencé à envahir la société occidentale, c’est tout à fait le contraire qui se passe. En conséquence, en parallèle des normes sociétales, la relation de chaque sujet à son sexe aussi bien que la relation des deux partenaires d’un couple au lien sexué qui les unit sont complètement perturbées, au point que la violence de lien devient l’un des symptômes de notre époque. Mais, d’où peut découler cette situation si lointaine de ce qui devrait être l’évolution humaine ?
Normes sociétales, destruction de la famille et retour du Nom-du-Père
Destruction de la famille et fin des interdits
« Tout se passe comme si nos contemporains remplaçaient progressivement l’ancienne dépendance à l’autorité par d’autres formes de dépendance » est une excellente phrase de Gérard Mendel pour situer la perversion de l’autorité du père qui accompagne l’explosion des addictions et des dépendances sans drogues dans notre société (Mendel, 2002, p. 259). Y compris l’addiction à la propre violence. Car, aujourd’hui, on rejette l’autorité dite “traditionnelle” ou “patriarcale”, mais, en même temps, on devient dépendant d’autres formes d’autorité, d’autres surmois remplis d’injonctions à la jouissance, comme les drogues, l’alcool, les idéologies biscornues, les sports de l’extrême, les politiques de l’extrême, les sexualités de l’extrême, les mariages et les familles de l’extrême…
La perversion de l’autorité du père a également donné lieu à une myriade de fraternités fantasmatiques (Arce Ross, Les Fraternités fantasmatiques, 2015) qui se sont développées autour de l’addiction aux jouissances identitaires. En termes sociaux, les fraternités fantasmatiques ne parviennent plus à calmer le jeu de la violence était donné que, bien au contraire des présupposés des fraternités fantasmatiques, à un moment ou à un autre, le “frère” fantasmé, la “soeur” mimétique, devient le rival à abattre. Dans ces cas, nous voyons bien que non seulement le lien social pose problème, mais qu’on a aussi profondément ébranlé le lien de civilisation qui unit chaque homme au respect de sa propre espèce. Il y a alors un grave danger de revenir à ce que je situe de l’ordre d’une archéogénétique, où pullule le protosignifiant de l’Homo Erectus chez l’Homme technologique d’aujourd’hui.
Nous devons cependant souligner qu’en partie seulement la question de l’identification hystérique et même la question du mimétisme à la René Girard pourraient avoir un rôle à jouer dans le phénomène des fraternités fantasmatiques. Il me semble que le concept de mimétisme n’est pas suffisant pour une analyse plus approfondie. Et, pour cela, je peux paradoxalement m’appuyer sur le travail même de René Girard où il dit ceci : « on nous dit souvent que nos problèmes sont dus à notre incapacité à nous débarrasser de nos traditions religieuses mais ce n’est pas vrai » (Girard, 2008, p. 58). Et là, je suis absolument d’accord avec lui. Il y a bien plus que cela. Il s’agit d’un processus pratiquement contraire : la destruction de ce qui a toujours représenté le lien de civilisation dans chaque religion. Et il continue : « [nos problèmes] sont enracinés dans la débâcle de cette tradition, qui est nécessairement suivie par la réapparition, dans des habits modernes, de divinités plus anciennes et féroces ». Je retiens donc ici l’idée de “débâcle” de ce qui est civilisateur dans la tradition religieuse, d’une part, et la “réapparition de divinités anciennes et féroces”, forces jouissives et anti-civilisatoires, d’autre part. Autrement dit la relation des fraternités fantasmatiques avec le retour de ces forces archéogénétiques et féroces, nous paraît être une relation fondée, concrétisée, alimentée et maintenue par la mise en place de hautes dépendances à ce qui est convenu d’appeler la jouissance identitaire.
Comment on arrive à une telle situation ? Eh bien, René Girard s’essaie à une possibilité. Avec laquelle je suis d’accord aussi, puisque mes travaux vont dans le même sens (au moins sur cet aspect). Il dit que les troubles de l’alimentation, loin de suivre les préceptes de la religion (ce qui se démarque d’avec le travail d’un Jacques Maître sur les anorexies religieuses, par exemple), tirent plutôt « leurs origines du néopaganisme de notre temps, du culte du corps, de la mystique dionysienne de Nietzsche ». C’est-à-dire que la cause de l’anorexie, de la boulimie, de la fraternité fantasmatique, de la fragmentation communautariste, bref la cause de ces phénomènes que je situe sous le terme de “jouissance identitaire”, se trouverait dans la « destruction de la famille » et, ajoute-t-il, dans la « fin des interdits » (pp. 58-59). Et il vient alors à considérer que, pour trouver leur unité, ces forces de fragmentation du lien de civilisation ont besoin de s’attaquer à des « boucs émissaires collectifs ». La boucle est bouclée lorsque les forces néopaïennes se mélangent à des éléments judéo-chrétiens qui ont été malheureusement pervertis.
Les Objets sacrifiés par les normes sociétales
En plus de la destruction de la famille et de la fin des interdits comme générateurs de la jouissance identitaire, il y a à nommer les « boucs émissaires » dont parle René Girard et que j’appellerai les objets sacrifiés par les normes sociétales. Je tiens à préciser que quand je parle de jouissance identitaire, je fais référence notamment à trois formes qui seraient en lien logique à notre époque. Ce triangle identitaire serait composé par : 1) le terrorisme islamiste, 2) le retour de politiques de l’extrême (le couple extrême droite-extrême gauche), 3) l’idéologie genriste.
Concernant les objets sacrifiés par les normes sociétales, on peut les imaginer en nombre de trois également. Ils seraient : 1) la masculinité propre à l’homme, 2) la féminité comme évolution possible d’une femme, 3) le couple qui réunit ces deux qualités ou conditions de désir. Ces trois éléments seraient donc les objets sacrifiés sur l’autel de l’“évolution” humaine d’aujourd’hui au sens où l’être idéologiquement fraternisé exerce une terrible forclusion sur ces trois points, tout en développant une morale et une nouvelle normativité. En effet, les normes sociétales, venant à la place des anciennes normes traditionnelles qui n’ont presque plus cours, soutiennent : 1) qu’il ne faut plus se vivre ni désirer une femme comme un homme masculin, 2) qu’il ne faut pas se développer en tant que femme féminine aimant les hommes qui désirent les femmes, 3) qu’il ne faut plus construire un couple entre ces deux binaires amoureux de la différence sexuelle.
Parfois, les sociétés se déstabilisent quand elles abandonnent une idéologie, ou une religion, pour adhérer fanatiquement à une autre sur les fondations brûlées de la précédente ou lorsqu’elles croient survivre avec l’alimentation anorectique ou boulimique de l’idéologie. Cependant, le problème de civilisation que nous vivons aujourd’hui est beaucoup plus grave qu’une question inter-générationnelle. En effet, je ne crois pas que l’on doive expliquer les problèmes de l’actualité par l’idée d’une guerre entre seniors et juniors ou qu’il existe une confrérie conservatrice d’initiés contre un syndicat révolutionnaire de néophytes ou qu’il y a un simple conflit entre normes traditionnelles et normes sociétales. Non. Je pense que toutes les générations confondues, voire la civilisation elle-même, sont pris dans le retour d’une violence archaïque à cause de la destruction de la structure familiale universelle ainsi qu’à cause des limites et interdits qui nous font défaut aujourd’hui.
Les effets psychopathologiques que cette destruction de masse produit sont : 1) les addictions de toute sorte y compris celles sans drogues, dont les troubles de l’alimentation ; 2) les graves confusions et excès sexuels ; 3) l’extrême réduction de la paternité et de la maternité à la fabrication et à l’éducation mutualisées des enfants ; 4) les angoisses généralisées concernant l’expérience amoureuse.
Retour du Nom-du-Père
Si l’on suit l’hypothèse familialiste d’Emmanuel Todd, on peut en déduire un faisceau optique qui court en filigrane concernant les thèmes dont on traite ici, à savoir que si chaque sujet a sa propre personnalité, la famille possède comme essence sa propre polis. Todd s’appuie sur les travaux de Frédéric Le Play et vient à concevoir l’idée que les relations inhérentes aux structures familiales reflètent les modes de vie en société, les idéologies et les systèmes politiques, tout en les influençant. Contrairement à l’hypermoralisme des normes sociétales qui tente d’imposer une vision artificielle et idéologique de la famille, les structures familiales réelles partent d’une base anthropologique, ou prototype archaïque de la famille souche, qui se trouve dans le modèle de la famille nucléaire composée par père, mère et enfants (Todd, 2011).
La polis essentielle du lien familial ne se trouve pas, à mon avis, dans le privilège d’éduquer des enfants ou de gérer de simples rapports inter-générationnels. Pour cela, des simples éducateurs, eux-mêmes bien éduqués, suffiraient, sans qu’on ait besoin toutefois de les appeler père et mère. Par exemple, les religieuses des orphelinats se sont très bien occupées des enfants de l’Assistance publique sans devenir pour autant elles-mêmes “mères” ou “pères” (!) de ces enfants. La politique-noyau du lien familial se trouve plutôt, d’une part, dans la capacité génératrice, ou génitrice, de l’espèce humaine et, d’autre part, dans la transmission de cette capacité à la génération créée.
La famille politique d’Emmanuel Todd semble reposer de préférence sur les liens entre le seul daron et les frères-enfants, alors que la famille freudienne établit, dans le noyau de ces relations, la différence et la tension irréductibles entre la fonction symbolique du père et le désir de la mère. Avec Freud, on peut dire que la liberté n’est rien sans la responsabilité et sans l’assomption inévitable des limites et des interdits. De leur côté, l’égalité n’est qu’une courtoisie de la différence, et la fraternité, le tendre confort ou les vacances de l’indépendance. La famille politique, constituée en la tension d’un couple masculin-féminin, pousse ainsi les enfants à la libre responsabilité, à l’égalité dans le cadre de la différence et à l’indépendance fraternelle.
La famille nucléaire est essentiellement le noyau du lien de civilisation parce qu’elle transmet le masculin et le féminin, de la génération d’un couple vers une génération fraternisée mais sans couple. La où il y a fraternité, il n’y a pas de couple. La où il y a couple, il y a la possibilité de la fraternité comme produit générationnel.
Depuis toujours et même malgré les bouleversements de la famille au XXIème siècle, la psychanalyse travaille avec les représentations découlant de la famille nucléaire (père-mère-enfants) laquelle n’est pas une norme mais l’expression directe du lien naturel entre les sexes. Il s’agit d’une élaboration agrémentée par l’étude des grand-parents (depuis Karl Abraham) et même par celle des ancêtres (depuis l’intérêt éveillé par les travaux sur la transmission transgénérationnelle). Ce travail s’est presque toujours fait sans positions normatives. Je dis presque toujours car dans de très rares cas —comme celui d’Anna Freud—, la psychanalyse s’est vue happée par des discours normatifs ou d’adaptation. Or, depuis quelque temps, nous observons que quelques secteurs de la psychanalyse se sont identifiés à nouveau à des positions normatives et adaptatives, notamment pour défendre les normes sociétales dont, par exemple, le mariage pour tous et la famille pour tous qui en découle. Alors que le mariage a toujours été conçu comme un appareil idéologique et bourgeois, vecteur de morale et de normes, quelques psychanalystes se sont paradoxalement découverts une vocation normative surprenante dans la défense d’un concept comme le mariage auquel, en principe, ils n’ont jamais cru vraiment.
C’est ainsi que la psychanalyse a été malheureusement instrumentalisée pour servir de justification à la théorie du genre et au mariage pour tous, c’est-à-dire aux normes sociétales, à leur adhérence identitaire et à leur néo-moralisme. Pour cela, quelques-uns ont tenté un forçage interprétatif du dernier enseignement de Lacan sur la variété des Noms-du-Père. Le problème toutefois est que la variété des Noms-du-Père ne veut absolument pas dire que le père peut être n’importe qui ou n’importe quoi. Cela ne veut pas dire que la mère, ou une femme en couple avec elle, ou deux ou trois hommes vivant ensemble avec enfants, puissent être vraiment le père ou les pères. La multiplicité des Noms-du-Père dans le dernier segment des travaux de Lacan est là pour indiquer que le père, sa fonction et les conséquences de sa transmission, opèrent selon plusieurs aspects appartenant à plusieurs registres chez un même et seul père.
En effet, la variété des Noms-du-Père ne peut fonctionner que parce qu’il y a une judiciaire unifiée, une structure de base, qui permet la multiplicité de la combinaison RSI (réel, symbolique et imaginaire). La conception d’une variance possible de la forclusion chez Lacan —et l’on peut déduire de là celle du Nom-du-Père— est avancée dès 1958 en ces termes : « seul le lieu structural où se produit l’exclusion d’un signifiant varie entre ces procédés d’une judiciaire unifiée par l’expérience analytique » (Lacan, 1958, p. 670). Cela veut dire que des variantes sont possibles en fonction de la variation du lieu structural où se produit l’opération de forclusion du Nom-du-Père, ce qui nous a aidé à élaborer une clinique différentielle de ces questions. Cela dit, il y a une judiciaire, une structure unifiée du Nom-du-Père, dont la base est fixe et unique. À la variance des modalités de nouage répond l’unicité de l’opération signifiante du Nom-du-Père vis-à-vis de la fonction paternelle. Ainsi, même si les Noms-du-Père sont multiples, puisque multiples sont ses aspects d’application, le père est toujours Un. Un seul.
La variété des Noms-du-Père veut dire que le père est une fonction composite. Dans les Noms-du-Père, nous avons une multiplicité de registres dont il est impossible que chaque père puisse utiliser tous tout au long de sa vie. C’est un fait que seulement quelques aspects de la paternité, seulement quelques Noms-du-Père peuvent être présents dans la relation du père à son enfant. Les multiples Noms-du-Père représentent autant des liens de civilisation qui définissent les sources, sont véhiculés par les moyens et constituent les perspectives de la transmission paternelle : origines extérieures au placenta, pacification des angoisses précoces, idéalisation amoureuse (pour les filles) ou compétition virile (pour les garçons), représentation du masculin dans les deux cas, castration, dette symbolique, perspective de la mort et sens de la vie, construction du projet de vie, triangulation nécessaire pour la différence des sexes, nouage du symptôme, passe vers la diagonale de l’amour…
La fonction de chaque père se situe, si possible, sur tous ou presque tous les Noms-du-Père qui viennent contrôler, pacifier, donner sens ou au contraire diminuer le sens, réduire les effets et convertir en transmission, l’incarnation de la chaire qui jouit et est féminine par un verbe ancestral qui est masculin.
Les événements politiques récents aux USA et en Europe et, derrière eux, les profonds événements du lien de civilisation, montrent que le noyau, le noeud principal ou la judiciaire unifiée du Nom-du-Père fait retour avec une force de frappe ancestrale pour amender les dérives identitaires des normes sociétales.
En guise de conclusion, je dirais qu’être un homme, ou être une femme, ce n’est pas une norme, c’est une donnée réelle d’origine. Être un homme et désirer les femmes, ou être une femme et aimer les hommes, n’est pas non plus une norme, ni une construction idéologique, mais une condition réelle d’origine. Cela veut dire qu’on ne peut pas mettre en ligne d’égalité l’hétérosexualité avec chacune des nombreuses pratiques sexuelles. L’hétérosexualité n’est pas une pratique sexuelle parmi d’autres. L’hétérosexualité est la sexualité elle-même. L’hétérosexualité suppose une multiplicité de pratiques sexuelles très hétérogènes qui peuvent entrer en conflit entre elles ou vis-à-vis du lien social, mais il n’existe pas de pratique sexuelle hors de l’hétérosexualité. Les pratiques sexuelles, comme l’hypersexualité, la bisexualité, l’homosexualité, la transsexualité ou l’asexualité, appartiennent toutes à l’hétérosexualité.
Quelle qu’elle soit —religieuse, bourgeoise, traditionnelle, moderne, contre-culturelle ou postmoderne—, la norme équivaut aux codes sociaux par lesquels cette condition réelle d’origine peut, ou doit, se vivre. La sexuation est ce que nous sommes d’origine concernant le sexe et cela ne peut être changé. L’hétérosexualité est le vécu réel donné d’origine qui découle de la sexuation si aucun obstacle moral, social ou psychologique ne s’y interpose. La norme n’est que la modalité, le comment, la manière par laquelle on peut, ou on doit, mettre en adéquation le vécu réel du sexuel aux exigences du social.
Notes
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