German ARCE ROSS. Paris, 2011. Publié le 31 juillet 2015.

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Psychothérapie de la psychose maniaco-dépressive », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2015.

Psychothérapie de la psychose maniaco-dépressive

Planet Art by Matthew Holland

Planet Art by Matthew Holland

Dans le présent texte, nous effectuons un survol de quelques processus psychothérapeutiques à l’oeuvre dans les trois phases de la psychose maniaco-dépressive, à savoir la manie, la mélancolie et les intervalles libres.

Tout en indiquant la nécessité de dépasser la notion de troubles, qui se traduit trop souvent par la volonté de les supprimer mécaniquement, ce travail s’attache à étudier la connexion entre, d’une part, les soubassements structuraux du symptôme psychotique et, d’autre part, la position inconsciente de l’analyste.

Psychotherapy of the Manic-depressive Psychosis

In the present text, we perform a flyover of some psychotherapic processes during the work with the three stages of the manic-depressive psychosis: mania, melancholia and lucid intervals.

While pointing out the necessity to exceed the notion of disorders, which is too often translated by will to abolish them mechanically, this paper sets out to study connection between, on one hand, structural bedrocks of the psychotic symptom and, on the other hand, the unconscious position of the analyst.

Partant d’une expérience clinique qui s’étale depuis plus de vingt ans, nous pouvons faire état de plusieurs cas qui ont été durablement stabilisés ou qui sont en voie de l’être. Mais, avant de traiter des contenus et des processus de la psychothérapie de la psychose maniaco-dépressive (PMD), évoquons d’abord quelques éléments préalables concernant aussi bien les tendances générales observées chez les patients que dans la position de l’analyste.

Préalables à la psychothérapie des psychoses

Selon notre position psychogénique, nous considérons que la source des phénomènes psychotiques se trouve dans les relations inconscientes entre parents et enfants. Plus que la famille nodale, il s’agit, d’après nous, des relations dans la famille élargie dans le sens où les traces des générations précédentes sont présentes dans les relations intersubjectives entre parents et enfants. De là le fait que notre traitement ne se confond pas avec le “traitement” pharmacologique par exemple. D’ailleurs il y a un forçage linguistique à considérer ce dernier comme étant “le” traitement. Pour nous, c’est exactement l’inverse : le véritable traitement c’est la psychothérapie, la psychopharmacologie n’étant qu’un auxiliaire éventuel de la psychothérapie et pas toujours nécessaire d’ailleurs.

On sait que face aux positions psychotiques, qu’elles soient maniaques ou mélancoliques, remplies d’hallucinations, de délires ou de risques de passages à l’acte, on peut et on doit éprouver des affects divers, très intenses, contradictoires, déstabilisateurs, comme une angoisse profonde, un sentiment d’impuissance, celui de fatalité ou la colère. L’un des préalables à la psychothérapie de la PMD est ainsi l’attitude que doit avoir l’analyste, non pas de gommer l’émergence de l’angoisse en lui, ni de s’en prémunir par des défenses techniques, mais au contraire d’accepter que cela s’exprime pour le mettre à profit dans le travail thérapeutique. Parce que, justement, la psychothérapie se fera surtout autour de ces affects et de l’inconscient de l’analyste qui y réagit, à condition cependant qu’il n’en devienne une victime passive. Au contraire de la psychothérapie des névroses, où on n’analyse pas avec son angoisse, dans la cure des psychoses, non seulement ces affects sont inévitables, mais deviennent la force, le canal et le matériel même de la psychothérapie.

Le corollaire de cela implique un autre préalable à considérer qui est celui de travailler, non pas dans le sens de la suppression mécanique du symptôme, mais plutôt avec et dans le symptôme, pour le modifier grâce à la psychose de transfert créée dans la cure. Nous savons que c’est très tentant de vouloir supprimer sans délai le délire, l’hallucination, le risque de passage à l’acte, par le biais de la pharmacologie ou par toute autre technique psychologique superficielle et, au fond, inutile et inefficace. La position psychanalytique s’oppose au fait d’enlever mécaniquement le symptôme sans en proposer un substitut ou une suppléance, parce que le symptôme psychotique n’est pas seulement une façon de souffrir, mais également le moyen que le sujet s’est péniblement construit pour tenir dans l’existence. Le problème est que celui-ci peut déborder et dominer le patient. Il s’agit donc de repérer et d’en extraire sa substance de création nécessaire pour la stabilisation psychique du patient.

Évidemment, il ne s’agit pas, pour l’analyste, de sombrer dans le symptôme mais d’accepter que le patient entre en contact avec la part fragile, négative ou même partiellement “psychotique” de l’analyste. Pour cela, il faut en partie accepter de rentrer dans le symptôme du patient mais tout en laissant une part de soi dehors. Sans aucun doute, nous pouvons aider le patient à modifier graduellement son symptôme par l’acceptation de nous modifier nous-même un peu grâce à l’assomption, dans notre inconscient, du symptôme du patient. Dans cette opération d’intrication mutuelle du symptôme psychotique avec l’inconscient de l’analyste, il est toutefois très important de rester soi-même, pour ne pas confondre le patient dans ses identifications.

La psychothérapie de la psychose suppose la création mutuelle (par le patient et par l’analyste) d’une aire intermédiaire composée par le symptôme du patient mais aussi par l’inconscient de l’analyste (avec ses contre-identifications, son contre-transfert, son désir, ses affects et émotions). Cet espace intersubjectif, où se trouvent notamment les aspects négatifs, non symbolisés et non analysés chez l’analyste, peut servir graduellement de substitut subjectif pour le patient [1] ou tout au moins comme une base psychique incontournable.

C’est cela, au fond, que suppose la psychose de transfert : d’une part, identification, introjection, projection chez le patient, d’autre part, des éléments de dépersonnalisation et d’étrangeté, limités, transitoires et relatifs mais bien réels chez l’analyste [2]. C’est quelque chose qu’on peut trouver chez n’importe quel être humain, d’ailleurs, lorsqu’il est confronté de façon privilégiée à la potentialité psychotique, comme c’est le cas par exemple chez certaines personnes de la famille du patient. Il faut donc ne pas s’abstenir d’éprouver de l’angoisse mais au contraire travailler avec elle, ainsi qu’avec tous les autres affects négatifs qui viennent s’y présenter. Car c’est en se connectant avec cet espace intersubjectif, rempli de ces phénomènes psychotiques ou proches de la psychose du patient mais aussi de l’analyste, que les facteurs blancs de la PMD [3] pourront se modifier tout en diminuant la jouissance contenue dans le symptôme. En acceptant l’angoisse dans l’espace intersubjectif, celui-ci pourra devenir un vecteur important véhiculant un sens affectif et émotionnel nouveau, apporté par l’analyste au symptôme du patient psychotique, tout en lui en proposant par là une expérience différente de ses propres vécus pour effectuer le chemin inverse qui a amené à la construction du symptôme.

De notre expérience clinique, il se dégage aussi que le travail psychothérapeutique avance par paliers. Très souvent, surtout au départ, il s’agit de diminuer l’intensité, la violence ou l’étendue des cycles maniaco-dépressifs. À d’autres moments, nous devons oeuvrer pour pacifier durablement les tendances, parfois très proches de l’accomplissement, de l’acte suicidaire. Ensuite, de façon générale, il s’agit d’accompagner les patients lors des moments cruciaux de leurs vies (la naissance ou la mort d’un enfant, une énième rupture amoureuse qui les pousse vers la fuite des événements…). Pour finir, lorsque les risques sont caducs et que le patient a mis un peu d’ordre dans sa vie, nous devons l’aider à construire des suppléances efficaces en fonction de ses capacités, de ses préférences et de sa personnalité.

Par ailleurs, nous avons observé que ce type de patient vient à ses séances pendant de longues périodes, souvent pendant 12-15 ans ou plus, sauf que sans une continuité très régulière mais avec des alternances importantes entre des moments de présence et d’absence. Avec eux, on finit par s’habituer à être tout d’un coup déclassé ou délaissé sans délai, sans transition, sans préavis, sans savoir vraiment pourquoi. Parfois, on cherche une raison contre-transférentielle et, évidemment, on en trouve toujours une, laquelle n’est d’ailleurs jamais la bonne mais celle qui nous satisfait sur le moment. Et on établit des tas d’hypothèses sur ce phénomène, sauf qu’il faut se rendre à l’évidence qu’en vérité cela fait partie de la modalité transférentielle qui est en intime relation avec la pathologie de ces patients. Mais si à un moment de la psychothérapie, ils décrochent, souvent sans crier gare, et vous laissent sans nouvelles ou presque pendant parfois quelques années, ils ont également tendance à revenir et à recréer le même schéma de façon périodique. De cette façon, il y en a qui en 15 ou 17 ans de psychothérapie sont partis et revenus six, sept ou huit fois !

Notons enfin, comme dernier préalable, qu’il nous semble absolument nécessaire d’émettre une critique sérieuse à l’encontre de l’utilisation du terme de “troubles bipolaires” pour désigner la psychose maniaco-dépressive, puisque, en plus du fait qu’elle n’est pas qu’un ensemble de troubles, sa composition psychopathologique se présente de manière plutôt tripolaire. Nous avons ainsi les états dépressifs, ou mélancoliques, les états maniaques et les intervalles libres, ces derniers très proches des états obsessionnels. Il nous semble en effet que tous les symptômes de la PMD sont à classer dans cette trilogie pathologique qui évolue, la plupart des fois, de façon périodique ou circulaire. Et c’est pour cela que les processus thérapeutiques doivent, à leur tour, s’exercer forcément en fonction de ces trois phases.

Melancholia, Lars Von Trier

Melancholia, Lars Von Trier

Processus psychothérapeutiques des états mélancoliques

Compte tenu de la manière dont se manifestent les états mélancoliques aussi bien que les contenus des auto-reproches et du délire de mort, nous savons qu’il y a plusieurs actions thérapeutiques possibles en fonction du relief appartenant aux phases dépressives que le patient traverse, mais aussi des degrés de profondeur et de consistance de ces symptômes.

Reconstruction de l’imaginaire par revalorisation narcissique

Une grande partie des symptômes mélancoliques, que nous avons réuni sous la rubrique du délire de mort, partent de la forclusion du désir de la mère dès un âge précoce ou même avant la naissance. La pathologie mélancolique qui s’en dégage constitue une sorte de destruction imaginaire, traduite par une profonde autodévalorisation, par une incapacité dialectique dans les relations affectives ainsi que par une hypersensibilité émotionnelle. Vis-à-vis de cet état de fait, notre action thérapeutique tente alors de revaloriser progressivement l’aperçu du soi, la reconquête du propre corps, la curiosité par les images et les apparences, les soupçons de plaisir venant du corps propre ou du corps d’autrui et l’intérêt par les enveloppes immédiates du corps (l’urbanisme proche, l’habitat, les vêtements, la peau…). Il s’agit d’un travail long, pénible parfois, qui se fait dans l’écoute quotidienne des autoreproches hypersévères, des angoisses dépressives, du négativisme fataliste, du nihilisme hyperlucide et de la conception désespérée d’émulsions catastrophiques ou d’entre-noeuds autodestructeurs, pour les canaliser vers les objets et les situations précoces dont ils proviennent. Par ce travail fait au travers de la parole et de la suggestion, nous apportons d’autres voies d’expression pour que le sujet puisse se décaler, se détourner, s’éloigner, un minimum, de l’extrême dévalorisation de soi tout en valorisant l’intérêt pour les accessoires imaginaires de soi et d’autrui.

Cependant, la revalorisation narcissique doit s’effectuer dans un esprit de fermeté bienveillante pour ne pas laisser le sujet dériver vers une position perverse où, ironiquement ou cyniquement, il vienne à se complaire dans le système d’autoreproches. Grâce à la fermeté symbolique et réelle qui encadre la reconstruction imaginaire, l’analyste cherche à repérer et à communiquer ensuite à son patient, l’utilité pathologique inhérente à ces dévalorisations de soi. C’est le cas lorsque l’analyste, tout en reconstruisant avec lui les coordonnées de l’imaginaire, signale exactement à son patient où et dans quelle mesure ses symptômes mélancoliques l’arrangent ou lui apportent un bénéfice secondaire.

Dans la mesure où le marasme actuel du sujet peut correspondre au marasme que l’Autre maternel a vécu, lors de la naissance ou même avant, par exemple, il s’agit de libérer la charge affective et émotionnelle en lien avec ce contexte ancien encore présent et contenue dans les autoreproches comme aussi bien dans la dégradation imaginaire.

Restitution de la réaction émotionnelle et affective de l’analyste

Dans la psychothérapie de la PMD, il ne s’agit pas seulement d’avoir accès aux sources des symptômes psychotiques, mais surtout, sachant ou découvrant cela, il s’agit de permettre en même temps au patient d’avoir un contact avec nos propres réactions émotionnelles et affectives, y compris celles négatives. C’est surtout cette fonction qui a un pouvoir thérapeutique, beaucoup plus que le savoir qui y est extrait sur la psychopathologie du cas en question.

Dans le cas des états mélancoliques anxieux, cette action thérapeutique devient utile pour favoriser la distance nécessaire entre, d’une part, la complainte répétitive et lancinante du patient et, d’autre part, le noyau émotionnel et affectif qui y est enfermé. En effet, l’analyste peut tout à fait se faire l’écho de la part émotionnelle et affective incluse, quoique souvent cachée, dans l’expérience subjective de l’autoaccusation. Ce faisant, il pourra parvenir à la libérer, ce qui peut toutefois provoquer un certain effondrement du patient, puissant mais provisoire car sous contrôle et sous transfert. Cependant, il s’agit d’une des conditions logiques et nécessaires pour pouvoir, plus tard, réconnecter le texte ou le récit de la plainte avec la valeur émotionnelle jusque là vide de sens.

Ici, nous sommes dans la partie la plus délicate du traitement des états dépressifs, surtout s’ils sont compliqués d’angoisse (hypocondriaque, phobique, de refus, d’intrusion, d’abandon ou de mort). Souvent, il y a ici un décrochage du patient vis-à-vis de la psychothérapie, si le lien transférentiel n’a pas été suffisamment travaillé ou si le patient est arrivé d’emblée dans un état anxiodépressif trop important. L’essentiel de notre travail consiste ici à faire connecter entre eux les fragments d’affect qui s’expriment de temps en temps de façon dissociée de leur contexte situationnel, de l’objet du reproche ou des éléments d’expression adéquats. Au moins, l’analyste peut exprimer les liens entre les affects et les situations données.

La restitution affective et émotionnelle de l’analyste est à connecter avec la charge affective incluse dans les autoreproches du patient, ainsi qu’avec les éléments d’expression adéquats. Parce que dans les états mélancoliques l’on trouve en général trois formes de dissociation affective : il y a une dissociation vis-à-vis du contexte situationnel, une dissociation vis-à-vis de l’objet et une dissociation vis-à-vis des modes d’expression.

En outre, des études sur les réactions affectives présentes dans un deuil, nous pouvons parler de quatre formes bien distinctes, à savoir angoisse, douleur, colère et tristesse, lesquelles nous pouvons associer par couples dialectiques. Dans un cadre général, angoisse et douleur, laissant le sujet dans un état de perplexité, de paralysie ou de concentration intensive, vont dans le sens de l’inhibition, tandis que colère et tristesse poussent vers une action de réparation. Angoisse et douleur ont une valeur d’inhibition dans le sens où ce sont des affects qui ont comme objet le sujet lui-même. Dans ces états, il est capté et enfermé dans une problématique où il se trouve seul devant le vide. Colère et tristesse peuvent aller vers la réparation parce que le choc du vide est resté derrière lui et , le vivant en lui-même, le sujet tente de s’adresser à l’Autre. Par ailleurs, il y a encore d’autres couples de réactions affectives en opposition dialectique également. entre angoisse et colère ou alors entre douleur et tristesse. Souvent, la colère est une tentative de régulation de l’angoisse, alors que la tristesse se pose comme une solution à la douleur. C’est le cas par exemple de la phobie où lorsque la colère incluse dans l’angoisse est finalement  exprimée, l’angoisse tend à diminuer.

Dans la mélancolie cependant, en plus d’un mélange désordonné et non cohérent, nous trouvons un couple non-dialectique de réactions affectives entre douleur et tristesse, tandis que dans l’impulsion maniaque il est présent le couple non-dialectique entre angoisse et colère. Il s’agit alors de rétablir un peu le travail psychique effectué vis-à-vis du couple dialectique de la phobie entre angoisse-colère. Sauf que dans le cas des états mélancoliques ce serait de faire opposer la colère au couple non-dialectique douleur et tristesse pour l’amener graduellement à une tension dialectique. Dans ce sens, il faudrait proposer au patient de nouvelles situations, de nouveaux objets, de nouveaux modes d’expression pour que la colère puisse interagir autrement, tout en diminuant la portée pathologique de l’impasse entre douleur et tristesse. Le risque néanmoins est que la charge affective niée se dirige sans réflexion vers l’analyste lui-même cantonnant le patient dans une réaction thérapeutique négative. Mais si on dévie efficacement la charge affective vis-à-vis de ces trois éléments la colère pourra s’exercer contre la situation, contre l’objet ou contre les modes d’expression proposés par le travail analytique. Et la libération de la colère pourra alors ramener un souffle nouveau à l’impasse affective mélancolique.

Les Auxiliaires thérapeutiques

C’est à ce moment que quelques éléments auxiliaires peuvent être utilisés. Le plus courant, mais aussi le plus discutable, est celui de la psychopharmacologie. Antidépresseurs et anxiolytiques peuvent être administrés, mais à condition qu’ils soient accompagnés d’une recommandation constante pour que les doses restent les plus basses et les périodes d’utilisation les plus courtes possible. Car, malgré ce que certains psychiatres prônent, antidépresseurs et anxiolytiques ne constituent certainement pas un traitement à part entière, mais sont seulement des auxiliaires à la psychothérapie. La pharmacologie psychiatrique est à comprendre comme les anesthésies qui aident à ce qu’une opération chirurgicale se fasse dans les meilleures conditions : les anesthésies ne constituent pas vraiment un traitement à part entière, mais sont seulement des auxiliaires pour l’action thérapeutique du chirurgien. C’est le cas des antidépresseurs et des anxiolytiques vis-à-vis de la psychothérapie psychanalytique. Puis, il s’agit aussi d’éviter une dépendance physiologique et psychologique, voire une adhérence toxicomane, vis-à-vis de ces drogues médicales qui sont lourdes de conséquences si elles sont administrées trop longtemps ou dans des doses trop importantes ou bien à la place d’une psychothérapie digne de ce nom.

Mais il y a d’autres éléments auxiliaires et extérieurs à la psychothérapie, beaucoup plus intéressants que la psychopharmacologie et sans réactions iatrogènes ni effets secondaires. Il s’agit des astuces psychologiques, inter-relationnelles ou transférentielles que l’analyste peut trouver dans chaque cas particulier. Nous avons ainsi, d’abord, l’alliance thérapeutique que l’on peut établir avec un médecin généraliste ou avec un psychiatre mais aussi, et surtout, avec un membre de la famille du patient [4]. Ensuite, de toute façon, il y a à créer une alliance thérapeutique avec le patient lui-même par le biais de l’humour, par la dérision ou par tout autre moyen discursif qui permette à ce dernier de prendre un recul vis-à-vis de son état.

À cet égard, une pratique qui se développe de plus en plus dans mon travail avec les patients psychotiques (mais pas seulement psychotiques), ce sont les séances par téléphone ou par Skype lors des vacances ou des déplacements de travail, ou simplement entre les séances au cabinet, ou bien lorsque le patient déménage à une autre ville ou à un autre pays proche. Évidemment, les séances par téléphone, ou par Skype, lors d’absences prolongées ne sont pas pratiquées exclusivement avec les patients psychotiques, mais ce sont de préférence ceux-ci qui en profitent le plus. Nous devons aussi noter ici que, même si nous évitons autant que possible d’allonger sur le divan les patients maniaco-dépressifs, ils s’adaptent aux séances par téléphone ou par Skype plus qu’on ne pourrait l’imaginer à un premier abord. Par ailleurs, on peut aussi faire référence à la nécessité éventuelle, qui pourrait être envisagée selon chaque cas, de l’intervention d’un agent psychothérapeutique auxiliaire, incarné par un étudiant en psychologie clinique ou par un jeune psychologue clinicien diplômé, avec qui l’analyste s’est longuement entretenu au préalable. Il s’agirait d’accompagner le patient dans certains moments ou certaines démarches de sa vie quotidienne.

Autrement, c’est à l’analyste lui-même qui peut revenir un rôle d’agent accompagnateur ou d’interlocuteur privilégié dans la recherche de solutions à certains problèmes de la vie du patient (décisions importantes dans et vers la vie professionnelle, gestion du quotidien, préparation d’un projet de vie…). Tellement souvent les patients mélancoliques, en proie à des grands contingents d’angoisse, sont extrêmement paralysés et perplexes devant ce qu’ils perçoivent comme des montagnes insurmontables, à savoir les décisions courantes de la vie quotidienne (logement, budget, alimentation, hygiène, sommeil, vie familiale…) ou les décisions cruciales du projet de vie (relation amoureuse, deuil, mariage, naissance d’un enfant, divorce, déménagement, changement de travail…). C’est à cet endroit que l’analyste peut intervenir vis-à-vis de son patient, non pas vraiment pour lui apporter des conseils pratiques, mais pour utiliser ces questions et la recherche de solutions pour que le patient se connecte graduellement, émotionnel et affectivement, aux fragments angoissants de sa vie.

Processus psychothérapeutiques des états maniaques

Prévention du risque suicidaire

Il s’agit, le cas échéant, d’un travail incontournable et de première priorité bien que très difficile à mettre en place et à contrôler dans la solitude de notre cabinet, notamment parce que le sujet se trouve, dans la plupart des cas, dans des périodes de frénésie maniaque. D’abord, nous devons prendre en compte le degré de fuite des événements en cause dans le moment actuel pour sortir le patient de cet engrenage frénétique [5].mel3

Tout d’abord, il ne s’agit pas de faire la critique de l’acte suicidaire ni de se cantonner à une apologie de la vie ou du désir de vivre. Cela n’amène qu’une colère non-dialectique et improductive supplémentaire au patient, le poussant à rompre le lien transférentiel. Il s’agit surtout de renforcer le tissage transférentiel pour qu’il fonctionne comme une partie importante du vécu actuel du patient, vécu d’où il peut extraire un engagement minimal. Quoiqu’il fasse ou menace de faire, il faut que le patient se sente de plus en plus accompagné et regardé, ou surveillé, et surtout qu’il se sente engagé dans la relation transférentielle. Cet engagement relationnel, non-contraignant mais où il s’implique moralement, peut fonctionner comme un élastique solide qui l’empêche de sauter dans le vide de l’acte. Dans ce cas, l’analyste devient le témoin privilégié, parfois le seul, de la vie actuelle du patient. C’est pour cela qu’il faut également mobiliser, si besoin est à ce moment-là, les auxiliaires thérapeutiques, comme les personnes avec qui nous pouvons trianguler (psychiatres, amis ou famille du patient). Nous devons prendre en charge l’actualité du patient.

Ensuite, il nous faut ne pas oublier que toute décision suicidaire part d’une cause souvent très ancienne, quelques fois un peu oubliée mais toujours là, même si le déclenchement de l’acte dépend d’autres facteurs plus actuels. Nous devons alors nous intéresser à ces éléments problématiques actuels pour faire émerger la cause du désir de mort et de la décision suicidaire. Le projet est celui de créer une tension dialectique entre cause ancienne du suicide et problèmes actuels menant vers l’acte. Tension dialectique qui veut qu’il y a des similitudes, mais aussi des différences et des oppositions, entre la cause et les événements actuels qu’il s’agit de problématiser. Toutefois, bien souvent le psychothérapeute est contaminé par l’état d’urgence et par la fuite des événements que présente le patient. Celui-ci le fait courir, s’inquiéter, culpabiliser, angoisser, ressentir de l’impuissance ou de l’inutilité. C’est pour cela que nous avons à canaliser aussi bien la fuite des idées que la fuite des événements, c’est-à-dire que nous devons prendre en charge et diriger de façon constructive la force des situations intersubjectives, des décisions radicales et inopinées, des actions autodestructrices, des voyages pathologiques, bref du rapport maniaque à la sexualité, à l’amour, à l’argent, à la mort…

Nous avons enfin également à lutter contre l’altruisme maniaque, cette tendance pathologique à trop se situer dans l’autre et chez l’autre, c’est-à-dire à percevoir, à éponger et à ressentir les affects et les émotions de l’autre de manière non-dialectique. Parce que, selon l’altruisme maniaque, le sujet finit par se créer une place qui ne lui appartient pas, sans décoller vraiment des affects d’autrui, au moins au niveau de l’angoisse. Il faut alors laisser le sujet reconstruire lui-même, avec notre aide affective et émotionnelle, plusieurs manières différentes de vivre cette angoisse pour qu’il en soit de moins en moins affecté. Cela, par le moyen de matériaux fantasmatiques que nous pouvons développer dans la relation transférentielle, tout en veillant néanmoins à ce que le sujet s’en différencie. Ce qui implique, évidemment, de faire attention à ne pas se laisser trop dériver vers l’angoisse dans les moments aigus de la prévention du risque suicidaire, car le sujet peut très facilement réagir, par une angoisse extrême, à l’angoisse de l’analyste. Et, de tout façon, il faut canaliser constamment et solidement l’énergie contenue dans la poussée maniaque.

Disons que c’est comme une opération hydraulique : avant que le volume incessant d’eau d’une source trop chargée ne fasse des dégâts avec une brutalité incontrôlée, il faut lui permettre qu’elle s’échappe par des voies prévues et maîtrisées (les canalisations, les déviations, les espaces de répit). Cela permet d’éviter une trop forte décharge dans un même temps et dans un même lieu. C’est un travail qui se fait dans le temps d’écoulement (le débit verbal, par exemple) ainsi que dans l’espace des séances (qui se répètent parfois de la même façon). Ceci veut dire que les séances, en général, ne servent pas seulement à écouter un matériel donné et à l’analyser, mais elles servent aussi à faire que la grande masse ludique, à transformation perpétuelle, luxuriante mais stérile ou inutile [6] quoiqu’extrêmement dangereuse et étroitement concernée dans le grand débit de mots, d’actions et d’événements inter-subjectifs, s’écoule petit à petit, séance après séance, au lieu d’imploser lors de la crise maniaque.

Travail sur les facteurs blancs

Dans la psychose maniaco-dépressive, tout n’est pas constitué en fonction de la forclusion du Nom-du-Père, c’est-à-dire que tout n’est pas en fonction des liens vécus avec les représentants de la fonction paternelle. Tout n’est pas non plus la question de la carence fondamentale dans la relation  à la mère. Les choses dépendent également des situations inter-subjectives ou des événements psychiques que le sujet a vécu, ou vit encore à l’heure actuelle, et auxquels il ne peut pas accorder une valeur affective adéquate.

L’état maniaque est une sorte d’opposition ou de négation radicale de la valeur affective de perte ou de rupture. Le sujet essaie de remplir tous les espaces de son monde en passant d’une idée à une autre, d’une action à une autre, d’un événement à un autre, et ce de façon frénétique. Dans ce système d’action, il n’y a pas de place pour parler de rupture par exemple parce que le lien, même minime, aux réactions affectives en général est d’emblée rejeté. Toutefois, le sujet n’est pas dépourvu d’affects.

Contrairement, au couple d’affects de douleur et tristesse, qui mène vers un travail psychologique tellement approfondi qu’il devient mélancolique, le sujet maniaque éprouve hyper-sensiblement le couple angoisse et colère qui intervient comme une tendance vers le passage à l’acte. Le mélange entre angoisse et colère provoque de l’effervescence, de l’agitation fébrile et de la fureur, qui poussent normalement vers l’acte critique. Ainsi, si le sujet ne peut pas accorder une valeur traumatique par exemple à des événements de perte ou de rupture, à la place, il développe des crises clairement maniaques ou des épisodes délirants avec des thématiques mortelles. Cela le mène à produire, à reproduire ou à cumuler des ruptures psychiques importantes qui peuvent être très dangereuses, notamment lorsqu’elles prennent la forme d’événements du corps cotardisé [7].

Si pour le sujet il n’y a plus de lien affectif, il n’y a pas de rupture non plus. Le sujet se situe donc au-dessus, ou à côté, de toute problématique avec l’Autre. Cependant, sans qu’il veuille se rendre compte, le sujet traverse malgré lui une succession infernale de ruptures auxquelles il ne veut pas, ou ne peut pas, accorder un sens affectif de perte. Si dans l’état mélancolique, douleur et tristesse sont en lien avec un trop de sens de perte, dans la manie, angoisse et colère expriment une absence radicale du sens affectif de perte. Devant cet état de fait, il ne s’agit pas vraiment d’aider le sujet à éviter les pertes ou les ruptures, mais l’aider parfois à faire qu’elles existent, tout en aidant le sujet à assumer les conséquences de ses ruptures pour qu’elles aient enfin un minimum de valeur affective pour lui. Il s’agit, en somme, d’éviter la valeur vide de sens affectif lors d’une rupture, même si le sujet s’obstine à contrarier cette thèse, pour lui éviter qu’il reproduise ces ruptures à l’infini ou qu’il glisse dans une fuite des événements.

Notre travail consiste alors à l’aider à connecter l’angoisse libre actuelle, c’est-à-dire l’angoisse que le patient a pu ressentir lors de ces circonstances, ainsi que son mélange avec la colère plus ou moins exprimée, avec les événements de perte ou de rupture qu’il vit aujourd’hui. Cela requiert une intervention très serrée du psychothérapeute. C’est à cet endroit qu’il doit donner beaucoup de lui-même en inventant, selon la spécificité de chaque cas et de chaque histoire, une position non-traditionnelle en psychanalyse.

Mais jamais, sous aucun prétexte, il ne doit succomber passivement à l’assaut haineux, furieux ou destructif présent dans l’événement, c’est-à-dire qu’il ne doit pas se laisser convertir en sujet à la place du patient. Le psychothérapeute doit maintenir une position, d’un côté, très présente, très active, très ferme cependant et, d’un autre côté, il doit rester en recul, en attente et en observation mais sans passivité, quitte à laisser partir le patient. S’il arrive que le patient se soit décidé à partir de la psychothérapie, l’analyste ne doit pas essayer de le retenir. Un maniaco-dépressif le lui fera payer sinon. Et puis, s’il part sachant que l’analyste tiendra le coup et qu’il ne succombera pas à son départ, il pourra revenir d’autant plus facilement.

Repérage d’éléments servant à la construction de suppléances

Lors des épisodes maniaques nous ne pouvons pas encore aider le patient à construire des suppléances nécessaires pour sa stabilisation psychique, car la frénésie présente ne peut pas aisément être maîtrisée ni par le patient lui-même ni par l’acte de l’analyste. Cependant, nous pouvons au moins y repérer plus clairement les traits de personnalité ainsi que les tendances qui, bien que pathologiques et une fois déviées de leurs voies autodestructrices, peuvent être transformées en véritables capacités artistiques, intellectuelles, techniques… propulsant des processus de création, dans et à partir de l’espace transférentiel.

Il s’agit donc d’aider le sujet à cerner, à identifier ainsi qu’à se connecter avec les éléments de personnalité menant vers des processus de création qu’il pourrait aisément développer [8].

Processus psychothérapeutiques des intervalles libres

Psychothérapie des tendances obsessionnelles

Une grande avancée, dans la psychothérapie de la PMD, se trouve lorsque l’on parvient à amener le patient à gommer les aspérités si importantes des cycles périodiques de manie et mélancolie, au profit d’une étendue rassurante des intervalles libres. Cela dit, il ne faut pas s’y méprendre. La diminution considérable des pics bipolaires peut-être seulement provisoire et est, en tout cas, parfois illusoire et toujours superficielle si on ne traite pas les soubassements structuraux de ces phénomènes cycliques. Ceci est permis lorsque l’on parvient à stabiliser le sujet dans les intervalles libres prolongés par la psychothérapie, souvent par le biais du recours à des tendances obsessionnelles secondaires à la pathologie maniaco-dépressive. Mais, c’est là, justement, que le travail proprement psychanalytique peut commencer ; tout ce qui précède n’étant que des préalables, tout à fait nécessaires mais se situant seulement en surface.

Le calme apparent d’un intervalle libre prolongé par la psychothérapie peut cependant être trompeur. D’abord, car il ne faudrait pas le confondre avec une guérison de la PMD. Ensuite, parce qu’il est composé également de traits psychopathologiques, peut-être moins impressionnants que les symptômes maniaques et mélancoliques mais tout aussi handicapants à long terme. L’intervalle libre prolongé par la psychothérapie est pourtant un socle important pour la mise en place de suppléances solides, à condition de dépasser les inhibitions propres à ces états intermédiaires. Parce qu’en fonction d’événements inattendus de la vie quotidienne, ces intervalles libres peuvent, par un surinvestissement de leurs inhibitions, faire revenir le sujet à des positions mélancoliques qui risquent de relancer les phénomènes périodiques.

Toutefois, si certains auteurs supposent la résolution de la manie et de la mélancolie par la voie de l’obsessionnalisation appartenant aux intervalles libres[9], nous ne sommes pas opposés à un tel point de vue qui s’avère tout à fait conforme avec la réalité des psychothérapies que nous mettons en place. Sauf que ce processus d’obsessionnalisation requiert, d’une part, beaucoup de temps et de patience, ainsi que d’avoir dépassé déjà les paliers antérieurs qui sont très risqués et rétifs, notamment la stabilisation des pics de manie et mélancolie. Et, d’autre part, il requiert à son tour un réaménagement des tendances compulsives pour libérer le sujet de leur adhérence un peu extrême par rapport aux vrais obsessionnels névrosés.

Stabilisation par l’amour de couple

Une autre possibilité est la stabilisation du sujet par la voie de la construction d’un amour de couple, à condition de bien choisir le partenaire adéquat à son état. En effet, la psychothérapie de la PMD suppose que le patient dépose, transpose ou transfère une partie de sa psychopathologie chez l’analyste, qui veut bien l’accepter sans s’effondrer ; ou plutôt dans l’espace qui se construit entre lui et l’analyste. À partir de là, le patient pourra, déjà, créer une certaine distance vis-à-vis de sa psychopathologie, distance qui lui permette de prendre du recul et s’apercevoir lui-même autrement, au moins potentiellement. Ensuite, le mode d’acceptation et d’assimilation de la psychopathologie du patient par l’analyste permettra au premier de la modifier progressivement grâce à l’aide du second. Cependant, ce processus requiert que l’analyste soit quelque part capable d’entrer en contact serré avec les fragments pathologiques du patient. Cela voudrait dire que l’analyste participe de façon transitoire à cette pathologie, mais pour la modifier par le biais de l’introduction d’affects et d’émotions qui transforment la valeur des facteurs blancs et des autres événements de la vie du patient.

Ce processus d’investissement mutuel implique une dynamique de partenariat qui se développe progressivement, laissant la place pour qu’un autre, un objet d’amour non thérapeutique avec ses désirs et ses demandes, puisse y advenir. Autrement dit, de là peut se dégager un désir de vivre un amour de couple qui stabilise durablement le sujet.

Construction effective de suppléances 

De façon générale, dans la psychanalyse de la PMD, nous pouvons parler d’un transfert thérapeutique dans le sens où il aide le patient à diminuer son symptôme en volume et en intensité de souffrance. Dans cette relation transférentielle, l’analyste est au service du thérapeutique. Cependant, nous pouvons également parler d’un autre registre du transfert que l’on peut appeler supplétif. Ce transfert de suppléance constitue un espace intermédiaire, que d’autres peuvent appeler « psychopathologie participative ou progressive », où le symptôme du patient se connecte avec les noyaux ou les espaces psychotiques qui peuvent exister chez l’analyste.

D’autre part, puisque le psychotique est le dépositaire ou l’héritier d’une haine qui s’est transmise, en cascade, de génération en génération et qui a besoin de s’exprimer autrement que par le circuit fermé du symptôme, nous pouvons parler aussi de deux modes de la présence du symptôme psychotique. D’abord, il y a un mode pathologique dans le sens où, même si le symptôme sert évidemment à tenir dans le monde, il enferme la haine inter-générationnelle. Ensuite, il y a cependant une autre version du symptôme, une sorte de version intersubjective possible, grâce par exemple au travail effectué par et dans la psychothérapie ou parfois grâce à l’acte de création (artistique ou autre), où le symptôme est sous transfert. Cette deuxième version implique que la haine du sujet se connecte avec la part haineuse, inconsciente, agressive et même parfois non-élaborée, ou non-symbolisée, de l’analyste.

Car, pour être élaborée, la haine contenue dans le symptôme pathologique a besoin de circuler au travers d’une relation intersubjective, forcément sous transfert. Et c’est à cela que peut servir l’analyste entre autres. Autrement dit, c’est grâce à la présence de l’analyste et surtout grâce à la présence d’une part psychotique chez l’analyste, que la pulsion de destruction contenue dans le symptôme psychotique, peut trouver une élaboration symbolique minimale. Ceci, par le moyen du jeu dialectique possible dans cette relation.

Précisons qu’avoir un vécu névrotique ou normal de ces espaces psychotiques ne veut pas dire être psychotique. Mais accepter ce vécu en nous peut nous permettre d’aider le patient à accorder le vide de sens d’un événement donné avec des représentations symboliques qui lui seraient adéquates, c’est-à-dire des représentations artistiques, existentielles, philosophiques, techniques, professionnelles, amoureuses…, selon la spécificité de son cas et les traits de sa personnalité.

Posé de cette façon, le transfert supplétif irait dans le sens contraire de la formation des facteurs blancs dans le vécu psychotique. Et ces symboles nouveaux supra-représentés, là où il y avait autrefois le vide des facteurs blancs, constituera pour le patient le matériel nécessaire pour la construction de suppléances efficaces à sa pathologie.

German ARCE ROSS. Paris, 2011.

Notes

1. BENEDETTI, G. La Mort dans l’âme. Psychothérapie de la schizophrénie : existence et transfert (1980). ERES, Ramonville Saint-Agne, 1995.

2. LITTLE, M. « On Delusional Transference (Transference Psychosis) », in : International Journal of Psycho-Analysis, n°. 39, 1958, pp. 134-138. Cf. aussi, ROSENFELD, H., « Notes on the Psycho-Analysis of the Superego Conflict of an Acute Schizophrenic Patient », in : International Journal of Psycho-Analysis, n° 33, 1952, pp. 111-131 ; et : SEARLES, H., « La Psychose de transfert dans la psychothérapie de la schizophrénie chronique » (1963), in : L’Effort pour rendre l’autre fou. Gallimard, Paris, 1965, pp. 363-426.

3. ARCE ROSS, G. Manie, mélancolie et facteurs blancs. Beauchesne, Paris, 2009.

4. FEDERN, P., La Psychologie du moi et les psychoses (1952). PUF, Paris, 1979.

5. ARCE ROSS, G. La Fuite des événements. Huit Intérieur Publications, Paris, à paraître.

6. EY, H. « Étude n° 21 : La Manie », Études psychiatriques. Structure des psychoses aiguës et déstructuration de la conscience. Desclée de Brouwer, Paris, 1954, Vol. III.

7. ARCE ROSS, G. « Syndrome de Cotard et fuite des idées », L’Évolution psychiatrique, vol. 70, n° 1. Elsevier, Paris, 2005, pp. 161-176.

8. ARCE ROSS, G. « Mélancolie et processus de création », in : ATTIGUI, Patricia. L’Art et le soin. Cliniques actuelles – Peinture, sculpture, théâtre, chant, littérature. De Boeck, Paris, 2011, pp. 41-54.

9. RADO, S. « The Problem of Melancholia », in : International Journal of Psycho-Analysis, n° 9, 1928, pp. 420-438.

10. BENEDETTI, G. La Folie en partage. De l’engagement thérapeutique dans la clinique des psychoses (2008). ERES,  Toulouse, 2011.

Bibliographie

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BENEDETTI, G. La Mort dans l’âme. Psychothérapie de la schizophrénie : existence et transfert (1980). ERES,  Ramonville Saint-Agne, 1995

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German ARCE ROSS. Paris, 2011.

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