German ARCE ROSS. Paris, 1994.
Pré-rapport pour la VIIIème Rencontre Internationale du Champ Freudien : « La Conclusion de la cure. Variété clinique de la sortie d’analyse », Paris, 1994.
Référence bibliographique : ARCE ROSS, German, « Le Transfert à la fin de l’analyse » [1994], Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2012.
Nous pouvons considérer la fin de l’analyse comme une période où au moins deux moments logiques se suivent : un premier, où il y a chute de l’objet a (perte de l’objet perdu, si l’on peut dire), et un deuxième, où il doit se réaliser une opération de deuil de cette perte. Entre les deux, il doit exister forcément un pont, un passage, un moment intermédiaire qui s’appelle la passe, entendue dans le sens de passe clinique.
Peut-on considérer la passe comme un moment intermédiaire entre l’avènement du désir qui suit la perte —fausse fin de l’analyse— et l’instauration d’une opération créatrice qui supplée la perte de jouissance ? Si cela est recevable, rester au niveau du premier moment voudrait dire constituer la base d’un précipité du désir de savoir avec des phénomènes mixtes de dépression et d’enthousiasme. Si l’on passe au-delà, l’on trouverait un moment de sublimation créatrice. Et entre les deux, la passe.
Seulement, les vecteurs résultant du coin quart, ou hile, à savoir la répétition, la hâte et surtout la sublimation, peuvent nous poser quelques difficultés conceptuelles, car il y a comme une évocation de l’idéal sublimatoire adaptatif de H. Hartmann[1] qu’il faudrait évacuer ou prévenir. Le postulat des anna-freudiens à propos d’une fin d’analyse standardisée repose sur la sublimation idéalisante qui représente le moteur de l’adaptation à la réalité sociale[2]. Ils font de la sublimation un moyen de l’adaptation par voie d’identification au moi idéal de l’analyste.
Or, lorsque Lacan prône que l’impossible du rapport sexuel « ne peut se résoudre qu’en manière de sublimation »[3], il vise une autre forme de sublimation, celle créatrice, où il ne s’agit pas de s’y faire à la réalité sociale mais d’acquérir un savoir y faire avec le réel de la structure. Il s’agit donc de viser une conduite nouvelle, un style nouveau du sujet vis-à-vis des trois dimensions de l’impossible : dans le sexe, dans le sens et dans la signification[4].
L’insertion du sujet dans le réel, opération dont la passe peut donner l’enseignement, se réalise par une sublimation qui ne peut pas non plus être celle qui se supporte d’une identification. Dans la névrose, et même dans la psychose, nous trouvons cette relation entre sublimation et identification. Par exemple, la condition de la sublimation mélancolique suppose une double identification : identification à l’élément signifiant pur et identification à l’objet a sous la modalité du déchet[5]. La solution sublimatoire lacanienne pour l’issue du transfert ne peut pas se soutenir d’une identification, au moins sur les formes que l’on vient de décrire, elle se soutient au contraire d’une opération zéro (le nihil du sujet-supposé-savoir), laquelle pourrait être comprise comme étant résultante d’une double séparation identificatoire (désidentification) due à la chute de l’objet a et à la disjonction d’avec -phi (d’avec S1). Nous trouvons ici une issue opposée à celle qui serait en jeu dans la mélancolie.
La sublimation créatrice serait ainsi une voie d’insertion du sujet au réel par le moyen, non d’une adaptation ni d’une identification à l’analyste, mais d’une déposition de savoir, selon le terme de J.-C. Razavet, où le transfert de travail résulte d’un il n’y a pas de transfert du transfert[6]. Mais pour cela, il faut que logiquement les versants de la connexion signifiant-jouissance et de la conexion objet a-vérité, soient redoublés respectivement par les opérations de la répétition et de la hâte.
Sur la répétition il faudrait dire que ce terme peut nous sembler difficile à articuler ici, car d’habitude il a plutôt un sens péjoratif. Toutefois, il faudrait le prendre en tant que perte, voire déperdition, de jouissance[7], où par l’acte la répétition « se fait l’immixtion de la différence apportée dans le signifiant »[8]. Cela répond donc à l’opération de l’aliénation qui dit qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre.
Quant à la hâte, cela nous évoque une libération d’avec l’objet a et, donc, à ce qui laisse le terrain dégagé pour l’avènement de l’enthousiasme. Là, où enfin un savoir se dessine sur le fait qu’il n’y a pas de vrai sur le vrai.
Ainsi, nous pourrions articuler les termes de sublimation, hâte et répétition, respectivement, comme étant des réponses aux trois registres de l’impossible : la sublimation comme la suppléance à l’impossible du rapport sexuel, hâte comme celle qui répond au manque de signification, et la répétition comme l’acte qui diffère la manque de sens.
German ARCE ROSS. Paris, 1994
Notes
1. HARTMANN, H., La Psychologie du moi et le problème de l’adaptation. PUF, Paris, 1968.
2. FREUD, Anna, Le Traitement psychanalytique des enfants. PUF, Paris, 1951. Et : HARTMANN, KRIS et LOEWESNTEIN, Scritti di psicologia psicoanalitica. Boringhieri, Torino, 1978.
3. LACAN, J., « Comptes rendus d’enseignement », ORNICAR ?, 29. Navarin, Paris, 1984, p. 16.
4. LACAN, J., « L’Etourdit », Scilicet, 4. Seuil, Paris, 1973, p. 44.
5. COTTET, S., « L’Ombre de l’objet et la mélancolie », Le Sujet dans la psychose. Paranoïa et mélancolie. Z’Editions, Nice, p. 51
6. RAZAVET, J.-C., De Freud à Lacan. Du roc de la castration au roc de la structure. De Boeck, Bruxelles, 2008.
7. LACAN, J., L’Envers de la Psychanalyse, Séminaire XVII, pp. 51, 89, 151.
8. Op. cit., LACAN, « Comptes rendus », p. 15.
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