German ARCE ROSS, le 18 septembre 2021

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Transsexions et détranssexions », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. Psychanalyse Video Blog.com, Paris, 2021

Transsexions et détranssexions

Depuis quelques décennies, nous sommes confrontés à une psychiatrie dominée, d’un côté, par le neuroscientisme, à savoir par la croyance en l’étiologie neurologique des troubles mentaux. Également, d’un autre côté, presque en parallèle a fait irruption un autre fanatisme que j’appelle  du terme de genrisme que j’utilise pour me référer à ce qui est convenu d’appeler la théorie du genre ou l’idéologie du genre (Arce Ross, 2016a). Nous assistons à la présence de cette double dégradation idéologique du champ psychiatrique dans une large partie de la psychologie universitaire et même, ce qui est ahurissant, dans un certain secteur de la psychanalyse.

Une partie de ce secteur de la psychanalyse est à proprement parler post-lacanienne et tente même de rendre « queer » le champ freudien (Cavanagh, 2019 ; Richards, 2019 ; Watson, 2019). Elle tente de réinterpréter « le dernier enseignement de Lacan » à l’ombre de l’intégration ou du syncrétisme entre, d’une part, une doctrine fallacieusement réductrice de Lacan à la théorie du genre et, d’autre part, a) les neurosciences (Magistretti & Ansermet, 2010 ; Dimitriadis, 2013), b) le genrisme (David-Menard, 2009 ; Alfandary, 2016 ; Ayouch, 2017) voire même c) les neurosciences et le genrisme conjugués (Fichard-Carroll, 2014 ; Gardey & Vuile, 2018 ; Ansermet & Meseguer, 2020). 

En général, sans se l’avouer, ces psychanalystes post-lacaniens se sont coupés des deux premiers segments de l’enseignement lacanien tout en réinterprétant le dernier selon la vision des idéologues genristes et parfois aussi des théories neuroscientistes. Les représentants de cette psychanalyse tant non-lacanienne que post-lacanienne peuvent donc être appelés syncrétiques.

Ce serait apparemment tentant de considérer que les dogmes neuroscientistes, ou cognitivo-comportementaux, donnant la primauté à la biologie sur la psychologie ou sur la sociologie, et les doctrines genristes, proposant exactement l’inverse, seraient contraires en tout. Toutefois, en vérité, ces deux idéologies, indépendamment ou mutuellement, ont au moins en commun le fait qu’elles s’opposent vigoureusement à l’étiologie freudienne et à la psychogénie lacanienne. La raison est que la cause psychique selon la psychanalyse, depuis Freud jusqu’à Lacan, ne se situe ni dans le biologique, ou dans l’organique, comme le conçoit le neuroscientisme, ni dans le social, le culturel ou le comportemental, comme le veut le genrisme. Bien au contraire, la véritable cause freudienne et la psychogénie lacanienne rejettent toutes les deux cette dualité inopérante.

Nous voulons étudier ici l’une des modalités de la jouissance identitaire et son traitement par les programmes technologiques, soi-disant « thérapeutiques », de conversion identitaire. Ces programmes, ou leurs équivalents idéologiques, sont proposés aux transidentitaires en général et plus particulièrement aux sujets transsexuels. Malheureusement, de telles techniques sont néfastes pour ces patients — qu’ils soient transanimalistes, transbébés, fétichistes de couches, sadomasochistes aux tatouages brutaux, transextraterrestres, transracialistes, transsexuels, fétichistes des chirurgies esthétiques, etc. — pour les raisons que nous allons évoquer et parce qu’ils sont les principales victimes de ces manipulations idéologiques, sociales, comportementales, biologiques et corporelles parfois irréversibles.

Nous sommes convaincus que la psychopathologie des patients transidentitaires, dont les transsexuels, requière une aide psychanalytique, mais évidemment pas celle proposée par les technothérapies genristes de conversion identitaire. C’est à ce propos que nous allons évoquer ce que j’appelle la transsexion et la détranssexion.

La Psychopathologie transidentitaire

Le Transanimalisme

Les exemples cliniques qui montrent une psychiatrie et une psychologie dominées par les spectres du genrisme — en alliance avec l’étiologie organo-mécanique ou même avec celle organo-dynamique appartenant au neuroscientisme actuel — ont commencé, comme l’on sait, lors des années 1950 mais se sont répandus de façon exponentielle à partir du début du XXIème siècle. 

Nous pouvons nous référer à quelques courts exemples, dont voici un cas très actuel de transanimalisme. « Une femme de 54 ans a souffert du délire selon lequel elle est une poule pendant 24 heures. Cette maladie très rare, connue sous le nom de zoanthropie, dans laquelle les gens pensent être un animal n’est souvent pas reconnue, affirment les chercheurs de l’Université de Louvain » (Verschelde, 2020). « Cliniquement, nous avons vu une dame qui transpirait abondamment, tremblait, faisait exploser ses joues et semblait imiter une poule, tout en émettant des bruits comme des gloussements, en caquetant et en gazouillant comme une poule » (Beckers, Buggenhout & Vrieze, 2020).

Ces « délires d’identité », comme ils l’appellent — ce que je considère plutôt comme étant des phénomènes para-fantasmatiques et pré-délirants de la jouissance identitaire —, seraient accompagnés d’une fluctuation de la conscience et d’une désorientation dans le temps et dans l’espace. Et voici comment ils expliquent cette question. « La zoanthropie peut inclure des personnes qui se croient être ou se comportent comme n’importe quel type d’animal : chien, lion, tigre, crocodile, serpent ou abeille. […] Ce délire peut être le signe d’un trouble psychiatrique sous-jacent ou être secondaire à des anomalies structurelles ou fonctionnelles du cerveau » (Beckers, Buggenhout & Vrieze, 2020).Et du coup, ils se mettent à chercher l’origine de ce symptôme psychotisant avec l’imagerie cérébrale, sans se poser le moins du monde la question d’une possible origine strictement psychique. Mais, quel serait le lien de ces cas avec le genrisme ? 

Nous avons ici, tout d’abord, le phénomène identitaire dans toute sa splendeur, à savoir le phénomène, fulgurant ou permanent, d’adhérence psychique à une autre identité que celle du sujet. Le sujet n’est pas persécuté, n’éprouve aucune hypocondrie délirante, ne souffre d’aucune irruption du corps fragmenté, n’a pas d’hallucinations et même la question du délire proprement psychotique serait à discuter. Cependant, il semble se construire une autre identité. Il y a ensuite la négation de l’identité propre et notamment du réel du corps et du sexe, ce qui évidemment rapprocherait ce cas, comme le font justement ces auteurs, du syndrome de Cotard. La négation de l’identité est un élément important qu’il faudrait étudier pour établir les similitudes et les différences des phénomènes de la jouissance identitaire vis-à-vis du délire des négations. Enfin, il y a la prise en compte du symptôme comme une nouvelle identité à coller au sujet au lieu de l’aider à surmonter ces phénomènes.

Cette dernière caractéristique ne me semble pas vraiment animer les psychiatres qui présentent spécifiquement ce cas. Mais, par les temps qui courent, il ne serait pas étonnant de voir quelques autres psychiatres, médecins chirurgiens, psychologues TCC et même des psychanalystes syncrétiques proposer un programme médical, juridique et psychique capable d’apporter à cette patiente une conversion de son identité de femme en une nouvelle identité de poule. Évidemment que ce serait ridicule et pathétique que l’on propose à cette femme une opération pour qu’elle ressemble à une poule et que l’on change sa carte d’identité en indiquant que son nouveau état civil  genriste serait « poule ». Et pourtant c’est ce que la psychiatrie dominée par le genrisme pose, défend et tente de mettre à exécution.

Nous pouvons également évoquer un autre cas très actuel de ce que nous pouvons appeler le transanimalisme identitaire, un cas qui effectue des modifications cosmétiques du propre corps pour nier son aspect et le fondre dans une apparence animaliste.

Jenya Bolotov, un Russe de 32 ans, a étiré progressivement sa lèvre, millimètre par millimètre,  jusqu’à deux centimètres de son visage. Son but avoué est de ressembler à un ornithorynque et, avec cet objectif, il utilise des lentilles de contact noires et des multiples piercings autour de son nez et sur les sourcils. Selon ses propres mots, il n’y a pas de doute sur la volonté identitaire qui l’anime depuis ses 18 ans et dont la conscience des transformations corporelles volontaires lui est venu, à ses 10 ans, en regardant des piercings chez les autres. Il en témoigne. « Extérieurement, je suis maintenant un ornithorynque. Ma ressemblance est celle que je veux avoir. Il faut du courage pour faire ce que j’ai fait et je vais continuer à modifier mon corps jusqu’à en être heureux » (JeGalère, 2014).

Pour parvenir à modifier les huit parties de son visage, à savoir les lobes des oreilles, les narines, la cloison nasale et les lèvres supérieure et inférieure, selon une émulation intentionnelle de l’animal australien, il a passé pas moins de sept ans (Gayle, 2014). Et il s’estime satisfait de son forfait : « toutes les modifications que j’ai apportées à mon corps me font me sentir entier. C’est ce que je suis maintenant. C’est ce que j’ai toujours voulu être ». Et en effet, nous sommes bien-là devant une pathologie du vouloir être, du vouloir paraître, une pathologie de l’identitaire. Ce qu’il veut changer c’est surtout son apparence, comme si elle avait le pouvoir de lui procurer un apaisement intérieur : « j’adore les ornithorynques, leur apparence et même le mot “ornithorynque” lui-même. J’aime la façon dont mon visage et mes lèvres étirées ressemblent maintenant à un bec d’ornithorynque » (Gayle, 2014).

Il ne va pas sans dire que la question du transanimalisme identitaire est contagieuse. Le mimétisme, la contagion mentale, l’identification hystérique, l’adhérence idéologique parfois fanatique font partie intégrante de la panoplie sociale de l’existence identitaire : « certaines personnes m’ont écrit pour me dire qu’elles souhaitaient pouvoir changer de corps comme moi » (Gayle, 2014). Si pendant son enfance, Jenya Bolotov avait été un garçon extrêmement solitaire, timide et se sentait étranger ou extérieur au monde qui l’entourait, aujourd’hui, grâce à ses transformations corporelles cosmétiques et à la contagion identitaire qui s’ensuit, il a créé un monde virtuel et sociétal autour de sa nouvelle image corporelle. Sauf que cette construction identitaire et donc factice, virtuelle, mensongère, repose sur une négation radicale de son être en tant qu’homme et en tant qu’humain.

Le Fétichisme des couches chez les bébés adultes

Un autre exemple qui se rapproche encore plus de la collusion entre la psychiatrie neuroscientiste et la sociopsychologie genriste est celui des membres de la Communauté des bébés adultes “amoureux” des couches pour bébés (Adult Baby Diaper Lover ou ABDL), que je propose d’appeler Bébés adultes fétichistes de couches (ou BAFC en français). 

Notons ici que, normalement, il faudrait traduire le terme d’adult baby par bébé adulte. Mais il me semble que le terme est déjà mal agencé en anglais, car il ne s’agit pas de bébés qui feraient comme des adultesmais bien des adultes jouant le bébé. Le terme déjà en anglais devrait donc être baby adult car la prééminence linguistique se trouverait dans le deuxième terme. Si le terme baby adult dirait logiquement mieux l’enjeu de cette pathologie, alors la traduction en français devrait être adulte bébé. Cependant, comme tous les observateurs utilisent en français le terme bébés adultes, nous gardons cette traduction. 

En vérité, il s’agit de deux communautés différentes, celle des Bébés adultes (BA) et celle des Fétichistes de couches pour bébés (DL en anglais ou FC en français), lesquelles s’organisent parfois en une seule, à savoir les patients BAFC (ou ABDL en anglais). C’est le cas de Damien Turner, un homme de 28 ans, croyant fermement avoir une identité de bébé, portant des couches pour bébé toute la journée et qui « dit avoir du mal à trouver un emploi car les employeurs n’aiment pas qu’il porte des couches au travail » (Sharman, 2020). Comme les autres membres de sa « communauté », si Damien Turner se comporte tout le temps comme un petit enfant c’est parce qu’il considère « qu’agir comme un bébé dégagerait une ambiance relaxante, sûre et très calme » (Sharman, 2020). En effet, l’important de sa posture devant le monde est qu’il n’a plus le sentiment des responsabilités ni les soucis ou l’anxiété de la vie adulte. Selon lui, ces habitudes, qui ont commencé lors de son adolescence, sont à prendre comme une norme différente des autres normes, rien de plus. Sauf que si ses parents le soutiennent encore dans cette démarche, c’est parce qu’il leur aurait fait croire qu’il souffre d’incontinence. Ce qui veut dire que lui-même se rend compte que ses attitudes infantiles reposent sur un mensonge et sur une fuite puérile de la vie adulte.

Nous pouvons aussi faire référence au cas d’Alex Davis qui est un autre sujet BAFC. « Il est excité par l’expérience de porter des couches, toutes sortes de couches, mais surtout des couches pour bébés pour la plupart sales » (Investigation Discovery, 2018). Alex Davis nous apprend que les membres de la communauté fétichiste et identitaire BAFC, lesquels ne communiquent qu’en ligne, « sont gays, transsexuels, parfois des nerds ou des jocks » (Investigation Discovery, 2018). Les jocks sont des hommes musclés, fanatiques de la gym ou de l’athlétisme, et qui ont souvent une sexualité déviante ou manquant paradoxalement de virilité.

Ce jeune homme était tellement dépendant du fétichisme identitaire qu’il en est venu à s’intéresser de trop près aux couches sales. Poussé par ses pulsions incontrôlées, il sortait la nuit, chercher dans les poubelles de son quartier les éventuelles couches sales des bébés du voisinage pour les récupérer, les adapter à sa taille et ensuite les porter. Il a continué à enrichir ses collections malgré un passage en garde à vue, à la suite d’une plainte des voisins. C’est alors que, devant la recrudescence du paroxysme jouissif, sa compulsion extrême de couches sales est devenue impossible à supporter et, au bon milieu de la nuit, il s’est introduit dans une maison où il savait que des tout petit enfants portaient des couches. Il a cherché dans plusieurs endroits de la maison jusqu’à ce que le père des enfants le découvre. Arrivée sur place, la police a constaté que son sac était rempli de couches sales. Pourtant, six mois plus tard, il a récidivé et a alors été emprisonné quelque temps.

L’important des histoires de Damien Turner et d’Alex Davis tient en trois points. Le premier est de comprendre que leur fétichisme identitaire s’est cristallisé autour du fantasme d’être déshabillé par une personne spéciale à laquelle ils ne pourraient aimer et désirer qu’à cette condition. Le deuxième concerne le fait que ce fétichisme ne s’arrête pas à une activité sexuelle fantasmatique ou réelle, mais qu’il devient pour eux un mode d’être à part entière, comme si le fétichisme cessait d’être une pathologie en devenant une autre identité apparemment normale. Le troisième est que les sujets dépendants de ce fétichisme identitaire tendent inévitablement à se constituer en communauté pour faire reconnaître à la société entière cette perversion comme s’il s’agissait d’une autre normalité. Nous voyons bien que ce qui a été d’abord un fantasme prend le chemin d’une création paraphilique et para-fantasmatique. Bien plus que des simples jeunes adultes, ces sujets deviennent alors des bébés adultes fétichistes de couches, une nouvelle existence identitaire car en communauté reconnue.

Nous constatons dans ces cas que la psychopathologie du fétichisme en tant que perversion existe toujours sauf qu’elle se présente désormais combinée avec une nouvelle psychopathologie, la jouissance identitaire. Comme le communautarisme et le déclin des valeurs de civilisation, la jouissance identitaire semble être un produit dérivé de la conjonction entre, d’un côté, la mondialisation du monde néolibéral et technocratique et, d’un autre côté, l’idéologie genriste progressant depuis les théories délirantes de John Money. Cette conjonction contemporaine donne une autre tonalité tout en produisant de pathologies nouvelles.

La psychologue Kaitlyn Hawkinson et le psychiatre Brian Zamboni ont effectué une étude descriptive en interrogeant 1.795 hommes et 139 femmes membres de la communauté ABDL, que je rappelle avoir proposé d’appeler en français par le terme de Bébés adultes fétichistes de couches (BAFC). Ils voulaient savoir si le comportement BAFC pouvait être associé aux troubles de l’humeur, aux dysfonctions des relations parentales et aux modes négatifs de l’attachement affectif en général. Ils ont notamment étudié les différences possibles entre, d’une part, un simple mimétisme lié aux jeux de rôle, c’est-à-dire, une sorte de contagion hystérique et, d’autre part, ceux « principalement intéressés par l’excitation sexuelle dans leur comportement BAFC » (Hawkinson & Zamboni, 2014). 

Comme nous pouvons le constater, le traitement qu’ils font de leurs résultats purement statistiques est édifiant en termes de saturation idéologique. Selon cette psychologue et ce psychiatre, leurs résultats montrent que la question du jeu des rôles est vraiment modeste. Et ils affirment — comme l’on pouvait s’y attendre, y compris en maniant uniquement des données purement statistiques — que « les aspects sexuels de leurs pratiques » (surtout chez les hommes) et leur caractère de « domination aussi bien chez les hommes que chez les femmes BAFC était important ». Évidemment ! On dirait qu’ils découvrent la lune.

Cependant, le véritable problème de ces chercheurs et autres cliniciens neuroscientistes c’est qu’ils semblent volontairement combiner une théorie comportementale et biologiste des questions sexuelles avec l’idéologie genriste. On peut dire cela puisqu’ils concluent que les cas présentés ici se sentent tout à fait « à l’aise avec leur comportement BAFC et n’ont signalé que peu de problèmes ». Et ils ferment toute possibilité de discussion en affirmant que « le comportement BAFC peut représenter une sous-culture sexuelle qui n’est pas problématique pour la plupart de ses participants » (Hawkinson & Zamboni, 2014). C’est-à-dire que, pour ces chercheurs neuroscientistes comme pour les universitaires genristes en psychologie, les patients identitaires BAFC n’appartiennent pas à la psychopathologie mais constituent à peine une « sous-culture », une communauté spécifique dans le lien social, une identité de plus dans le supposé très large spectre de la normalité. Par ce biais, la jouissance identitaire devient sans doute paradoxalement une psychopathologie de la normalité, en ce sens que la psychopathologie tente de se travestir en normalité.

Il est plus qu’évident que, faute d’une formation en psychanalyse, ces théoriciens passent à côté des motions sexuelles inconscientes et macropsychiques comme le resurgissement des perversions en lien avec le déclin des figures paternelle et maternelle. Et ils ne perçoivent pas le rapport qui peut exister entre l’émergence de ces nouvelles perversions, sous leur forme sociétale, et l’expansion de l’idéologie genriste dans les universités, les institutions d’État et les pratiques cliniques.

En revanche, il y a une étude un peu plus intéressante, bien qu’encore apparemment non clinique et seulement statistique, concernant des sujets BAFC qui communiquent en ligne. L’hypothèse a été émise selon laquelle « les phénomènes BAFC étaient associés à une inadaptation psychologique générale et à une expérience de rejet parental pendant l’enfance. On a également supposé qu’il y aurait des différences dans les profils BAFC en fonction de l’âge d’apparition de leurs premiers fantasmes » (Lasala, Paparo, Senese & Perrella, 2020). Partant de ces constats et suppositions, ces derniers ont compris que les phénomènes BAFC peuvent être associés à l’énurésie et à des états d’humeur négatifs. Plus précisément, « des types spécifiques de modes parentaux, de traits d’anxiété et d’énurésie semblent être la source des intérêts BAFC » lesquels troubles semblent aussi, selon ces auteurs, « assumer des fonctions et des significations différentes » (Lasala, Paparo, Senese & Perrella, 2020).

Cette dernière étude est déjà un peu plus consistante que les antérieures, mais le problème de ces recherches quantitatives et non cliniques est qu’elles manquent de relief concernant l’explication dynamique des phénomènes étudiés.

Les Transracialistes

Il n’y a pas que la notion loufoque des genres qui a émergé, en termes macropsychiques, pour remplacer l’ancienne socioidéologie des classes sociales. Nous voyons aussi refaire irruption la notion de races malgré qu’il était convenu de considérer que les races n’existent pas. Qu’à cela ne tienne, le phénomène identitaire s’approprie sans gêne de tout élément susceptible de favoriser la création d’identités factices pour les imposer à la jouissance collective de devenir et d’être apparemment Autre. Le phénomène macropsychique de notre époque transite ainsi par le biais des identités factices (classistes, genristes, racialistes) pour se constituer en un totalitarisme de la jouissance identitaire. De là naît la jouissance racialiste qui trouve son climax identitaire chez le sujet transracialiste.

Comme il nous semble que les totalitarismes ont leurs sources macropsychiques dans un traitement violent de la sexualité, le nouveau totalitarisme qui s’annonce comporte également le lien entre sexualité et violence mais avec une caractéristique inédite. Le nouveau totalitarisme serait non seulement classiste, par une croyance renouvelée en les classes sociales, non seulement genriste, par une croyance en l’existence de genres venant remplacer idéologiquement le sexe, mais également raciste, ou plutôt racialiste, par le fait que la notion de race est utilisée à nouveau pour discriminer un groupe de gens. Classes, genres et races seraient désormais les alliés de la nouvelle conjonction genriste entre violence et sexualité s’imposant aux populations occidentales comme des impératifs catégoriques de jouissance.

C’est ainsi que quelques sujets adhérant aux nouvelles formes de jouissance identitaire comme le racialisme viennent à développer le transracialisme, lequel est à entendre comme une puissante tentative de conversion identitaire. Si le racialisme propose de pouvoir choisir sa race en tant que nouvelle valeur sociétale, à condition qu’il ne s’agisse surtout pas de la race blanche, le transracialisme équivaut à nier sa propre race pour en adopter les caractères apparents d’une autre forcément non-blanche. À ce propos, nous pouvons faire référence aux cas de Rachel Dolezal, qui étant blanche se conçoit comme noire, et d’Oli London, qui étant également blanc s’obstine à ce qu’on le prenne pour un Coréen.

Nous savons qu’il y a quelques années « la notion de race fit à nouveau trembler l’Amérique du Nord, pour coloniser ensuite ce côté-ci de l’Atlantique. C’est ainsi qu’une Américaine blanche aux cheveux bouclés dénommée Rachel Dolezal, tenta, elle aussi, d’accéder à la postérité. Elle eut son heure de gloire du seul fait d’avoir fait croire à tout le monde pendant des années qu’elle était noire. “Je suis transracialiste”, plastronna-t-elle alors sur le plateau du Today show de NBC. Et d’ajouter qu’elle n’était “certainement pas blanche. Rien de ce que se réfère aux Blancs ne décrit ce que je suis” » (Brunet, 2021).

De son côté, après avoir eu recours à dix-huit chirurgies esthétiques en huit ans pour ressembler à un Coréen alors qu’il est blanc, Oli London affirme : « je me sens beau et bien pour la première fois de ma vie puisque j’ai eu le courage d’aller jusqu’au bout de ma transition raciale et j’en suis heureux. Je ressemble à un Coréen, je me sens Coréen, j’ai vécu en Corée, je parle la langue. Ne me qualifiez pas d’Anglais car je ne me sens pas Anglais […] Si vous ne saviez pas qui j’étais, vous penseriez juste que je suis un Coréen non binaire ! » (Oli London, 2021). Voilà l’élément proprement transidentitaire : cet homme serait devenu « un Coréen non binaire » ! La non binarité idéologique implique, ici comme ailleurs, que le sujet se situe en dehors de toute dialectique possible. Rien ne pourrait être opposé à son parafantasme : il est ce qu’il est devenu en sortant de toute dialectique possible vis-à-vis du non-être et du manque-à-être. Le racialisme genriste présente d’ailleurs la substance idéologique du discours raciste dont les national-socialistes sont devenus les précurseurs : « ma race est supérieure à toute autre parce que je le ressens de cette façon et aucun argument ne peut être opposé à ce sentiment ».

Dans les questions transidentitaires et plus précisément transracialistes, le problème, évidemment, n’est pas l’envie d’être autre chose que l’on est, comme par exemple vouloir être noir alors que l’on est blanc. Vouloir être autre chose que l’on a ou que l’on est déjà peut lancer un sujet dans la voie du progrès. C’est le cas des projections désirantes, parfois ambitieuses, de devenir quelqu’un d’important, un professionnel qui réussit, un artiste accompli, un sportif de haut niveau ou un bon père de famille. Le grand problème qui se pose pour le genrisme transidentitaire est que ce devenir quelqu’un d’Autre ne s’effectue plus dans les actions, les performances, les attitudes, les connaissances ou les savoirs acquis de l’expérience mais bien plutôt dans l’être lui-même, ce qui est évidemment impossible. En outre, le devenir un Autre être, dans le genrisme transidentitaire,  implique uniquement une modification de l’apparence et de la présentation personnelles au niveau physiologique ou anatomique. Si l’on est occidental et blanc, on peut devenir Coréen ou Japonais, on peut aimer la langue coréenne ou japonaise, on peut s’intégrer à ces cultures et, sous certaines conditions, accéder à la nationalité coréenne ou japonaise, mais cela ne veut pas dire que l’on aille jusqu’à modifier par chirurgie le propre corps pour ressembler anatomiquement aux Coréens ou aux Japonais. La jouissance transracialiste met le corps humain à la place de la modification symbolique que l’on serait en mesure d’attendre d’une telle transculturation. En effet, la transculturation se fait au niveau de la culture, du lien social et, au-delà, du lien de civilisation et non pas au niveau d’une conversion apparente du corps réel. 

Si Monsieur Oli London s’identifie avec un Coréen, son identification ne devrait pas l’obliger à convertir son corps réel en une apparence asiatique tout à fait factice. Le drame de la jouissance identitaire est de faire passer la question de l’identité et de l’identification au niveau du réel du corps.

Les Tatoués brutaux et les transextraterrestres

Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, la sexualité déborde sur l’homme occidental, se retirant comme une marée descendante avant un tsunami le poussant vers une haine identitaire contre soi, contre son corps, contre sa peau, contre son identité, contre son sexe. Comme si tout ceci devait subir une castration réelle aussi bien qu’une substitution par des identités multiples, toutes factices. Et nous voici devant un véritable suicide civilisationnel de l’humanité mondialisée.

C’est alors que quelques êtres fragiles ou très sensibles à la nouvelle psychopathologie de la jouissance s’engouffrent dans les multiples possibilités de conversion identitaire. Nous avons ainsi de sujets qui développent le sentiment identitaire d’être des extraterrestres, d’appartenir à un autre monde qui, comme dans le transanimalisme, dans le transracialisme ou dans le transsexualisme, serait incompatible avec ce qu’ils sont réellement. Ils se croient alors obligés de subir des processus de conversion identitaire pour rejoindre le semblant de ce qu’ils croient être sans pouvoir le devenir naturellement. Ils le font parfois au nom de l’art, mais toujours dans un acte désespéré de montrer le grotesque, la destruction, l’atteinte, l’attentat dans leur propre corps.

Nous savons qu’il y a certains « artistes » auto-proclamés et autres théoriciens de l’art qui considèrent sérieusement l’existence d’une esthétique de la guerre, de la destruction, des viols et même du terrorisme. Dans cette mouvance, il y a une minorité qui passe à l’acte « artistique » de destruction partielle du propre corps. Ils ne vont pas jusqu’au suicide, mais il n’est pas loin derrière l’automaltraitance. Actuellement, en France, il y a par exemple un jeune homme, Anthony Loffredo, qui depuis des années s’est lancé dans un processus esthétique de destruction délibérée des organes essentiels de son propre corps, tels que la peau, la langue, le nez, les oreilles, etc.

En effet, Anthony Loffredo, un Montpelliérain de 32 ans, « adepte de la modification corporelle extrême, a décidé très jeune [à l’âge de 26 ans] qu’il ne voulait pas ressembler aux autres » (Cambon, 2020). Son drame cependant est qu’il ne veut surtout pas ressembler à lui-même. Pour cela, il a réussi à trouver des médecins, suffisamment complaisants et dont les principes éthiques seraient à discuter, pour effectuer les opérations chirurgicales demandées. Ces atteintes médicales volontairement subies seraient nécessaires en vue d’obtenir une langue fendue, des yeux noirs (par l’injection d’encre), un visage et un corps presque entièrement tatoué, des implants sous-cutanés en silicone, l’ablation des oreilles et du nez, etc. (Cambon, 2020).

Chez Anthony Loffredo, la question identitaire est présente dans la mesure où son objectif est de ressembler à l’image à laquelle il s’identifie et qu’il en fait sa nouvelle identité, celle d’un être extraterrestre. Pour arriver à ses fins, il s’invente un projet soi-disant artistique qu’il appelle Black Alien Project lequel le porterait à faire de son corps une œuvre d’art permanente et irréversible. Ce projet pourrait sans problème être qualifié d’artistique à condition que l’artifice utilisé soit éphémère et évidemment sans affecter aussi sensiblement les organes vitaux de son corps. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Bien au contraire, il fait de son propre corps un véritable monstre vivant.

Le cas des monstres est de nous montrer — en ce sens que, selon une partie de son étymologie, le terme monstre veut justement dire « montrer » — que l’homme peut cesser d’être homme, même si par quelques biais il continue à le ressembler partiellement. Le monstre est l’au-delà de homme dans un double sens : il y a son côté trans, plus précisément trans-humain, et aussi son côté identitaire. Le transhumain est une nouvelle identité factice contraignant l’homme à devenir monstrueux. Mais, si nous ne sommes apparemment plus au Moyen Âge, quel usage pouvons-nous faire des monstres aujourd’hui ? À quels intérêts seraient-ils dévoués ? Qu’est-ce que l’on veut montrer par la transformation de l’apparence des vivants en créatures grotesques ? N’y a-t-il pas une raison idéologique là-dedans ? Ne faut-il pas considérer l’idéologie genriste et le transhumanisme neurocognitif comme deux résurgences monstrueuses du Moyen Âge aujourd’hui ? 

En effet, « on devine quel usage on peut faire du monstre [au Moyen Âge] : celui-ci peut devenir prétexte à divination (mais le Moyen Âge se méfie de cet art) et surtout figure de proue des combats idéologiques » (Kappler, 1978). Suivant cette idée, les monstres d’aujourd’hui seraient les armes politiques de la pensée hyper-moraliste des générations mondialisées, identitaires et « woke » dans la guerre idéologique qu’elles mènent contre les valeurs de la civilisation occidentale.

Le corps du monstre est un objet de sacrifice perverti, l’objet d’un art du sacrifice sataniste bien plus qu’une œuvre d’art pacifique ou pacifiante. C’est à ce modèle de corps qu’Anthony Lofredo semble vouloir approcher et ressembler. Il se fait ainsi un objet d’exhibition répulsive, grotesque, horrible, monstrueuse, qui paradoxalement fascine le regard anxieux du spectateur, dans la mesure où celui-ci demeure travaillé par les nuages gris de la violence relationnelle, de la destruction quotidienne et du progrès apocalyptique. « Suivie par plus de 140 000 personnes, [sa page Instagram] témoigne de l’intérêt que lui portent les adeptes de ces modifications. Il faut dire que l’homme n’en est pas à son coup d’essai. Auparavant, il a fait séparer sa langue en deux, s’est fait poser des implants sous-cutanés en silicone et a reçu des injections d’encre dans le blanc des yeux » (Demeure, 2020).

Plusieurs commentateurs situent le passage à l’acte d’Anthony Loffredo dans la mouvance du Brutal Black Tattoo, qui serait une sorte de mélange entre une monstration exhibitionniste, une souffrance sadomasochiste extrême et des véritables mutilations ou atteintes indélébiles au corps humain. Voici comment ce procédé extrêmement sadomasochiste est décrit. « Sur la table d’opération, c’est bien le cri sans fin d’un corps (é)tendu, sous l’incision féroce des aiguilles noyées d’encre, qui est étouffé par une volonté tenace d’affronter la douleur. Les yeux exorbités de l’homme (auto)mutilé pleurent cette encre noire qui mange sa peau à vif. Du sang bilieux suinte des ratures qui barrent méchamment son torse. Le corps semble vomir avec force cette encre qui veut par tous les moyens l’empreindre, mais l’homme résiste, car cette épreuve, il l’a choisie » (Coratte, 2020).

Sans aucun doute, la douleur et la destruction irréversible mais partiale du propre corps serait une composante appartenant à cet art de la torture volontaire. En effet, certains observateurs parlent du tatouage en général « comme viol de peau, générant une cicatrice, marque indélébile, signe d’écrasement de l’humain par un Maître tout-puissant. L’autoperception ou même la mémoire de cette forme imprimée (au sens où l’on a exercé une pression sur) peut alors réanimer des affects et souvenirs d’humiliation, de colère, de chagrin, d’horreur » (Estellon, 2004). Ceci va tout à fait dans le sens où moi-même je conçois les tatouages en général, à savoir comme des traces ou des cicatrices d’un vécu douloureux que l’on ne parvient pas à surmonter psychiquement et qui doivent s’imprimer sur l’enveloppe du corps tels des emblèmes témoigannt d’un statut de victime.

La violence et la brutalité des tatouages n’est jamais aussi sensible comme marque indélébile d’une véritable torture physique et psychique que dans le Brutal Black Tattoo. « La douleur passe avant l’esthétique. Rituel et renaissance sont à l’avant-garde de ce projet porté par Valerio Cancellier et Cammy Stewart. Ils prennent ceux qui sont assez courageux pour se faire tatouer par eux sur l’une des expériences les plus brutales que l’on puisse imaginer ; bien au-delà du seuil de la douleur pour créer une expérience entièrement nouvelle » (Vice, le 21 novembre 2017). Nous voyons ici que la douleur est non seulement un moyen de parvenir à exhiber un malheur imprimé sur la peau, mais elle devient également une fin en soi : il faut éprouver beaucoup de douleur pour naître Autre, dans le pur semblant, sur la haine intrinsèque et les ruines psychiques de soi. Les tatoués brutaux le savent très bien, mais également beaucoup de tatoués extrêmes ainsi que les femmes anorexiques ou boulimiques qui se cadaverisent en vomissant régulièrement.

Dans les pratiques brutales du tatouage noir ou équivalent — à savoir dans les pratiques violentes, très douloureuses, sanglantes et irrémédiables —, nous pouvons facilement percevoir qu’il est à l’œuvre une véritable jouissance identitaire. Dans le tatouage extrême, il s’agit de jouir de douleurs passées dans la construction d’une nouvelle identité factice, inhumaine, collant ou se superposant à la peau et représentant les violences psychiques et corporelles subies lors d’événements dramatiques ou tragiquement encore agissants.

En quelque sorte, les tatouages représentent les douleurs d’une peau qui, sans assimiler les leçons du passé, se rend définitivement victime de traces réelles mais recouvertes du faux, imprimées mais non symbolisées, indélébiles mais trop chargées d’une souffrance secrètement entretenue. Le sadomasochisme que le sujet a extrait comme résultat des ruines psychiques se situe désormais dans les tatouages qui le font semblant d’être un Autre jouissant dans la douleur du vécu subi. 

Les victimes sadomasochistes du Brutal Black Tattoo sont confrontées toute leur vie à une double composante de la négation et de la douleur. D’une part, il y a la douleur qui accompagne la négation permanente de ce que le sujet est depuis sa naissance et qu’il s’obstine à ne plus être. Et d’autre part, il y a la douleur produite par l’impossibilité d’être vraiment l’identité factice, secondaire et apparente que le sujet s’est construite et qu’il doit alimenter en permanence.  

La jouissance identitaire propre aux tatoués extrêmes est de parvenir à une exhibition permanente de la douleur et des ruines psychiques ayant accompli une renaissance factice du sujet dans un être monstrueux. Notons également qu’un tel procédé ressemble au traitement sadomasochiste des scarifications comme aussi bien à la cadaverisation anorexique. Il ne s’agit pas seulement de se faire du mal mais de garder et d’exposer en permanence la marque, la trace de la souffrance autodirigée pour en faire une jouissance de monstration identitaire.

Le Transsexualisme transextraterrestre

Nous vivons sans doute sous l’emprise d’une idéologie, d’un moralisme et d’une esthétique à caractère hispérique. À savoir que nous allons dans un sens pervers, à contrecourant de l’humain, dans la mesure où celui-ci, sa nature et sa corporéité semblent nous dégoûter profondément. En tout cas, certains préfèrent les animaux, l’obscurité, les choses inanimées, les marques de souffrance, les adultes encore bébés, le sexe impossible à appartenir, les êtres extraterrestres que l’on imagine paradoxalement à moitié monstrueux, à moitié anthropomorphes. 

L’esthétique hispérique dont parle Umberto Eco, en tant que perversion du goût ou en tant qu’inversion de la beauté en icônes de laideur, de cruauté et du grotesque, surgit surtout dans des périodes où l’on vit un climat de barbarie (Eco, sldd, 2007, 2011, p. 111). Partant de là, l’esthétique hispérique, qui, même sous sa forme spontanée, donne une plus-value à la représentation des monstres, implique une sorte de moralisation intrinsèque. Elle montre aux gens l’obscénité et l’épouvante des cycles de barbarie menant vers la cruauté, la destruction et la mort.

Aujourd’hui, malgré toutes les grandes violences, les massacres en masse et les massacres de masse, ainsi qu’autres crimes contre l’humanité ayant eu lieu depuis la Révolution, nous ne cessons de vivre un terrible et monstrueux cycle de violences. Terrorisme, homicides du lien sexué, sexualité anomique, suicides identitaires, résurgence des protosexualités, dominent désormais notre vie et font dangereusement trembler le lien civilisationnel.

Est-ce pour cela que certains sujets se font eux-mêmes horreur et terreur au point de nous rappeler, dans leur sacrifice presque sataniste, le caractère horrible, monstrueux et démesuré de notre existence ? Le pire est que le monstrueux peut apparaître comme l’envers de la recherche effrénée d’une beauté anti-naturelle. De nos jours, certains corps sont modelés comme des véritables natures mortes probablement pour exhiber la disproportion d’une jouissance corporelle et identitaire fuyant vers le transhumanisme.

Les transfomations anti-naturelles ou volontaires du corps humain sont devenus banales, désirables, futilement valorisées. Ainsi, « le lipofilling ou la pose d’implants au postérieur de Jessica Thievenin et Astrid Nelsia, la réduction mammaire de Sarah Fraisou… Les célébrités ont levé le tabou de la chirurgie esthétique et partagent leurs expériences » (Pure People, 2020). De là à vouloir ou pouvoir modifier son corps pour se rapprocher d’une apparence d’extraterrestre, par exemple, il n’y a qu’un pas hispérique à faire pour être en accord avec l’époque barbare qui est la nôtre. Mais cette tendance était déjà perceptible lors des années 60 et 70.

En effet, un ancien collègue, Charlie Paz Wells, étudiant de psychologie à l’Université de São Paulo (Brésil), comme moi, pendant la fin des années 70, est devenu transsexuel après ce qu’il considère comme son « abduction » par des extraterrestres à Chilca, au Pérou, en 1974 (WiGumAthletic1, 1993, 2012).

Selon Charlie, pour entrer en contact avec ses interlocuteurs extraterrestres, au lieu de passer par l’écriture automatique ou la psychographie en général, il a utilisé « la communication télépathique directe ». Il en témoigne ainsi : « mon contact a émergé à partir d’un dialogue mental direct, même si c’était difficile de différencier les voix entendues de ma propre voix. Parce que c’était comme si quelqu’un parlait à l’intérieur de votre tête en faisant interférence dans vos propres pensées. Du coup, c’est difficile de séparer ce qu’il en est de vos propres productions mentales de ce qui est de l’ordre d’une communication. C’est une question de pratique » (Benitez, 1979).

Quelques jours à peine après son entretien à distance avec les extraterrestres, un OVNI serait descendu dans un point prédéterminé et, pour la première fois de sa vie et dans le comble de la frénésie et l’extase, Charlie serait entré dans ce qu’il appelle un OVNI. « Nous nous sommes connus personnellement et les extraterrestres nous ont expliqué qu’ils voulaient établir avec nous une relation expérimentale pour étudier les réactions de l’être humain devant les extra-humanités. Ils étaient 4 hommes et deux femmes, sexuellement parfaitement définis, visuellement identifiables et à l’allure humanoïde mais très grands, mesurant presque deux mètres » (Benitez, 1979).

Le journaliste espagnol de la Gaceta del Norte, J. J. Benitez, aurait été l’un des sept participants du groupe qui, avec Charlie Paz Wells, auraient participé à l’abduction extraterrestre. Dans un livre publié en 1993, il raconte l’expérience vécue avec les membres de l’auto-denominé Institut Péruvien de Relations Interplanetaires (IPRI), fondé en 1955 par Carlos Paz Garcia, père de Charlie Paz Wells. J.J. Benitez raconte que l’un des objectifs des extraterrestres consiste en une alerte à l’humanité sur un événement apocalyptique à venir sur la planète terre (Benitez, 1979).

Sixto Paz Wells, frère de Charlie, est connu aussi pour affirmer à qui veut bien l’entendre qu’il  reçoit d’habitude des messages des extraterrestres par écriture automatique, télépathie et même dans ses rêves (Campo Pérez, 2002). Les deux frères et quelques membres de l’IPRI ont, d’ailleurs, pendant longtemps participé de ladite Mission Rama qui se consacrait à des activités ésotériques, paranormales et extraterrestres. Cependant, la Mission Rama a été dissoute après avoir été déclarée par la justice dans le rang de secte néoreligieuse avec des préoccupations occultistes, théosophiques et ayant comme noyau délirant l’intérêt extraterrestre (Jara Vera, 2001). D’ailleurs, même les chercheurs considérés plus sérieux des questions ufologiques se méfient des discours et des actes des frères Paz Wells (Vallée, 1965).

Selon Charlie, pendant les vingt minutes où il serait resté avec les extraterrestres, ceux-ci lui auraient proposé de collaborer avec eux pour changer l’humanité. Il fut ainsi investi d’une mission transcendantale dont il ne pouvait pas en prendre modèle ou connaissance chez personne d’autre. Il est devenu sans transition un homme choisi par des forces bien plus importantes que n’importe quel individu de notre espèce. En outre, cette mission ne pouvait se réaliser que par le fait de prêter totalement sa personne à des telles forces interstellaires inconnues qui exigeaient une transformation de tout son être. Notons ici que son témoignage fonctionne comme un rapport logique et détaillé d’une expérience énigmatique où la perplexité éprouvée se mue en signification personnelle.

Sommes-nous là, à ce stade, devant un véritable cas de jouissance identitaire telle que nous la définissons ou s’agit-il plutôt d’une psychose prenant comme thématique principale l’expérience transcendantale sous une version extraterrestre ? Ou alors, pouvons-nous considérer qu’il s’agit déjà d’un mélange de ces deux états ? Et, dans ce cas, nous serions donc devant un tableau très proche de ce que je considère comme étant la jouissance transidentitaire.

Le fait est qu’après son abduction, Charlie s’est mis en tête qu’il était transsexuel, s’est prêté volontiers à des programmes technothérapeutiques genristes de conversion identitaire et a fait les démarches juridiques pour prendre le pseudonyme de Verónica. Une deuxième problèmatique, très pathologique et cette fois-ci complètement identitaire, vient s’installer et le dominer lorsqu’il reprend le cours étrange de sa nouvelle vie, mi-extraterrestre mi-transsexuel, et alterne entre ces deux néoréalités. Passant d’une position délirante, selon les coordonnées d’une psychose cliniquement classique avec des aspects fantastiques et paraphrènes, Charlie est venu à vivre une terrible scission identitaire où son identité factice s’en prend à l’identité sexuelle au point de le faire dériver vers le drame transidentitaire.

Nous considérons que Charlie présente un délire d’auto-engendrement avec des hallucinations visuelles, verbales et corporelles précédant sa conversion transidentitaire. Le délire toutefois n’est ni paranoïaque ni maniaco-dépressif, mais semble appartenir à une expérience mystique et fantastique transcendantale. Ce n’est que sur cette base psychotique que se construisent plus tard les phénomènes transsexuels de la jouissance identitaire. On peut se demander de savoir comment un sujet psychotique passe d’une psychose clinique avérée à la jouissance identitaire sur son versant transsexuel. En suivant le fil de cette question, ne doit-on pas concevoir que la jouissance identitaire, superposée à la psychose dans ce cas, est en vérité une forme de suppléance qui devenant pathologique rate son objectif initial qui est de stabiliser la psychose ?

Croire appartenir à l’autre sexe : la transsexion

Le Terme de transsexion

L’étude des troubles de conversion identitaire peut nous apprendre, non pas ce que la normalité devrait être, mais les fondements civilisationnels des nouvelles psychopathologies. Sans aucun doute, la normalité n’est pas ce que l’idéologie queer ou woke, ayant envahi un secteur de la psychiatrie, de la psychologie et même de la psychanalyse, fait croire. La normalité ne veut pas dire que tout s’équivaut, que croire appartenir à l’autre sexe implique en un « devenir » cet autre sexe et qu’il faudrait aider le patient troublé par sa sexuation à transformer son apparence pour qu’il fasse semblant d’appartenir à un sexe qui n’est pas le sien. Évidemment, le vécu normal, équilibré et stable de la sexualité n’est pas cela, mais bien au contraire la prise en compte sans conflits de la différence des sexes et de la sexuation. À l’opposé, croire ou sentir profondément que l’on appartient à l’autre sexe peut être le signe d’un grave dérèglement psychique qui pourrait trouver une solution autrement que par les technothérapies genristes de conversion identitaire.

Notons ici que le terme transition implique souvent, dans plusieurs langues, une signification plutôt laudative comme passerelle naturelle, aire intermédiaire, circonstance graduelle ou passage logique lorsque deux états se suivent dans un processus de métamorphose nécessaire. Quand ce n’est pas le cas, on est alors obligé d’ajouter un adjectif tel que transition brusque, transition brutale ou transition barbare. Malheureusement, dans le discours transidentitaire de notre époque, le terme transition est utilisé en anglais pour faire référence aux soi-disant changement de sexe, transformation d’un être humain en animal, transmutation en monstre tatoué ou encore conversion en créature extraterrestre, c’est-à-dire sous un mode tout à fait inadéquat (Smith, 2018). Pour cette raison, nous avons besoin d’un nouveau terme qui comporte le sens et la signification propres à la jouissance transidentitaire. 

Par conséquent, pour pouvoir faire référence aux tentatives de ces fausses transitions, à ces procédés idéologiques voire aux passages à l’acte qui s’attaquent de manière identitaire au réel du corps, j’ai créé le terme transsexion lors de mes recherches sur le sujet au début 2021. Le terme transsexion est à comprendre comme la série d’actes technomédicaux, technopsychologiques et technojuridiques qu’un sujet transsexuel fait subir à son corps pour qu’il ressemble anatomiquement à celui de l’autre sexe ou à toute autre forme identitaire.

Plus précisément, le terme transsexion relie la jouissance transsexualiste (selon ses manifestations idéologiques, psychologiques, macropsychiques) aux tentatives de transition par la manipulation des expressions sexuelles (biologiques, hormonales, comportementales, vestimentaires, cosmétiques) ainsi qu’aux techniques intrusives de transection (chirurgicale et juridique). Le terme transsexion est composé des trois mots suivants : d’abord, le trans, signifiant l’idée d’un « passage vers », ensuite, le sexe, toujours forcément binaire car ce terme dénote obligatoirement une section, une scission, entre féminin et masculin, et enfin, la notion de section en tant que coupure ou opération intrusive de l’organe sexuel ou du réel du corps. Transsexion est ainsi un terme qui réalise, au niveau identitaire, la convergence des passages à l’acte transhumanistes et genristes.

En revanche, le terme détranssexion serait l’état qu’un sujet transsexuel, ayant passé à l’acte transsexionnel et éprouvant après-coup une profonde déception, traverse nécessairement pour décider de revenir en arrière. Le processus autothérapeutique détranssexionnel qui s’enclenche, en tant que réconciliation tardive du sujet avec le réel de son sexe, implique une profonde désidentification vis-à-vis de la conversion transidentitaire. La conséquence la plus positive de la démarche détranssexionnelle se situe dans le fait que le sujet peut enfin reconnaître la pathologie de la jouissance identitaire où il se situait, aussi bien que l’impossibilité réelle d’une véritable transformation transidentitaire. La détranssexion est également une réponse adaptée et pacifiante vis-à-vis du grand risque de suicide que les procédures de transsexion produisent.

Épidémie de cas transsexionnels et augmentation des cas détranssexionnels

Bien avant que quelques psychanalystes comme Élisabeth Roudinesco parlent d’épidémie pour évoquer l’augmentation exponentielle de sujets transsexuels (Coutures, 2021), dont certains adolescents et même enfants, j’avais déjà coutume d’observer ce phénomène et de l’appeler de la sorte. Oui, effectivement, on assiste à une incontestable épidémie non seulement de sujets se disant transsexuels (Littman, 2018) mais aussi de ceux voulant devenir transsexionnels.

Justement, dans un texte sur cette question, Lisa Marchiano, une psychanalyste junguienne qui s’occupe, à Philadelphie, de patients détranssexionnels, affirme, citant une étude suédoise (Dhejne, Öberg, Arver & Landén, 2014), que les transsexuels devenant transsexionnels sont de plus en plus jeunes. Lisa Marchiano affirme aussi qu’au Royaume-Uni, il y a eu « une augmentation de plus de 1 000 % du taux annuel d’enfants et d’adolescents de sexe masculin ayant recours à des services spécialisés en matière [genriste] de 2009 à 2019, avec une augmentation de 4 400 % parmi les filles et les adolescentes — de 40 cas en 2009-10 on est passé à plus de 1 800 cas dix ans plus tard. Des augmentations similaires ont été constatées dans d’autres pays occidentaux » (Marchiano, 2020). Sans aucune surprise mais avec beaucoup d’inquiétude, on peut dire qu’il y a une très récente « augmentation spectaculaire du nombre de jeunes qui s’identifient comme transsexuels » et que « bon nombre de ceux qui sont actuellement en transition sont beaucoup plus jeunes » qu’en 2014, date de l’étude suédoise (Marchiano, 2020). Une telle situation semble catastrophique tant en termes de santé mentale que concernant l’équilibre nécessaire pour le lien de civilisation et le lien social.

Nous devons prendre en considération, à cet égard, que les patients voulant transsexionner ne profitent plus comme avant d’évaluations approfondies. « Selon cette nouvelle tendance, les pratiques dites de “gatekeeping” devraient céder la place à un modèle fondé sur “l’affirmation” de la perception annoncée par un patient de son identité sexuelle. […] Pour les adolescents qui ont du mal à se comprendre et à comprendre leur place dans le monde, un autodiagnostic en tant que transsexuel peut offrir des réponses apparemment faciles. Mais les cliniciens ne devraient pas “affirmer” ce genre d’autodiagnostic sans poser de questions » (Marchiano, 2020).

Comme l’on sait, ce sont en général les femmes qui deviennent en général plus matures plus vite que les hommes et qui sont les plus courageuses pour prendre en main les questions brûlantes de chaque période de la vie. C’est le cas aussi pour les patients détranssexionnels. Selon Lisa Marchiano, « les [détranssexionnelles] que je vois dans ma pratique sont toutes des femmes, et elles ont toutes une vingtaine d’années. Au moment où elles se sont transidentifiées, beaucoup souffraient de problèmes sociaux et de santé mentale complexes. La [transsexion] a souvent non seulement échoué à résoudre ces problèmes, mais les a parfois exacerbés ou ajouté de nouveaux problèmes. Ces jeunes femmes ont souvent déraillé par rapport à leurs objectifs éducatifs ou professionnels pendant leur période d’identification trans. [Par ailleurs,] depuis la [détranssexion], elles ont perdu le soutien de la communauté trans, à la fois en ligne et en personne. Certaines rapportent qu’elles sont vilipendées si elles parlent de leur expérience en tant que [détranssexionnelles]. Et ainsi, en plus de souffrir de leurs conditions préexistantes, elles souffrent également maintenant d’isolement social et d’un manque de soutien par leurs pairs » (Marchiano, 2020). 

Recevoir en cure les patients détranssexionnels

Nous savons, comme le notent Lisa Marchiano et autres cliniciens, que les filles sombrant dans la jouissance transidentitaire, le font, le plus souvent, lors des graves perturbations de l’adolescence dans le contexte de profonds et apparemment insolubles dysfonctionnements familiaux. Comme ces chercheurs et cliniciens, nous avons également repéré dans notre clinique les abus sexuels en tant que précurseurs opérationnels autant de l’hypermasculinisation dans les formes presque exclusives de l’homosexualité féminine que des troubles de l’alimentation lors de la période où débute le phénomène transidentitaire sous sa version transsexuelle (Arce Ross, 2016b). D’ailleurs, Gehring et Knudson (2005) ont constaté que 55 % de leurs cas avait subi une agression sexuelle avant le dix-huitième anniversaire. Ces chercheurs ont également identifié une forme spécifique d’agression sexuelle dans l’histoire des transsexuels laquelle ne s’applique pas à d’autres groupes, à savoir l’agression sexuelle en raison d’une curiosité pour le sexe ou pour les organes génitaux. Sinon, les passerelles entre transsexualisme et hyperhomosexualité nous font garder à l’esprit une question : la jouissance transidentitaire peut-elle réellement fonctionner comme une suppléance réussie au drame de l’hyperhomosexualité ?

Eh bien, la réponse de Lisa Marchiano à cette question est celle-ci. « Pour la plupart de ces jeunes femmes, s’identifier comme trans a aggravé leur santé mentale. Bien que certaines rapportent que le fait de commencer par des hormones a initialement apporté une augmentation de la confiance et du bien-être, ces médicaments ont finalement semblé rendre quelques unes d’entre elles plus labiles émotionnellement et intensifié la dépression et les tendances suicidaires. Certaines des femmes qui ont subi des chirurgies telles que des mastectomies ou des hystérectomies ont constaté que ces procédures n’apportaient aucun soulagement à leurs souffrances et entraînaient plutôt des lésions nerveuses, des regrets et, dans certains cas, une dépendance à vie aux hormones synthétiques » (Marchiano, 2020). Il est donc clair que le technothérapies genristes de conversion identitaire viennent apporter des problèmes supplémentaires à la couche transsexionnelle qui recouvre la jouissance transsexuelle, laquelle recouvre l’hyperhomosexualité qui recouvre, à son tour, un grave dysfonctionnement familial à partir de laquelle la patiente s’identifie à l’objet du sacrifice. 

Lisa Marchiano va encore plus loin dans sa critique des procédures de transsexion. « Les femmes avec qui j’ai travaillé, par contre, ont toutes [détranssexionné] parce qu’elles n’avaient pas l’impression que la [transsexion] avait réglé leurs problèmes ; et, dans certains cas, parce qu’elles estimaient que la [transsexion] avait aggravé leurs problèmes. Elles sont maintenant certaines que la [transsexion] était une erreur. Dans de nombreux cas, elles sont en colère contre les prestataires de soins médicaux et de santé mentale qui les ont “affirmées”. Avec le recul, certaines de ces femmes disent qu’elles auraient souhaité que les thérapeutes et les médecins ne les aient pas encouragées à croire que leur corps était défectueux, ni à croire qu’une modification physique extrême était une option saine pour faire face à la détresse à propos de leur corps » (Marchiano, 2020).

Comme le soutient si bien cette psychanalyste, le fait de « rejeter la [détranssexion] comme une “panique” suscitée par des médias biaisés rend un grave et mauvais service aux vrais hommes et femmes qui luttent pour la difficile expérience de la [détranssexion] » (Marchiano, 2020). Et il s’agit pour nous justement d’étudier avec attention et de défendre la position de ces patients déçus de la transsexion et qui se trouvent obligés de procéder à une restauration de leur état initial par une pénible bien que nécessaire détranssexion.

La Psychanalyse contre le genrisme et les conversions identitaires

De par sa complicité implicite avec le transhumanisme neurocognitif, le genrisme identitaire se faufile et s’épanouit non seulement dans une psychiatrie dérivant vers le scientisme, mais également dans l’idéologie des générations mondialisées. L’une des passerelles entre ces deux monstres identitaires qui s’attaquent à la psychanalyse, c’est le sexogauchisme des anciens délires reichiens ensemble avec d’autres plus actuels.

Nous savons néanmoins combien la véritable psychanalyse lacanienne s’érige contre cette tendance où le genrisme se mondialise en une nouvelle jouissance transhumaniste, communautariste, identitaire, totalitaire. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui le trouble de notre époque prend comme cible l’identité en général et l’identité sexuelle en particulier, comme le entrevoyaient, déjà en 2007, les sages paroles de notre regretté collègue Serge Cottet. Selon lui, «  les idéaux de mai 68 ont enrôlé le freudisme avec des mots d’ordre relevant de l’idéologie de la libération du désir. Ceux-ci portent la marque d’une interprétation erronée de la doctrine, notamment celle de Wilhem Reich. Le “sexo-gauchisme”, comme le dit Lacan dans Télévision, hérite des contresens faits sur le refoulement. Ce grand chambardement vient pourtant bel et bien de la psychanalyse. L’illusion sexologique avait pourtant été réfutée par Freud à la Société Psychanalytique de Vienne en 1929-1930 : “Reich néglige le fait qu’il existe de nombreuses composantes pulsionnelles prégénitales qu’il est impossible de libérer, fût-ce avec le plus parfait orgasme.” Que la pulsion ne soit pas structurée pour sa satisfaction, sera le dernier mot de Freud » (Cottet, 2007, p. 194).

Cottet ne se trompe pas. Comme quelques autres psychanalystes lacaniens qui malheureusement aujourd’hui n’osent pas se manifester y compris au sein de l’École de la Cause freudienne, il perçoit très bien l’enjeu qui se prépare : « l’antinomie du sexe et de la civilisation n’est pas celle du père castrateur avec ses enfants. Dire qu’il s’agit d’incompatibilité de la jouissance avec l’ordre symbolique est plus vrai mais atténue encore le solde cynique qu’aucune sublimation ne peut éponger. La société suscite alors des fictions et fabrique des narcotiques plus ou moins efficaces pour donner le change » (Cottet, 2007, p. 194). Et l’on peut dire, avec Serge Cottet, que nous vivons désormais sous le dictat idéologique d’une nouvelle pathologie de la jouissance, une pathologie de la jouissance que j’appelle identitaire. Pour Cottet, « qu’en est-il aujourd’hui ? L’époque post-moderne semble […] échapper aux effets du refoulement. On la caractérise par l’effondrement des interdits, des idéaux, des rôles sociaux, l’éclatement de la famille » (Cottet, 2007, p. 194). Et c’est tout à fait sur cet effondrement de l’interdit et sur cette destruction de la famille que repose justement la jouissance identitaire.

Mais voyons maintenant quelques uns des dégâts que produisent les technothérapies genristes de conversion et de transsexion identitaires.

Double mastectomie et transsexion abusive sur deux adolescentes de 15 ans

L’activité d’une soi-disant « gender clinic », fondée et gérée par Helen Webberley, médecin généraliste déjà condamnée par la justice, a été suspendue en 2020 par la Haute Cour du Royaume Uni car, selon celle-ci, les moins de 16 ans ne sont pas en mesure de consentir pleinement au « traitement » transsexionniste.

Les juges ont déclaré qu’il était « hautement improbable » qu’un enfant de moins de 13 ans soit suffisamment mature pour consentir aux inhibiteurs hormonaux de la puberté et qu’il était « douteux » que les jeunes de 14 et 15 ans puissent « peser les risques et les conséquences à long terme. […] Dans leur décision, les Juges Victoria Sharp, Lewis et Lieven ont conclu que les inhibiteurs n’étaient “pas un processus neutre” mais un “tremplin” vers les hormones sexuelles croisées, ce qui pourrait “augmenter la probabilité” qu’ils passent à d’autres traitements qui endommagent la fertilité ou ont un impact sur les relations. “Pour de nombreux enfants, certainement plus jeunes, il ne sera pas possible de conceptualiser le fait de ne pas pouvoir donner naissance à des enfants”, ont-ils déclaré. […] Le jugement historique signifie que l’approbation du tribunal sera nécessaire avant que des bloquants de puberté puissent être prescrits aux enfants d’Angleterre et du Pays de Galles qui sont confus quant à leur identité sexuelle. NHS [la sécurité sociale britannique], a immédiatement mis à jour ses directives pour indiquer qu’une ordonnance du tribunal doit être demandée pour toute nouvelle référence pour un tel médicament » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020).

À la suite de ce jugement très important et longtemps nécessaire de la justice britannique, la Tavistock Clinic — réunie depuis quelque temps au sein de la Tavistock and Portman NHS Foundation Trust et qui gère le seul service britannique de technothérapies de conversion genriste pour les jeunes et sous le coup elle-même de plaintes au pénal — a suspendu les nouvelles références concernant les médicaments inhibiteurs de la puberté pour les moins de 16 ans.

Malgré cela, Helen Webberley affirme qu’elle continuera à prescrire les inhibiteurs de la puberté aux enfants et aux adolescents de moins de 16 ans, en contournant la décision de la Haute Cour. Depuis un moment déjà, Helen Webberley n’a pas le droit d’exercer au Royaume-Uni, notamment « après avoir été condamnée pour avoir dirigé un cabinet non autorisé traitant 1.600 patients transsexuels » et des enfants soi-disant « dysphoriques de genre » depuis son domicile dans le sud du Pays de Galles. « En 2018, Helen Webberley a été condamnée à une amende de 12.000 £ par un juge qui a déclaré qu’il y avait un “refus clair de suivre la loi”, tandis que le régulateur a déclaré qu’elle présentait un risque pour la sécurité des patients » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020).

Les problèmes judiciaires de ce médecin de la théorie du genre ont commencé lorsque l’une de ses patientes, Jayden Lowe de 18 ans, « s’est suicidé après avoir pris des médicaments prescrits en ligne [par Webberley] et après une attente de six ans pour un traitement par le NHS. Par la suite, sa mère a déclaré que Webberley et son mari, un autre médecin également suspendu par la suite, avaient “abusé d’une personne en mauvaise posture” » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020).

Très obstinée, comme beaucoup de fanatiques genristes en psychologie, psychiatrie, psychanalyse et médecine, Helen Webberleys et son mari sont partis s’installer en Espagne, tandis que sa clinique, GenderGP, « a été racheté par Harland International Ltd, une organisation de défense des LGBT basée à Hong Kong. Helen reste une conseillère non médicale et figure sur la première page du site Web » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020). Le problème est que GenderGP continue à « traiter » des patients britanniques qui soi-disant auraient des problèmes de « dysphorie de genre » en leur vendant les « médicaments » en ligne, ce qui lui permet de contourner les garanties de la sécurité sociale du Royaume Uni.

Ceci constitue un large problème de santé physique et de santé mentale ne profitant qu’à des industriels pharmaceutiques ainsi qu’aux groupes sexidentitaires. « En plus des cliniques basées à l’étranger, les inhibiteurs de la puberté et les hormones sexuelles croisées sont largement vendus sur Internet par des pharmacies illégales en ligne. Un site Web décrit, dans un forum largement utilisé, que les personnes transsexuelles “s’automédiquent” » par le moyen d’internet, selon Gino Martini, Directeur scientifique de la Royal Pharmaceutical Society (Das, Griffiths & Macaskill, 2020).

Malgré que la décision de la Haute Cour soit un jugement historique et bienvenu, nous devons prendre au sérieux les dangers que continuent de poser ces pratiques ainsi que les théories du genre dans leur alliance, de facto, avec les techniques du transhumanisme neurocognitif. La psychanalyse ne doit pas être timide devant ces abus et ces faux traitements maquillés en progrès sociétaux. N’oublions pas que « dans l’ensemble, le nombre de “patients” au service de “l’égalité des sexes” de la Tavistock a fortement augmenté ces dernières années. En 2009, 97 enfants et jeunes ont été référés. En 2018, ce nombre était de 2.519. Au cours de l’année 2019-2020, 161 enfants ont été orientés vers le service des inhibiteurs de puberté, dont 26 de moins de 13 ans et 95 de moins de 16 ans. Trois des enfants avaient 10 ou 11 ans » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020).

Deux autres affaires retombent concernant toujours le « Service de développement d’identité de genre » (GIDS) de la Tavistock et Portman NHS Trust. D’un côté, il y a Keira Bell, une patiente de 23 ans, ayant reçu de bloquants contre la puberté depuis ses 16 ans, ensuite de la testostérone et qui a malheureusement subit une double mastectomie à l’âge 20 ans. À la suite du « traitement » hormonal, cette patiente « a déclaré avoir eu des bouffées de chaleur, un “brouillard cérébral” et d’autres symptômes » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020). Keira Bell, qui décrit le traitement transsexionniste comme une « expérience dévastatrice », tient à aussi déclarer « qu’elle était “ravie” du jugement car il protégerait les enfants vulnérables » (Das, Griffiths & Macaskill, 2020). Elle s’est ressaisie de sa malheureuse conversion et vit maintenant comme ce qu’elle est depuis sa naissance, une femme, après un processus psychique de « detransitioning » (détranssexion).  De l’autre côté, il y a la plainte en justice de la mère d’une patiente autiste de 15 ans ayant également été victime d’un « traitement » en vue d’une transsexion.

Grâce à ces cas, malheureusement de plus en plus nombreux, nous pouvons considérer la détranssexion comme un processus de dé-radicalisation identitaire au même titre que ce qui a pu être observé chez des terroristes islamistes ou chez des fanatiques de sectes, ou de mouvements extrémistes, qui ont réussit à s’en libérer.

Un psychanalyste britannique dénonce la transsexion abusive contre enfants et adolescents

David Bell, éminent psychanalyste, psychiatre et ancien président de la British Psychoanalytic Society, consultant de l’anciennement très réputée Tavistock Clinic — où il a dirigé une unité spécialisée pour des troubles complexes et persistants liés aux confusions d’identité sexuelle —, a dénoncé en 2018 les transsexions appliquées abusivement à des enfants et à des préadolescents (Bannerman, 2020). Grand humaniste et défenseur des concepts psychanalytiques, David Bell est également l’un des principaux experts psychiatriques du Royaume-Uni en matière d’asile et de droits de l’homme. Justement, sa principale action lors de ces dernières années a été de défendre les droits des enfants contre les « thérapies » transsexionnistes.

Voici l’enjeu. « David Bell, 70 ans, ancien gouverneur du Tavistock and Portman NHS Foundation Trust, a envoyé un rapport interne à ses dirigeants en 2018, leur exhortant de suspendre tout traitement hormonal expérimental pour les enfants qui souhaitaient changer de sexe jusqu’à ce qu’il y ait de meilleures preuves de leurs résultats. Le rapport comprenait des témoignages de dix cliniciens ayant averti que des enfants aux antécédents complexes étaient référés pour des inhibiteurs de la puberté et pour des hormones sexuelles croisées après quelques séances et sans enquête appropriée de leurs cas. Les enfants se faisaient prescrire des médicaments expérimentaux sous la pression des groupes de défense des transsexuels. […] Son rapport concluait que la clinique du nord de Londres, connue sous le nom de GIDS [Service de développement d’identité de genre], n’était “pas adaptée à son objectif” et appelait à une suspension des indications de traitement [pour enfants] “de toute urgence” » (Bannerman, 2020).

Cependant, malgré la nécessaire mise en garde de David Bell, « la clinique a continué de référer plus d’une centaine d’enfants pour recevoir des inhibiteurs de la puberté, première étape de la [transsexion] qui conduit presque toujours à l’application d’hormones sexuelles croisées irréversibles. Leurs résultats sont inconnus » (Bannerman, 2020). En vue de cette situation, « la Haute Cour a mis un terme aux indications de traitement […] dans une décision qui correspondait à de nombreux points clés au rapport du Dr Bell. Trois juges ont conclu que les enfants n’avaient pas la capacité de consentir à un traitement expérimental qui pourrait conduire à l’infertilité et à une altération de la fonction sexuelle plus tard dans la vie. Et le GIDS a annoncé qu’il arrêterait toutes les indications de traitement jusqu’à nouvel ordre » (Bannerman, 2020).

Sans doute, David Bell est un exemple de ce que les psychanalystes devraient faire pour défendre les patients et la psychanalyse contre les agissements malsains de certaines idéologies extrémistes et dangereuses, notamment lorsqu’elles s’attaquent à des enfants et à des adolescents soufrant de graves confusions de leur identité sexuelle. Cependant, pour avoir osé dénoncer ces abus, ce psychanalyste fait face à des mesures disciplinaires par la NHS Foundation Trust.

En effet, à la veille de sa retraite, le psychanalyste David Bell est ainsi devenu la cible d’une violente mise à l’écart par la Direction générale de la clinique où il a travaillé longtemps. La raison semblerait être assez claire. Il pourrait s’agir de représailles de l’institution pour ses prises de position anti-genre. En effet, « sur un site de financement participatif pour collecter des fonds en vue de ses frais juridiques, le Dr Bell a déclaré que l’action était liée à son “discours et à ses écrits sur la dysphorie de genre” » (Bannerman, 2020). Pour sa part, Marcus Evans, l’un des directeurs de la NHS Foundation Trust, a démissionné probablement par solidarité avec David Bell. Marcus Evans a notamment déclaré que les directeurs de l’institution « voulaient faire disparaître le rapport de David Bell. Plutôt que de prendre les préoccupations au sérieux, ils ont publié un avis sur leur site web remettant en question la légitimité du Dr Bell pour rédiger le rapport. C’est pourquoi j’ai démissionné. J’ai réalisé que la gestion de l’institution ne voulait pas s’ouvrir et examiner ce qui se passait dans ce service hautement controversé » (Bannerman, 2020).

Des psychanalystes français contre le transsexualisme

Il n’y a pas qu’en Angleterre que les psychanalystes se manifestent contre le genrisme, contre le transhumanisme neurocognitif, contre les technothérapies de conversion identitaire et, plus précisément, contre les transsexions. C’est le cas également en France, et depuis longtemps.

Le premier des psychanalystes à s’opposer au transsexualisme identitaire a été Jacques Lacan pendant les années 1970, mais nous allons traiter de ce sujet dans une autre étude. Faisons, pour l’instant, référence à quelques autres.

À cet égard, il y a 20 ans, la psychanalyste Geneviève Morel décrivait très bien la question essentielle de ce phénomène. « La folie (du transsexuel) est de se tromper de but : viser l’organe au lieu du signifiant, à cause de la jouissance. C’est pourquoi établir le diagnostic de psychose est si important. Répondre à ces sujets en accédant à leur demande de chirurgie pose un problème éthique, car le discours médical se fait alors, en quelque sorte l’instrument de la psychose. C’est bien une variante de l’automutilation – fréquente dans la psychose – mais déguisée en normalité, qu’exige le transsexualiste au nom d’une supposée liberté de chacun à disposer de son corps, et de son droit à bénéficier d’une réparation par la société de l’“erreur de la nature” » (Morel, 2000).

Au début 2021, plusieurs psychanalystes, psychiatres, pédiatres, initiateurs de l’Observatoire des discours actuels et des pratiques médicales sur l’enfant et l’adolescent, réagissent au documentaire Petite fille, de Sébastien (Lifshitz, 2020), qui fait l’apologie du changement de sexe chez les enfants. Ces professionnels affirment haut et fort ceci. « L’enfant ne choisit ni ses parents ni son sexe, ni son nom en naissant. Il passe sa vie à composer avec ce qui ne lui est pas donné d’emblée, pour mieux s’en accommoder et devenir ce qu’il est avec ce qu’il n’a pas choisi. C’est ce principe qui est fondateur du genre humain. Il est contraint, il ne peut pas tout » (Tribune psy, 2021).

En effet, les psychanalystes Céline Masson, Jean-Pierre Lebrun, Caroline Eliacheff et Hana Rottman, ainsi que le psychiatre Claire Squires et le psychologue Éric Ghozlan ont raison de souligner que, dans ces questions, à aucun moment, les adultes ne se posent la question de la protection de l’enfance et de l’adolescence face à une telle dérive sociétale. C’est-à-dire qu’à aucun moment, dans les films comme celui dont ils parlent, on ne perçoit les grandes difficultés engendrées par les interventions très intrusives et souvent irréversibles du médical sur le corps de l’enfant. Ces psychanalystes, psychiatres et psychologues notent, à juste titre, que dans les technothérapies de conversion identitaire et notamment dans les traitements initiaux des transsexions, il s’agit « d’empêcher la virilisation en ratifiant un ressenti qui pourrait s’avérer transitoire » (Tribune psy, 2021).

Au contraire, pour eux, il faudrait plutôt faire accepter la limite à ces enfants, en commençant évidemment par les velléités des adultes (parents, militants sexidentitaires, médecins désœuvrés, etc.). Et ces psychanalystes, psychiatres et psychologues accusent et prônent la prudence. « À aucun moment, le réalisateur n’interroge les conséquences d’un tel choix, nous assistons plutôt à un film laudatif et prosélyte qui occulte superbement toute la complexité du psychisme et tombe dans les travers de l’indigence de certains discours sur les réseaux sociaux qui préemptent tout débat. La clinique se doit d’accompagner, d’entendre le symptôme, d’éviter tout passage à l’acte irrémédiable surtout chez des sujets en cours de développement et d’autre part permettre une élaboration où la vie psychique se construit, et donne le temps aux réalités interne et externe de se préciser et de s’articuler » (Tribune psy, 2021). Et ils ont raison de faire ces critiques.

Ensuite, nous avons récemment une psychanalyste telle qu’Elisabeth Roudinesco qui, il y a à peine quelque temps, je classais comme sexidentitaire car, sans s’opposer clairement au genrisme, elle faisait l’apologie du mariage identitaire et des autres normes sociétales. Comme nous l’avons dit plus haut, Elisabeth Roudinesco a déclaré en 2021 qu’il y a « une épidémie aujourd’hui de transgenres, il y en a beaucoup trop » (Coutures, 2021). Il s’agit d’un simple constat et d’une appréciation personnelle sur le phénomène. En principe, il ne devrait avoir aucun scandale ni aucun mérite à commenter une donnée évidente et concrète de la réalité actuelle. Mais, comme aujourd’hui la pensée sexidentitaire ou woke — imbibée qu’elle est de son caractère d’inclusivité multiminorités, de moralisme sociétal et de sentimentalisme justicier — traduit les commentaires des opposants en blasphèmes anti-progressistes, un scandale heureusement vite étouffé a malgré tout eu lieu.

Puis, dans son dernier livre Soi-même comme un roi, Elisabeth Roudinesco s’attaque au panféminisme, aux racialistes, au genrisme et, ainsi de suite, à la plupart des phénomènes d’assignation identitaire, comme le « transgenrisme queer », qui ne sont autre chose que ce que j’appelle la jouissance identitaire (Roudinesco, 2021). Notons que ce livre d’Elisabeth Roudinesco a été publié en mars 2021, soit exactement un an après la parution de mon travail à propos de la Jouissance identitaire dans la civilisation, dont elle a eu très probablement connaissance et où je parle justement des différences et des similitudes entre plusieurs versants des positions identitaires extrêmes comme le terrorisme islamiste, le genrisme et la résurgence de l’extrême droite (Arce Ross, 2020). Et ce travail était déjà en grande partie en ligne et en libre accès depuis la fin de l’année 2015. Mon étude a-t-il eu une influence sur l’infléchissement que connaît désormais le travail de Roudinesco ?

Mais nous avons aussi, cette année même, notre cher Jacques-Alain Miller qui jusqu’à il y a peu faisait encore malheureusement l’apologie du mariage identitaire et, sans vraiment critiquer l’extrémiste Judith Butler, a laissé les directoires de l’ECF des deux dernières décennies dériver vers la propagande du genrisme et des normes sociétales ; raison pour laquelle d’ailleurs j’ai démissionné de l’ECF en 2020.

Malgré son long aveuglement (ou silence) au sujet de l’idéologie du genre, je trouve à nouveau présent le caractère lucide et pertinent de ce grand penseur, organisateur et enseignant de la psychanalyse. Prenant à contre-pied les quelques fonctionnaires de la psychanalyse qui, à l’ECF, militaient jusqu’à hier contre le patriarcat, pour le panféminisme, pour le mariage identitaire et faisaient allègrement l’apologie du transsexualisme, Jacques-Alain Miller, en mai 2021, a durement critiqué l’abus transsexuel des enfants et des adolescents ainsi que les technothérapies de conversion identitaire dont la transsexion.

Heureusement que des psychanalystes comme Elisabeth Roudinesco et Jacques-Alain Miller finissent par se réveiller. Au moins partiellement et un peu tard, mais c’est déjà ça. Cela me réconforte. Car je me rends compte qu’ils ne disent pas autre chose que ce que je dis depuis longtemps. Et il me semble bien également que mon livre sur Jouissance identitaire dans la civilisation a pu influencer directement la position de Jacques-Alain Miller, puisque je le lui ai envoyé un exemplaire en septembre 2020, ainsi qu’à d’autres psychanalystes importants comme à quelques autres organisateurs d’opinion. Et puis, mon départ de l’ECF quelques mois plus tard avec une lettre explicative au Directeur de l’ECF a pu le réconcilier avec mon analyse sur la jouissance sexidentitaire qui gagne dangereusement quelques psychanalystes depuis un certain temps. Nous devons sans doute faire absolument un retour aux principes fondamentaux de la psychanalyse.

Voyons alors ce que Jacques-Alain Miller a dit le 15 mai 2021 dans une communication Zoom à l’adresse des psychanalystes russes. Le passage vaut le détour. 

Dans une Conférence à l’Université de Médecine de Moscou, en mai 2021, sur « Что в психоанализе работает », c’est-à-dire « Ce qui fonctionne en psychanalyse », Jacques-Alain Miller évoque un fait qui n’est pas de la psychanalyse mais plutôt, selon lui, « un trait de l’opposition à la psychanalyse. Et c’est pourtant une conséquence de la psychanalyse. Ça consiste exactement au privilège qui est donné à l’écoute sur l’interprétation. C’est-à-dire que [ce] fait c’est l’écoute sans l’interprétation.

« Il y a des gens de plus en plus nombreux, en tout cas en France — mais c’est encore beaucoup plus développé aux États-Unis —, qui vous inculquent à l’écoute. “Il faut écouter ce que dit l’autre. Il faut respecter ce que dit l’autre. Il faut le faire parler, le prendre au sérieux.” Et ça conduit insensiblement a l’idée que ce que le sujet dit est vrai, est exact. “Si le sujet dit ça, c’est comme ça”. 

« Alors, on s’en est aperçu avec le problème dramatique de l’enfant trans. L’enfant trans qui, à quatre ans, dit : “ce n’est pas mon corps, j’ai besoin d’un autre corps que celui que j’ai”. Et aussitôt, une énorme pression s’exerce sur la famille pour lui donner satisfaction. L’appareil scolaire se mobilise, on va changer son prénom informellement mais effectivement. Et on va se préparer à ce qu’il reçoive des traitements hormonaux voire chirurgicaux dans un certain temps. Et quand vous émettez certaines réserves, en disant que “c’est un gamin de quatre ans, qu’il peut changer d’avis. Car, après tout, c’est la façon dont il interprète un malaise, alors que la vérité de ce malaise est peut-être différente”. 

« Si vous dites ça, vous passez pour un affreux dominateur qui refuse d’écouter la parole de l’autre. Alors, ça c’est une conséquence de la popularité de la psychanalyse, qui a fait de l’écoute un dispositif universellement apprécié. Et c’est, en même temps, le contraire complet de la psychanalyse, puisque ça refuse toute interprétation de la parole du sujet.

« Donc, si vous dites que l’enfant dit ça mais qu’on peut l’interpréter autrement, vous êtes un monstre qui refuse d’écouter la parole innocente et vraie du petit garçon. Voyez ? Donc, c’est complexe. D’un côté, cette idéologie répercute la psychanalyse dans l’importance qu’elle accorde à l’écoute. Et, en même temps, elle efface complètement la psychanalyse puisqu’elle empêche toute possibilité d’interprétation. 

« Et aujourd’hui, en France, il y a un combat sur ce point là. Il y a des praticiens qui ont fait une pétition pour le soutien inconditionnel de l’autodétermination de l’enfant. Et parmi eux, il y a des psychanalystes qui ont signé. Et en face, il y a des praticiens qui s’opposent radicalement à cette position. 

« Je dis “radicalement”, mais je trouve que nous ne sommes pas encore assez radicaux. Je considère que la position des autres est une monstruosité au niveau même de ce que veut dire être un citoyen. Que si on efface toute différence entre l’enfant et l’adulte, c’est les fondements mêmes de la démocratie qui sont en question.

« Et je suis pour la rédaction d’une pétition beaucoup plus radicale que ce qui a été fait jusqu’à présent. 

« Le point de vue pro-trans domine aux États-Unis. [En tapant sur la table] Il ne dominera pas en France ! Et pour un certain nombre de raisons, il ne dominera pas en Russie non plus » (Miller, 2021, passage situé entre 1:37:30 et 1:49:00).

De mon côté, j’ai toujours soutenu que toute forme de transsexion, y compris celle commise contre le corps ou contre le sexe d’un adulte, est un abus et d’autant plus celles effectuées sur des enfants ou des adolescents. C’est pour cette raison que je trouve que des psychanalystes comme David Bell et bien d’autres en Angleterre, en Europe, aux USA, au Canada, au Brésil, en Argentine et dans le reste de l’Amérique, doivent absolument s’exprimer sur ces sujets et se positionner clairement pour éviter aux patients de tomber dans ces passages à l’acte genristes. 

Autisme, anorexie et transsexualisme

Dans des documents juridiques publiés en 2020, le professeur Christopher Gillberg, un expert mondial de l’autisme, a averti que les jeunes filles autistes ou les adolescentes anorexiques semblent plus susceptibles de développer les troubles liés à la jouissance identitaire dont celui d’appartenir à l’autre sexe. Le témoignage de Christopher Gillberg, qui est professeur à Glasgow et également médecin en chef à l’Hôpital pour Enfants Queen Silvia de Göteborg (Suède) et qui figure sur une liste publiée par le groupe de médias Thomson Reuters des chercheurs les plus cités et les plus influents, a été présenté dans une affaire devant la Haute Cour d’Angleterre, à laquelle il a conduit à une décision historique. Gillberg a soutenu que les enfants de moins de 16 ans étaient peu susceptibles de donner un consentement suffisamment éclairé pour accepter des médicaments bloquant la puberté, ce qui conduit presque toujours à prendre des hormones sexuelles croisées pour modifier leur corps (Griffiths, 2021). C’est à la suite de cette décision de justice, comme nous l’avons dit plus haut, que la Tavistock and Portman NHS Foundation Trust, qui gère la seule clinique genriste pour enfants en Angleterre, a dû suspendre ses soi-disant « traitements ».

Christopher Gillberg a déclaré que ses recherches montrent que, sans aucune intervention biologique, les troubles liés aux confusions sexuelles se résolvent généralement d’eux-mêmes et qu’en grandissant, les jeunes patientes acceptent de vouloir vivre en tant que femmes. Gillberg a aussi déclaré que, selon son expérience de 45 ans de traitement d’enfants autistes, il avait vu peu de cas de négations de la sexuation. Mais que depuis 2013, il y avait eu une explosion mondiale du nombre d’enfants affirmant vouloir changer de sexe, notamment des filles, autant en Suède qu’au Royaume-Uni (Griffiths, 2021). À ce propos, il faut savoir que « le nombre de renvois au service d’égalité des sexes de Tavistock a fortement augmenté ces dernières années. En 2009, 97 enfants ont été référés. En 2018, ce nombre était de 2519. La plupart des enfants auxquels la clinique a prescrit des bloquants de puberté sont des filles. En 2011, la répartition entre les sexes était d’environ 50-50 entre les filles et les garçons, mais en 2019, la répartition avait changé de sorte que 76% en étaient des filles » (Griffiths, 2021).

Nous savons que l’adolescence peut être une période compliquée provoquant selon les cas beaucoup de déstabilisations psychiques et sociales et que cela concerne autant les filles que les garçons. Mais, concernant les décisions imprudentes au sujet des transsexions que les adolescents des deux sexes naïvement acceptent et regrettent plus tard, Gillberg affirme que ce ne sont pas seulement les jeunes autistes (en général, des garçons) qui en deviennent les plus vulnérables, mais aussi les jeunes filles souffrant d’anorexie mentale. 

Plus précisément, ses recherches ont montré que les adolescents atteints d’autisme ou d’anorexie, ainsi que ceux qui avaient vécu une enfance difficile, étaient plus susceptibles de dire qu’ils voulaient changer de sexe. Selon lui, les troubles de l’autisme ont « une prévalence de 6% à 26% dans les populations transsexuelles, à savoir une proportion bien plus élevée que la population générale » (Griffiths, 2021). Mais, comment pouvons-nous expliquer une telle prévalence ?

Il se trouve que les adolescents autistes ont subi tout au long de leur vie presque de graves problèmes d’identité et, pour cette raison, ils sont particulièrement vulnérables à saisir une seule réponse à leurs questions. Ainsi, Gillberg s’est aperçu que les adolescents qui allaient être victimes des techniques de conversion identitaire trouvaient, suivaient et adhéraient aux idéologies des sites faisant l’apologie du transsexualisme en ligne lesquels suggéraient que leurs problèmes seraient résolus s’ils changeaient de sexe. Et voici l’ampleur de l’abus : « des milliers d’adolescents se voient proposer un “traitement” avec des bloqueurs de la puberté, des hormones sexuelles contraires, puis, pour certains, une variété d’interventions chirurgicales. Ceci, malgré l’absence de preuves de recherche qui prouveraient que ces traitements sont bénéfiques pour les jeunes en question » (Griffiths, 2021).

Les bloqueurs de la puberté produisent au contraire des clairs effets négatifs, parfois irréversibles,  tels qu’une voix plus grave et plus profonde, l’apparition des poils du visage ainsi qu’une possible infertilité chez les filles. Gillberg a évoqué également les preuves collectées ici et là sur le regret que beaucoup de transsexuels éprouvent après avoir subi une procédure de transsexion. À son avis, les médecins devraient toujours prévenir les familles qu’elles « allaient faire face à une expérience en direct sur des adolescents et des enfants » (Griffiths, 2021) et l’on peut ajouter : sans aucun véritable changement de sexe. Car ce qui change est seulement l’apparence.

Malgré le fait qu’elle dirige un institut universitaire neuroscientiste, le professeur Sophie Scott, a également déclaré au Tribunal que « les inhibiteurs de la puberté ont des effets profonds sur le corps en développement et, dans le cadre des changements observés à l’adolescence, impliquent des effets hormonaux sur la fonction cérébrale au point que l’impact de ces médicaments sur la maturation cérébrale est susceptible d’être délétère » (Griffiths, 2021). De son côté, Stephen Levine, professeur de psychiatrie à la Case Western Reserve University de l’Ohio, spécialisé dans les thérapies sexuelles et qui a traité des patients transsexuels aux États-Unis au cours des 40 dernières années, « a prouvé qu’il est médicalement impossible de transformer une fille en garçon et vice versa », d’où les nombreuses difficultés sexuelles et les taux de suicide si élevés chez les transsexuels (Griffiths, 2021).

En confirmant les observations de Christopher Gillberg et Sophie Scott, Stephen Levine s’est aperçu que les enfants noirs et asiatiques, les enfants adoptés, les filles anorexiques et les jeunes autistes étaient plus susceptibles d’être diagnostiqués comme transsexuels aux USA « Contrairement aux espoirs des personnes trans que la médecine et la société peuvent réaliser leur aspiration à devenir un homme ou une femme à part entière, ce n’est pas biologiquement réalisable » (Griffiths, 2021). Les grands espoirs que les technothérapies de conversion identitaire ont fait naître aux militants transsexuels les ont fait devenir des fanatiques des phénomènes transidentitaires et développer des positions extrémistes. Ainsi, Christopher Levine a également déclaré à la Haute Cour d’Angleterre que peu de chercheurs et cliniciens osent s’exprimer à ce sujet de peur d’être considérés comme « transphobes » par les activistes transsexuels. Il a déclaré : « les voix critiques et prudentes sont décriées comme transphobes, haineuses et engagées contre les thérapies de reconversion au propre sexe. Un tel climat a créé un environnement intimidant et hostile où le silence et l’assentiment sont la conséquence inévitable. C’est à ceux d’entre nous en fin de carrière, qui n’ont rien à perdre, d’exprimer leurs inquiétudes » (Griffiths, 2021).

Pour sa part, John Whitehall, professeur de pédiatrie à l’Université Western Sydney en Australie, un autre grand expert sur ces questions, a déclaré que les informations fournies aux familles fréquentant la clinique de Tavistock « ne semblent pas partager avec les enfants confus et leurs parents et soignants l’assurance statistique que presque tous les enfants au début confus pourront facilement revenir à une identité congruente grâce à leurs propres chromosomes naturels pendant la puberté, que les “inhibiteurs de la puberté” et les hormones sexuelles croisées ont des effets structurels sur le cerveau et que le taux de suicide chez les adultes est significativement plus élevé après la [transsexion] » (Griffiths, 2021).

Qu’ils soient psychologues, psychiatres, chercheurs ou psychanalystes, l’objectif des critiques des « traitements » genristes abusifs n’est pas du tout, bien évidemment, de culpabiliser les enfants, les adolescents, trop vite appelés « transsexuels », ni leurs familles. Bien au contraire, il est question de les défendre de l’abus de ces soi-disant « thérapeutiques » qui, par le moyen d’atteintes à l’intégrité psychique, corporelle et sexuelle, ne sont au fond que des techniques de manipulation émotionnelle et d’asservissement idéologique.

Technothérapies genristes de conversion identitaire 

Impossibilité de changer de sexe et nouvelle psychopathologie

Il est devenu très courant, en ces temps de confusions identitaires, que des patients souffrent de fantasmes, de délires ou plutôt de phénomènes qui ne sont ni tout à fait fantasmatiques ni vraiment délirants concernant leur sexuation, leur orientation sexuelle, leur état civil ou leur place existentielle dans le monde. Néanmoins, il n’y a nullement lieu de trouver ridicule ou pathétique — comme le font sentir certains — qu’en ces temps convulsionnés des patients veuillent avoir le sexe qu’ils n’ont pas, devenir une poule, un ornithorynque, un lézard ou un extraterrestre et qu’ils demandent à des professionnels de les aider à changer leur aspect anatomique, comportemental et psychologique pour avoir l’impression de se convertir en quelque chose qu’il est impossible de devenir naturellement.

Ce que l’on peut trouver, en revanche, ridicule et pathétique voire même criminel, c’est que des psychologues, des psychiatres et des médecins, parfois même des psychanalystes, considèrent que la solution à ces problèmes d’identité passe par des opérations chirurgicales, par des lois créées ad-hoc et donc par des technothérapies de conversion identitaire.

Le transsexualisme est une tentative sexidentitaire de conversion du sexe, comme la femme ayant une transidentité de poule, comme tel homme navigant de chirurgie plastique en chirurgie plastique pour avoir une transidentité d’ornithorynque, ou une transidentité d’extraterrestre, et comme tous ces sujets BAFC, des fétichistes de couches pour bébés adultes, sont également dans une démarche spontanée et autothérapeutique de conversion identitaire.

Nous savons très bien pourtant qu’il n’existe aucune technique qui puisse véritablement changer le sexe d’une personne ou qui l’aide à devenir poule, ornithorynque ou extraterrestre. On peut lui ôter l’organe, lui en coudre un autre, lui apporter des hormones pour que plastiquement son corps ressemble à celui de l’autre sexe. Mais si un sujet homme est né homme, il le restera fonctionnellement toute sa vie. Le soi-disant changement de sexe est une chimère de science-fiction et une manipulation idéologique des patients.

En établissant une critique sérieuse de la psychiatrie biologique et neuroscientiste, Christophe Lane affirme que ses représentants se situent dans une « stratégie revisionniste » de la psychanalyse. À savoir qu’ils tentent de réécrire l’histoire de la psychiatrie d’une manière si radicale « que tout se passe comme si Freud et la psychanalyse n’avaient jamais existé. Ainsi l’inconscient peut-il apparaître soit comme une anomalie biologique, soit comme le produit des hallucinations d’un imposteur de la science » (Lane, 2007, p. 42). Avec quelques différences des termes utilisés par les neuroscientistes, les représentants du genrisme établissent également comme ces derniers une relecture déconstructionniste, réductrice et révisionniste de la psychanalyse. La seule différence étant qu’à la place du biologique, ils mettent le social, le sociétal, le sentiment d’être ou, ce qui est équivalent, l’identitaire, comme si la sexualité et l’analyse freudienne et lacanienne de la sexualité n’existaient pas.

La plupart de ces psychologues, psychiatres et médecins appartiennent à des tendances cognitivistes et comportementalistes, c’est-à-dire qu’ils sont au fond des thérapeutes, des chercheurs ou des universitaires transhumanistes. Ce qui est pire, c’est que certains d’entre eux se réclament malheureusement aussi de la psychanalyse, ce qui ajoute une touche d’absurdité à cette affaire. Avec raison, la véritable psychanalyse s’oppose à ces traitements et à ces “cliniciens” complices des dérives sexidentitaires. 

Il s’agit d’une nouvelle psychopathologie bâtie, comme le montre l’archéogénétique, avec des éléments qui existent depuis les temps les plus primitifs ensemble avec d’autres tout à fait inédits et hautement technologiques. Si cette psychopathologie est nouvelle c’est du fait que ces phénomènes sont désormais associés à la jouissance identitaire de notre époque (Arce Ross, 2020). Telle que je l’ai conceptualisée, la jouissance identitaire produit une myriade de nouvelles identités factices qui forcent le faire semblant social pour s’adapter à une réalité psychique illusoire, dont les failles profondes qu’elle présente sont des réactions au déclin des fonctions paternelle et maternelle.

Cotardisation du réel, suppléance pathologique et haine de soi

Ces nouvelles identités artificielles reposent sur une cotardisation du réel du corps, sur une fabulation de l’identité d’origine et sur un renversement de la personnalité pour être en adéquation imaginaire devant le regard de l’Autre. Notons ici que l’aspect du regard supposé de l’Autre est très important dans ces questions, le patient se contentant, par tous les moyens en termes d’aspect physique et psychologique à sa disposition, de ressembler à ce qu’il pense être selon l’image de lui-même qui lui renvoie en miroir le spectacle du monde. Il s’obstine à ne pas être, à ne plus être farouchement lui-même mais un Autre qui l’habite. Il tue, par négation radicale, c’est-à-dire par une forclusion très particulière bien que partielle comme toutes les autres, ce qu’il est depuis toujours. Tout cela, pour pouvoir avoir l’impression de renaître, par transformation supplétive, en un Autre qu’il lui sera malgré tout impossible de devenir.

Le problème de cette suppléance pathologique est qu’elle est non seulement impossible à accomplir, mais également et surtout que cette tentative ratée s’effectue sur le corps du sujet lui-même. D’ailleurs, toutes les suppléances ratées ou pathologiques que j’étudie depuis des années ont cette double composante. En outre, la jouissance identitaire n’est pas seulement présente chez les patients mais également et surtout chez quelques psychologues, psychiatres et médecins. Chez ces derniers, elle se présente sous la forme d’un développement, de plus en plus poussé, des technothérapies de conversion identitaire non pas pour aider les patients à se décoller de leurs identités factices, mais bien au contraire pour faire semblant qu’elles correspondent à une forme de réalité sociale.

Les technothérapies médicales, juridiques et psychologiques de conversion identitaire tentent de faire correspondre le corps, l’aspect physique, les documents officiels d’état civil et les comportements des patients, aux nouvelles identités artificielles qu’ils croient être les siennes. C’est bien la convergence des techniques médicales de cosmétologie physiologique et des techniques psychologiques de manipulation mentale, avec un appareillage technojudiciaire sur la base de l’idéologie genriste, qui fonde, à mon avis, le phénomène des confusions identitaires. Et donc, l’essence même des technothérapies de conversion identitaire. Elles induisent un régime social et anthropologique spécial au point qu’elles peuvent être reliées à l’avènement d’un nouveau totalitarisme sous la forme de ceux imaginés par George Orwell et Aldous Huxley.

Grâce aux prévisions de George Orwell (1945 ; 1949), nous pouvons dire aujourd’hui que le paroxysme totalitaire de la haine de soi dans l’Autre, ou de la haine de l’Autre en soi — ce qui est une autre définition de la jouissance identitaire —, constitue un élément indiscutable de la manipulation mentale et linguistique ayant lieu au XXIème siècle. Un tel totalitarisme identitaire ne se caractérise pas tout à fait par l’exercice de la censure, de la répression ou de la contrainte mais bien par une manipulation subtile des sentiments, des pensées et des croyances au moyen de la jouissance sans freins et tous azimuts.

En effet, selon Aldous Huxley, « à mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation. Et le dictateur […] fera bien d’encourager cette liberté-là » (A. Huxley, 1932, p. 20). Pour quelle raison ? Parce que le nouveau totalitarisme, mondialiste, multiculturel, racialiste, absolument justicier du sociétal et genriste, attise le féroce individualisme des minorités idéologisées, se neutralisant ainsi dans la différenciation et dans la radicalisation des communautés identitaires, pour qu’elles dérivent vers un extraordinaire néo-esclavagisme hyper-volontaire. L’un des moyens utilisés pour l’exercice de ce programme de manipulation des sentiments, des pensées et des croyances est de proposer les normes sociétales, le renforcement des communautés identitaires, le démantèlement de la psychopathologie classique — par une pathologisation de la normalité et par une normalisation de la psychopathologie —, ainsi que les technothérapies de conversion identitaire dont la transsexion. 

Contradiction genriste entre normal et pathologique

C’est pour cause du matraquage médiatique et de la propagande de certains gouvernements occidentaux que l’on considère normal l’application de ces technothérapies médico-juridico-psychologiques de conversion aux patients transidentitaires. Toutefois, il est pour le moins curieux que ces mêmes personnes, institutions ou gouvernements, qui font l’apologie des technothérapies de conversion identitaire, contestent vigoureusement les psychothérapies de reconversion hétérosexuelle aux patients homosexuels ou transsexuels. Il y a même des pays qui ont créé des lois pour interdire ces dernières, tout en acceptant paradoxalement les premières. Cela, parce que, pour les genristes infiltrés dans les universités, les institutions d’État, les médias, les arts et le monde politique, on peut changer de sexe mais on ne peut pas changer d’orientation sexuelle. Il y a là une incongruence, une incohérence et une contradiction qui sont le résultat de leur idéologie presque religieuse et, en tout cas, fanatique. 

L’attitude logique aurait dû être, au contraire, que les gouvernements, les médias, les professionnels de santé et l’opinion publique en général saluent le fait de libérer chez ces patients les passerelles vers l’hétérosexualité, au lieu de renforcer leurs addictions homosexuelles ou leurs confusions transsexuées. Malheureusement, c’est exactement le contraire qui se produit. Ces groupes extrêmement idéologisés ne veulent pas reconnaître que ce serait bien plus facile de changer d’orientation sexuelle, ou d’accepter le réel de son sexe, que de s’obstiner à changer de sexe. D’ailleurs, même si l’on pouvait vraiment changer de sexe en utilisant les technothérapies de conversion identitaire ou n’importe quel autre technique, ce serait alors infiniment plus simple et facile de réconcilier le sujet avec son propre sexe. On lui éviterait ainsi des opérations inutiles, des dressages contre nature et des souffrances inhumaines.

L’expansion de l’idéologie du genre est devenue telle qu’elle a gangrené la capacité critique de réfléchir et d’agir des décideurs, des législateurs et de l’opinion publique en général. Le politiquement correct du genre est devenu plus important que la démarche scientifique, au point de manipuler les affaires touchant l’éducation, la sexualité, l’amour, le couple, la famille, la psychologie clinique et la psychopathologie. Cependant, malgré la domination de cette idéologie aux accents totalitaires, le réel de la science freudienne refait toujours surface. Et dans le cas qui nous occupe ici, la science du champ freudien se manifeste sous la forme de la malléabilité ou de la réversibilité de l’orientation sexuelle aussi bien que dans l’impossibilité réelle de changer le sexe d’origine. 

Bien entendu, concernant les thérapies pour la réversibilité de l’orientation sexuelle, on doit toujours s’opposer aux mesures coercitives, c’est-à-dire sans le consentement du patient, d’autant plus s’il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent obligé par ses parents. Mais, il est bienvenu que quelques patients découvrent, grâce à un travail sous transfert, ou parfois spontanément, leur capacité à la malléabilité ou à la réversibilité de leur orientation sexuelle. 

Si la malléabilité et la réversibilité sexuelles n’étaient pas possibles, il n’existerait pas, par exemple, la psychothérapie des dépendants à la pornographie, des nymphomanes ou des fétichistes, des pédophiles ou des agresseurs sexuels. Dans d’autres travaux, j’ai pu d’ailleurs évoquer le fait que certains patients homosexuels, grâce à la déconstruction des attaches sexuelles opérée par l’analyse, ont pu quitter temporairement ou définitivement leur dépendance homosexuelle et s’ouvrir à l’hétérosexualité (Arce Ross, 2016b). Et ceci, évidemment en toute liberté, sans aucune coercition et grâce à l’exercice de leur propre choix.

Pareillement, c’est libérateur pour les patients transidentitaires qu’ils prennent conscience de l’impossibilité réelle de changer de sexe, pour qu’ils puissent mieux vivre leur condition et éventuellement la surmonter psychiquement. C’est justement de ces sentiments, de ces pensées et de cette croyance qui les bloquent qu’il faudrait qu’ils fassent le deuil.

Le véritable but psychothérapeutique serait de les faire reconnaître quels sont les facteurs affectifs et émotionnels qui ne peuvent pas être connectés aux signifiants de leur histoire initiale. C’est-à-dire, il faudrait identifier et analyser comment se relient entre eux les facteurs découlant des signifiants rejetés par la rencontre avec la connexion entre violence et sexualité lors de la prime enfance. 

Malheureusement, ce n’est ni cette version ni cet objectif qui sont visés par les technothérapies de conversion identitaire. Elles procurent, au contraire, un renforcement des identités factices tout en produisant un clivage grotesque entre deux versions opposées de l’identité, à savoir, d’une part, une identité performative mais artificielle, mensongère, entrant en collusion avec celle réelle, et, d’autre part, justement l’identité réelle, laquelle demeure malgré cela toujours présente. 

Schizoidentités entre suicide identitaire et dressage contre nature

Le résultat pathologique des technothérapies de conversion identitaire se trouve dans le fait que le sujet passe à vivre selon ce que j’appelle une schizoïdentité, ou une transschizoïdentité. C’est dire qu’une technoïdentité vient se superposer, comme un calque photographique, aux ruines de l’identité réelle laquelle demeure forcément encore présente pour le reste de sa vie. Un tel système contradictoire, clivant au-delà du conflictuel, entre ce que le sujet n’est pas mais s’obstine à devenir et ce qu’il est mais qu’il nie, peut le conduire a ce que j’appelle le suicide identitaire (Arce Ross, 2020).

Le suicide identitaire est l’acte violent contre soi figurant les outrages profonds d’un ancien état anomique concernant l’identité réelle du sujet, celle de ses origines et de son enfance précoce. Pour tenter de colmater ces failles anomiques de l’identité réelle, le sujet se lance à la recherche d’une ou de plusieurs identités factices qui s’opposent violemment à l’identité des origines qu’il s’agit de rejeter. Le suicide identitaire est commis dans le cadre d’une expression publique ou politique extrêmement personnalisée par la psychopathologie de l’identité (Arce Ross, 2020, p. 173). En dirigeant parfois la haine identitaire contre le corps propre, ou en la canalisant par une manifestation à travers lui, le grand risque de la jouissance identitaire est son danger suicidaire.  

La technoïdentité transhumaniste qu’on lui a fabriqué, pour que le sujet divisé de notre époque en consomme à sa guise, ressemble comme deux gouttes d’eau à la notion d’image-écran de Ralph Greenson (Greenson, 1958 ; Arce Ross, 2020). Et le problème est que le sujet passera à osciller en permanence entre cette technoïdentité-écran et les ruines de son identité réelle. Plus précisément, par ce mouvement multitechnologique, le sujet psychiatrisé tend à quitter son statut de patient souffrant d’une pathologie pour devenir un consommateur de nouvelles techniques de conversion personnelle. De son côté, le psychologue et le psychiatre perdent leur statut de cliniciens pour devenir des vendeurs des techniques de développement identitaire.

Le grave problème que ces technothérapies de conversion identitaire présentent est que, si elles étaient appliquées au champ animal, elles s’assimileraient à une sorte de dressage contre nature. Or, c’est exactement cela qui se passe aujourd’hui contre la partie confuse de l’humanité. Et le plus grand problème est que, malgré les lourdes techniques de manipulation mentale et de dressage comportemental, il est impossible de dresser la nature et de la confiner durablement dans une identité factice.

Devant cet état de faits, les technothérapies de conversion identitaire deviennent néanmoins à leur tour elles-mêmes une nouvelle psychopathologie et donc une nouvelle souffrance pour le sujet transformé de la sorte. Tout ceci est profondément inhumain et anti-éthique à souhait. Au point que cela devrait être interdit, si on ne veut pas produire des souffrances monstrueuses et une humanité en ruines.

[Ce texte est le condensé d’une étude sur la question à paraître]

GAR, Paris, le 18 septembre 2021

Transexions and de-transexions

For several decades, we have been confronted with a psychiatry dominated, on the one hand, by neuroscientists, namely by the belief in the neurological etiology of mental disorders, but also, on the other hand, by genderism, a term that I use to refer to what has come to be called gender theory or gender ideology (Arce Ross, 2016a). We see this double movement of ideological degradation of the psychiatric field also present in a large part of academic psychology and even, which is astounding, in a large sector of psychoanalysis.

Part of this sector of psychoanalysis is strictly speaking post-Lacanian and even tries to make the Freudian field “queer” (Cavanagh, 2019; Richards, 2019; Watson, 2019). It tries to reinterpret « the last teaching of Lacan » in the shadow of the integration or syncretism between, on the one hand, a fallacious reductive doctrine of Lacan to the theory of gender and, on the other hand, a) the neurosciences (Magistretti & Ansermet, 2010; Dimitriadis, 2013), b) genderism (David-Menard, 2009; Alfandary, 2016; Ayouch, 2017) or even c) combined neurosciences and genderism (Fichard-Carroll, 2014; Gardey & Vuile, 2018; Ansermet & Meseguer, 2020).

In general, without admitting it to themselves, these post-Lacanian psychoanalysts cut themselves off from the first two segments of Lacanian teaching while reinterpreting the last according to the vision of genderist ideologists and sometimes also of neuroscientist theories. The representatives of this psychoanalysis, both non-Lacanian and post-Lacanian, can therefore be called syncretic.

It would apparently be tempting to consider that the neuroscientist, or cognitive-behavioral dogmas, giving primacy to biology over psychology or sociology, and the doctrines of the gender, proposing exactly the opposite, would be in everything contrary. However, in truth, these two ideologies, independently or mutually, at least have in common that they are strongly opposed to Freudian etiology or Lacanian psychogeny. The reason is that the psychic cause according to psychoanalysis, from Freud to Lacan, is neither in the biological, or in the organic, as neuroscientism conceives it, nor in the social, the cultural or the behavioral, as genderism wants it. On the contrary, the true Freudian cause and Lacanian psychogeny both reject this inoperative duality.

We want to study here one of the modalities of identitary jouissance and its treatment by technological, so-called « therapeutic » programs of identitary conversion. These programs, or their ideological equivalents, are offered to transidentitary users in general and more particularly to transsexual subjects. Unfortunately, such techniques are harmful to these patients — whether they are transanimalists, adult babies, diaper fetishists, sadomasochists with brutal tattoos, transextraterrestrials, transracialists, cosmetic surgery fetishists, transsexuals, etc. — because they are the first victims of these sometimes irreversible ideological, social, behavioral, biological and bodily manipulations.

We are convinced that the psychopathology of transidentity patients, including transsexuals, requires psychoanalytic help, but obviously not that offered by what I call identitary conversion genderist technotherapies. This is where we are going to talk about what I call transsexion and detranssexion.

Transexiones y destransexiones

Durante varias décadas, nos hemos enfrentado a una psiquiatría dominada, por un lado, por lo neurocientista, es decir, por la creencia en la etiología neurológica de los trastornos mentales, pero también, por otro lado, por el generismo, término que utilizo para referirme a lo que se llama teoría de género o ideología de género (Arce Ross, 2016a). Vemos este doble movimiento de degradación ideológica del campo psiquiátrico también presente en gran parte de la psicología académica e incluso, lo que es asombroso, en un amplio sector del psicoanálisis.

Parte de este sector del psicoanálisis es, en rigor, poslacaniano e incluso intenta hacer “queer” el campo freudiano (Cavanagh, 2019; Richards, 2019; Watson, 2019). Se trata de reinterpretar « la última enseñanza de Lacan » a la sombra de la integración o sincretismo entre, por un lado, una falaz doctrina reduccionista de Lacan a la teoría del género y, por otro lado, a) las neurociencias (Magistretti & Ansermet, 2010; Dimitriadis, 2013), b) el  generismo (David-Menard, 2009; Alfandary, 2016; Ayouch, 2017) o incluso c) las neurociencias y el generismo combinados (Fichard-Carroll, 2014; Gardey & Vuile, 2018; Ansermet Y Meseguer, 2020).

En general, sin admitirlo, estos psicoanalistas post-lacanianos se desvinculan de los dos primeros segmentos de la enseñanza lacaniana mientras reinterpretan el último según la visión de los ideólogos generistas y, en ocasiones, también de las teorías neurocientistas. Los representantes de este psicoanálisis, tanto no lacanianos como post-lacanianos, pueden por tanto ser llamados sincréticos.

Aparentemente, sería tentador considerar que los dogmas neurocientistas, o cognitivo-compotamentales, que dan primacía a la biología sobre la psicología o la sociología, y las doctrinas del género, proponiendo exactamente lo contrario, serían en todo lo contrario. Sin embargo, en verdad, estas dos ideologías, independientemente o mutuamente, al menos tienen en común que se oponen fuertemente a la etiología freudiana o a la psicogenia lacaniana. La razón es que la causa psíquica según el psicoanálisis, desde Freud a Lacan, no está ni en lo biológico ni en lo orgánico, como lo concibe el neurocientista, ni en lo social, lo cultural o lo conductual, como quiere el generismo. Por el contrario, la verdadera causa freudiana y la psicogenia lacaniana rechazan esta dualidad inoperante.

Queremos estudiar aquí una de las modalidades del goce identitario y su tratamiento por parte de los programas tecnológicos denominados « terapéuticos » de conversión identitaria. Estos programas, o sus equivalentes ideológicos, se ofrecen a usuarios transidentitarios en general y más particularmente a sujetos transexuales. Desafortunadamente, tales técnicas son dañinas para estos pacientes — ya sean transanimalistas, bebés adultos, fetichistas de pañales, sadomasoquistas con tatuajes brutales, transextraterrestres, transracialistas, fetichistas de cirugías estéticas, transexuales, etc. — porque ellos son las principales víctimas de estas manipulaciones ideológicas, sociales, conductuales, biológicas y corporales a veces irreversibles.

Estamos convencidos de que la psicopatología de los pacientes transidentitarios, incluidos los transexuales, requiere ayuda psicoanalítica, pero obviamente no la que ofrecen las que yo llamo tecnologías generistas de conversión identitaria. Aquí es donde vamos a hablar de lo que yo llamo transexión y destransexión.

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