German ARCE ROSS. Paris, le 6 octobre 2018

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Voici pourquoi Jair Bolsonaro n’est pas d’extrême droite », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2018.

Table des matières

That’s why Jair Bolsonaro does not belong to the far right

How and why can not we say that Jair Bolsonaro belongs to the far right? What can psychoanalysis say about the abusive label of « fascist », « Nazi » or belonging to the « far right » of a public figure? What are the ideological underpinnings of insults instead of political analysis?

Eis por que Jair Bolsonaro não é de extrema direita

Como e por que não podemos dizer que Jair Bolsonaro pertence à extrema direita? O que a psicanálise pode dizer sobre o rótulo abusivo de « fascista », « nazista » ou de pertencer à « extrema direita » falando de uma figura pública? Quais são os fundamentos ideológicos do uso dos insultos em vez das análises políticas?

He aquí por qué Jair Bolsonaro no es de extrema derecha

¿A partir de qué y por qué no podemos decir que Jair Bolsonaro pertenece a la extrema derecha? ¿Qué puede decir el psicoanálisis sobre el rótulo abusivo de « fascista », « nazi » o de pertenecer a la « extrema derecha » hablando de una figura pública? ¿Cuáles son los fundamentos ideológicos del uso de los insultos en lugar de los análisis políticos?

Voici pourquoi Jair Bolsonaro n’est pas d’extrême droite

En quoi et pourquoi on ne peut pas dire que Jair Bolsonaro appartient à l’extrême droite ? Qu’est-ce que la psychanalyse peut dire sur le qualificatif abusif de « fasciste », de « nazi » ou d’appartenance à l’ « extrême droite » d’un personnage public ? Quels sont les soubassements idéologiques des injures en lieu et place des analyses politiques ?

Normalisation sociétale de la jouissance identitaire 

Normes sociétales, genrisme et extrême droite (ou extrême gauche)

À la base de mon travail sur les troubles de civilisation se trouve l’hypothèse suivante. Mon hypothèse de base est que “plus la société avance dans la formation des normes sociétales (comme le mariage identitaire, la PMA ou la GPA) et plus elle se rapproche, directement ou indirectement, activement ou passivement, d’un renouveau du national-socialisme, c’est-à-dire de l’extrême droite (ou de son alter-ego l’extrême gauche)”.

Cet état de fait, s’il est validé, produit comme conséquences ce qui est appelé par mes travaux les troubles de civilisation.

Cependant, avant de sombrer dans la catastrophe totalitaire d’extrême droite ou d’extrême gauche, il y a des mesures auto-thérapeutiques que la civilisation se construit, par exemple par le biais du jeu politique. Ainsi, l’émergence de Donald Trump aux USA, le développement des travaux d’intellectuels européens ou américains comme Jordan Peterson au Canada et tant d’autres positionnements en politique et en sciences humaines que nous voyons apparaître en France et en Europe, contribuent à mettre des barrières à ce processus psychopathologique et à revenir sur les versions classiques et non totalitaires de l’existence. Il me semble que l’émergence de Jair Bolsonaro au Brésil appartient à ce mouvement auto-thérapeutique du pays qui veut se régénérer. Sauf que, comme il n’est pas un intellectuel mais un ancien militaire, ses points de vue ont été parfois très maladroits.

Nous savons que, parfois, la thérapeutique d’une grave maladie doit passer par un acte chirurgical qui peut paraître violent et ce qu’ils proposent, pour ne pas sombrer dans la société totalitaire, peut s’assimiler à une chirurgie civilisatrice. C’est pour cette raison, entre autres, que Donald Trump, Jordan Peterson et tant d’autres ont été injustement considérés comme « fascistes », « homophobes », « misogynes », « racistes », et que l’on est venu à faire un amalgame de tout cela avec les vrais positionnements d’extrême droite.

Aujourd’hui, il est rare que l’on continue à considérer Donald Trump comme quelqu’un d’extrême droite alors qu’avant son élection, et juste après celle-ci, presque tout le monde le considérait ainsi. Après presque deux ans de mandat, on se rend compte qu’il se situe bien dans le jeu démocratique, qu’il s’est délié de certains personnages proches de l’extrême droite américaine et qu’il présente un bilan plutôt positif en termes économiques et sociaux et sans extrémismes. Il me semble que c’est exactement la même chose qui risque de se passer pour Jair Bolsonaro, s’il est élu.

De toute façon, ce sera simple de valider ou non mon diagnostic et mon pronostic sur Jair Bolsonaro. Car il suffira, s’il est élu, de vérifier quelques mois plus tard si, oui ou non, il applique vraiment une politique d’extrême droite.

Et si je me trompe sur Jair Bolsonaro, s’il se révélait vraiment d’extrême droite, alors, mon hypothèse de base, laquelle indique que les normes sociétales comme le mariage homosexuel et l’idéologie genriste sont en lien avec le développement de l’extrême droite, serait du même coup validée (Arce Ross, 2014a). Mais si je ne me trompe pas sur Jair Bolsonaro, s’il n’est pas d’extrême droite et si’l réussit à défaire toutes les normes sociétales et à extirper l’idéologie genriste imposées par l’extrême gauche à la société brésilienne, alors, on se sera éloigné du risque totalitaire.

Ainsi, il me semble que si Donald Trump et Jair Bolsonaro, s’il est élu, ne réussissent pas leurs politiques, là, oui, il y aurait un risque de voir triompher le totalitarisme que ce soit sous la forme de l’extrême droite suprémaciste, que ce soit sous la forme de l’extrême gauche genriste.

Des Préjugés idéologiques à la place de l’analyse politique

Aujourd’hui, au Brésil, ce sont les artistes, les personnages du show-business et quelques journalistes un peu trop idéologiquement engagés qui contribuent largement à faire passer une série de stéréotypes et de préjugés idéologiques à la place de l’analyse politique. Ce marketing identitaire, superficiel et volontairement populiste, largement véhiculé par une mentalité d’extrême gauche envahissant subrepticement tous les espaces d’opinion, se constitue comme un nouveau moralisme.

Ce mouvement désespéré répond à une conquête de l’opinion publique basée sur une réactualisation postmoderne et néomarxiste du programme conçu, entre autres, par Antonio Gramsci (Alves de Oliveira, 2018). Cette révolution idéologique progressive, hautement moralisatrice, instrumentalise principalement les affaires de mœurs (relations hommes-femmes, sexualité infantile, éducation sexuelle, etc) et lesdites sexualités identitaires. Un renversement sans précédents des valeurs morales est opéré de sorte à uniformiser et à manipuler plus facilement les consciences. Cette nouvelle révolution “culturelle” se fait plus précisément par le traitement idéologique du sexuel. Et cela convoque inévitablement l’intérêt de la psychanalyse, dans la mesure où on assiste à des véritables troubles de civilisation composant une néopsychopathologie (Arce Ross, 2017).

C’est à cause de ces préjugés idéologiques que les qualificatifs sur les positionnements politiques (“extrême droite”, “populiste”, “nazi” ou “fasciste”) ne sont pas utilisés à bon escient. Ils ne servent plus à établir une analyse en profondeur du programme politique du candidat, mais sont utilisés pour le disqualifier moralement aux yeux de l’opinion publique. La fausse analyse politique fonctionne comme une fabrique d’injures dont il est difficile par la suite s’en défaire.

Dans un pays comme le Brésil où presque tous les candidats sont de gauche ou d’extrême gauche, l’attribution de l’étiquette extrême droite à un candidat s’exerce de manière arbitraire. Cette attribution est faite notamment par la prise en compte de la manière où il se place vis-à-vis du panféminisme, du genrisme, des normes sociétales et des sexualités identitaires qui dominaient jusqu’à il y a peu les mentalités brésiliennes.

Est considéré fallacieusement comme étant d’extrême droite celui qui n’accepte pas de croire que les minorités ethniques continuent à être les victimes des blancs, ou celui qui n’accepte pas de considérer les femmes comme victimes des hommes, ou encore celui qui n’accepte pas que les homosexuels sont les victimes d’une supposée homophobie des hétérosexuels. Ou si, en plus, ce candidat dit vouloir s’attaquer avec vigueur à l’insécurité, c’est-à-dire à la délinquance et à la criminalité qui gangrènent la société brésilienne, en favorisant le port d’armes.

Or, nous savons que ces éléments ne sont pas suffisants, loin de là, pour situer quelqu’un dans l’extrême droite. Pour cela, il faudrait plutôt évaluer l’apologie qu’un personnage politique fait des crimes contre l’humanité, sa tendance à vouloir étatiser la plupart des activités essentielles d’un pays, l’appel concret qu’il peut faire pour des actes violents ou terroristes, son programme liberticide et totalitaire, l’absence de valeurs éthiques, morales ou religieuses, la volonté de restreindre le pouvoir au seul bénéfice d’une nation ou d’une communauté ethnique, la suppression ou la restriction considérable des libertés individuelles comme la liberté d’expression et la liberté d’entreprendre, la persécution et la violence réelle contre des adversaires politiques, la création de groupes secrets pour exercer un pouvoir clandestin dans l’exercice du pouvoir officiel, la création d’un système de corruption pour financer un pouvoir dans le pouvoir, l’utilisation de toute manœuvre légale ou illégale pour la manipulation idéologique des consciences, le développement au sein de son groupe de la jouissance identitaire (Arce Ross, 2015).

Contre toute logique, ce sont justement les gens qui critiquent le renversement des valeurs, cette dérive perverse dans la civilisation poussant à la victimisation des minorités ethniques, des femmes ou des homosexuels, qui se voient être traités de nazis, de fascistes ou d’appartenir à l’extrême droite sans respecter la réelle signification que ces qualificatifs ont dans l’histoire de l’humanité. C’est le cas de Jair Bolsonaro dans les élections présidentielles de 2018 au Brésil.

Manipulation idéologique de la perception sociale

Comme nous venons de le dire, la majorité des candidats brésiliens sont de centre gauche, de gauche (Ciro Gomez du Parti Démocratique Travailliste) et surtout de l’extrême gauche totalitaire (Fernando Haddad du PT, Marina Silva do PV, Guilherme Boulos du Partido Socialismo e Liberdade). Il n’y a que deux candidats que l’on peut classer dans le centre droite (Geraldo Alckmin du social-démocrate PSDB et João Amoedo du Partido Novo, libéral). Devant ce tableau rouge, rose ou bleu ciel, le seul candidat représentant réellement la droite, Jair Bolsonaro, est facilement vu par certains comme étant d’extrême droite. Cela ne tient donc qu’à l’effet d’une perception erronée, induite par 16 ans au pouvoir de l’extrême gauche totalitaire. Au Brésil, l’opinion publique a été longtemps manipulée par une ambiance culturelle de gauche et surtout par le long exercice du pouvoir de l’extrême gauche.

Y compris entre eux-mêmes, les candidats se sont habitués à qualifier les autres par des étiquettes utilitaires mais toujours approximatives et parfois contradictoires ou abusives. Ainsi, par exemple, Marina Silva a accusé Jair Bolsonaro d’être d’extrême droite alors que, de son côté, elle, qui combine des éléments de gauche avec des principes conservateurs de droite, était appuyée par une partie de l’extrême gauche et, paradoxalement, elle est aussi accusée à son tour, par l’autre partie d’extrême gauche, d’être d’extrême droite (Moura Brasil, 2017). Également, selon les quelques élus de l’extrême gauche bolivarienne auxquels la presse occidentale donne parole, comme Chico Alencar, du Partido Socialismo e Liberdade (PSOL, extrême gauche) l’élection de Bolsonaro représenterait « l’opportunité, pour l’extrême droite ultraréactionnaire et nostalgique de la dictature militaire, de sortir du placard. Et même de prendre le pouvoir » (Gatinois, 2018). Il est vrai que Claire Gatinois, la correspondante du journal Le Monde au Brésil, ne perd jamais l’opportunité d’accorder la parole aux représentants de la gauche totalitaire brésilienne et d’attribuer, sans aucune explication valable, l’adjectif d’extrême droite à Jair Bolsonaro. Nous sommes bien là dans la pleine manipulation idéologique des médias.

Aussi, beaucoup d’artistes brésiliens, connus et admirés en Europe, comme peuvent l’être Caetano Veloso, Gilberto Gil ou Chico Buarque, exercent leur influence médiatique encore aujourdhui pour discréditer Bolsonaro en l’accusant d’appartenir à l’extrême droite. N’oublions pas que les artistes cités ont collaboré, d’une façon ou d’une d’autre, avec les gouvernements Lula et Dilma Rousseff. Par exemple, Gilberto Gil a même été Ministre de la Culture du gouvernement Lula et, à ce titre, il a été dernièrement auditionné, en tant que témoin assisté, par le juge Sergio Moro dans l’un des volets des affaires de corruption du système Lula.

Beaucoup de ces artistes connus sont devenus juges et parties, et aussi bien actionnaires et clients du système Lula, Dilma et PT. Les journalistes correspondants des journaux européens ont plutôt tendance à les écouter et, du coup, une opinion purement idéologique ou clientéliste peut acquerir trop facilement la valeur d’une analyse politique. Si ces artistes qu’on aime tant disent que Bolsonaro est d’extrême droite, c’est qu’il doit l’être. Voilà aussi d’où part ce qualificatif politique. C’est ainsi que des journaux comme Libération (ce qui est encore compréhensible), mais également Le Monde, Le Figaro, Le Point ou L’Express (ce qui l’est beaucoup moins) répètent sans cesse l’attribut d’extrême droite à chaque fois qu’ils font un article sur Jair Bolsonaro. Il y a donc là vraisemblablement la collusion entre une interprétation idéologique de la réalité et l’analyse politique qui requiert une certaine distance et beaucoup moins de passion.

Le soubassement pragmatique est que beaucoup de ces artistes, en compensation de leur engagement “culturel”, on été favorisés par des avantages permis par la loi Rouanet. Cette loi a été créée par le système idéologique des gouvernements d’extrême gauche de Lula pour tenter de matérialiser l’adhésion politique des artistes au plan de gouvernement, sous couvert d’une aide à l’art et au monde du spectacle. En tout cas, ce sont les arguments avancés par ceux qui critiquent l’instrumentalisation de la loi Rouanet à des fins politiques.

Quelques professeurs universitaires s’y sont prêté au jeu de la collaboration avec les gouvernements de l’extrême gauche totalitaire. Nous oublions pas que celle-ci a toujours semé la haine de classe contre la bourgeoisie et contre la petite bourgeoisie pour attiser les contradictions sociales et gagner des espaces d’influence. C’est ainsi que l’une de mes professeurs lorsque j’étudiais Philosophie a l’Université de Sao Paulo, Marilena Chaui, s’est progressivement radicalisé au point de devenir l’un des vecteurs intellectuels des idéologies de la haine. Artistes, professeurs d’université, journalistes, chaînes de TV et intellectuels ont participé à la grande manipulation idéologique d’extrême gauche pour justifier et influencer inconsciemment la perception sociale et politique du peuple.

Sexualités identitaires et banalisation du nazisme

Tout cela a créé, au Brésil, une ambiance idéologique d’extrême gauche colorée par le panféminisme, par les sexualités identitaires et par le genrisme. Nous avons vu des expositions financées par la loi Rouanet, comme celle au Musée d’Art de Sao Paulo, où des hommes se produisaient en dansant nus et en se faisant toucher le corps par des enfants du public. Ou une autre exposition à Porto Alegre, financée par le Banco Santander, où étaient exposés devant un public d’enfants des tableaux où un homme noir se trouvait sodomisé par un homme blanc tout en accomplissant une fellation à un autre blanc. Ou encore un autre spectacle dit “artistique” où hommes et femmes dansaient en cercle tout en insérant un doigt dans l’anus de la personne précédente.

À ce propos, par exemple, Ricardo Boechat, un journaliste de grande qualité, travaillant à la radio Bandeirantes, a fini par décevoir le public en affirmant que les gens qui critiquaient cette forme d’art étaient des « nazis ». Voici donc un clair exemple de renversement des valeurs produits para la manipulation médiatique de la perception sociale. Pour ce journaliste, ce ne sont pas les artistes véhiculant une apologie de la pédophilie qui sont en tort, mais bien les gens qui les critiquent. Immédiatement après ces propos malheureux, Ronaldo Gomlevsky, journaliste, avocat et entrepreneur, directeur des éditions Menorah et ex-Président de la Fédération Israélite de Rio de Janeiro, a dû contester avec fermeté et vigueur ces opinions qui modifient le terme “nazisme” en le banalisant et en le vidant involontairement de sa substance criminelle (Gomlevsky, 2017).

Étant donné que Jair Bolsonaro a le courage de s’opposer à l’extrême gauche de Lula, Dilma Rousseff et PT, mais également au panféminisme, aux sexualités identitaires et au genrisme, il ne peut être considéré par ses adversaires que comme étant à l’opposé voire à l’autre extrême de leurs points de vue. Toutefois, il ne s’agit là que d’une illusion idéologique ou d’un cynisme préconçu, selon les cas. Car la plupart des propos de Jair Bolsonaro ne sont que du sens commun avec l’objectif de remettre les choses à leur place, dans un pays souffrant d’une grave crise sociale, économique, morale et macropsychique.

Jair Bolsonaro est-il raciste, misogyne, homophobe ?

Jair Bolsonaro est-il raciste ?

Il est devenu très courant d’accuser l’Autre, quel qu’il soit, de raciste si on lui prête, ou si on projette sur lui, la moindre suspicion de haine concernant la jouissance des autres. Selon notre époque perverse, tout le monde est devenu potentiellement le raciste d’un Autre, même si celui-ci se trouve idéologiquement dépourvu de race. Pour peu qu’on se méfie de quelqu’un, on peut lui supposer la tendance à contenir des sentiments racistes. C’est par ce système d’interdépendance persécutrice, né comme une excroissance de la jouissance identitaire, qu’on a voulu faire de Jair Bolsonaro un homme d’extrême droite et un nazi. Un antisémite en somme.

Cependant, cette supposition est trop difficile à la lui faire porter, étant donné qu’il est un grand ami d’Israël aussi bien que de la culture juive. Très croyant, il a même organisé, en 2016, son baptême en Israël (Estadão, 2016). Également, comme Donald Trump, s’il est élu, Jair Bolsonaro prévoit une politique étrangère qui inclurait la défense sans équivoques d’Israel aussi bien que la légitimité de Jérusalem comme capitale (Nascimento, 2018).

Quant à la question des noirs, l’une des phrases polémiques de Bolsonaro a été le produit, selon lui, d’un malentendu concernant le sens d’une question posée à la TV. La chanteuse Preta Gil lui a posé la question, à travers un enregistrement préalable fait à l’extérieur avec un peu de bruit autour, sur ce qu’il ferait s’il savait que l’un de ses fils sortait avec une femme noire. Ce à quoi Bolsonaro avait répondu que, puisque ses fils avaient été bien élevés, ils ne tomberaient jamais « dans pareille promiscuité ». Comme il est naturel, cette phrase a produit un scandale. Cependant, Bolosonaro a pu expliquer après-coup qu’il avait compris que la chanteuse lui demandait ce qu’il ferait si l’un de ses fils sortait avec un autre homme. Et là, évidemment, sa réponse a un sens, puisqu’il parlait de «promiscuité » (Bresciani, 2011). Pour lui, promiscuité il y a si l’un de ses fils couchait avec un autre homme et non pas avec une femme noire. Par ailleurs, ce serait étonnant que Bolsonaro soutienne le racisme contre les noirs puisqu’il se trouve que du sang noir africain court dans les veines de sa fille. Cela nous permet de lui faire confiance quant à sa sincérité.

Notons ici que le mot « noir » pour faire référence à un citoyen noir, ou afro-descendant, n’est pas connoté négativement. Ou, en tout cas, pas seulement. Car il peut avoir et a effectivement une connotation positive, revendiquée bien souvent par les intéressés eux-mêmes. Cependant, du fait d’un développement des idéologies politiquement identitaires comme celles qui priment en Europe, on commence au Brésil à avoir peur du mot « noir ». Mais, « après tout, qui a peur du mot “noir”? L’expression « peur » présuppose que nous avons une prévention donnée contre ce qui peut la causer. Nous évitons donc les situations qui peuvent nous effrayer. Les mots aussi, parce qu’ils sont pleins de significations, peuvent nous effrayer. Il y a encore beaucoup de gens aujourd’hui qui évitent certains mots comme si, en les prononçant, le mal était attiré. Il est probable que le mot “noir”, pour ceux qui sont racistes ou pour leur victime conformiste, doit avoir ce sens du tabou: si on l’énonce, il risque d’attirer le mal. Dans le cas présent, cela attire la vengeance du noir contre le blanc ou la pratique du racisme du blanc et du métis contre le noir. Ainsi, faire taire le mot “noir” serait une mesure de précaution » (Silva, 2010).

Cependant, dans le discours colloquial et dans la vie de la culture populaire brésilienne, tout le monde presque peut traiter l’autre de « noir », de « petit noir » ou de « grand noir », comme preuve d’affection ou d’amitié. La négritude n’est pas, en soi, quelque chose dont on peut en avoir honte. Au contraire, elle peut être une valeur de fierté car elle appartient à l’une des nombreuses racines culturelles qui composent la richesse humaine du pays. En tout cas, je n’ai jamais vu un autre pays que le Brésil ayant fait autant pour que les différentes ethnies qui le composent vivent aussi bien entre elles. Le problème est que ces deux dernières décennies, du fait des politiques catastrophiques des gouvernements d’extrême gauche, le Brésil est entré dans une période dangereuse d’anomie civilisationnelle. Et c’est à ce niveau qui s’expriment, avec une extrême violence parfois, les antagonismes des différences égoïstes, de plus en plus malheureusement au détriment d’un protagonisme unificateur.

Prenons maintenant la phrase concernant les populations afro-descendantes des esclaves, les quilombolas, qui avait été, à tort, considérée comme « raciste » et qui avait donné lieu à un procès contre Jair Bolsonaro.

Les quilombolas ce sont aujourd’hui les habitants des communautés rurales et descendants africains des anciens quilombos. Les quilombos existaient à l’époque de l’esclavage, notamment entre les XVIème et XIXème siècles, et étaient nommés ainsi par la signification de “fuite permanente” dans laquelle ils vivaient, signification qui appartient à ce mot tupi-guarani. La particularité des quilombos c’est qu’ils étaient composés de populations africaines ayant fuit l’esclavage des fermes consacrées à la cane de sucre, par exemple (Souza, 2012).

Dans les quilombos, les africains n’étaient plus esclaves, sans être cependant pour autant déjà libres. Car ils étaient constamment menacés par des fermiers qui les attaquaient pour tenter de récupérer les esclaves évadés. Petit à petit, les quilombolas ont réussi à se maintenir et à avoir un statut d’hommes libres. Cependant, même encore aujourd’hui les quilombolas se font assassiner, tendance qui a augmenté ces 10 dernières années. Par exemple, rien qu’en 2017, il y a eu pas moins de 18 assassinats à l’intérieur de cette population (Notícias R7, 2018). Ainsi, puisque même aujourd’hui leur situation n’est pas dépourvue de réels dangers et de menaces constantes, que cette situation reste fragile sans des solutions efficaces et qu’en plus les mesures décidées sont trop coûteuses pour l’État, que Jair Bolsonaro a voulu dénoncer la gestion des quilombolas par les gouvernements précédents.

Étant un grand ami de la communauté israélite, Jair Bolsonaro est régulièrement convié à présenter des conférences dans leurs institutions. Dans l’une d’elles, en 2017, au Club Hebraica, à Rio de Janeiro, il a été très applaudi quand il a dit la phrase suivante : « j’ai été dans un quilombo. Le plus léger des descendants africains y pesait sept arrobes [plus ou moins 84 kilos]. Ils ne font rien. Je pense qu’il ne sert même pas pour être procréateur. Et pourtant, on y dépense plus d’un milliard de Réais par an » (Congresso Em Foco, 2017). Les 300 personnes du public, principalement composé de Juifs descendants des réfugiés de la Seconde Guerre mondiale, n’auraient pas autant applaudi s’ils avaient trouvé le moindre propos raciste dans ce discours. Sans doute, la critique de Bolsonaro ne se dirigeait pas envers les quilombolas, mais vers les ONG qui les administrent grâce aux sommes impressionnantes allouées par les gouvernements précédents.

Le 11 septembre 2018, le Suprême Tribunal du Brésil a rejeté l’accusation abusive de « racisme » contre Jair Bolsonaro pour cette phrase. Il est donc complètement innocenté dans toute affaire concernant la charge de racisme.  Lors du vote qui a conduit au dépôt de la dénonciation du racisme par le MPF contre Bolsonaro, Alexandre de Moraes, ministre et Président du Tribunal, a déclaré : « je ne doute pas de la grossièreté et de la vulgarité par rapport aux quilombolas. L’accusé (Bolsonaro) a montré une ignorance totale de la réalité. Je le répète, c’étaient des critiques acides, brutales et vulgaires, mais il ne me semble pas avoir extrapolé les limites de sa liberté d’expression qualifiée » (Éboli, 2018)

Lors des débats et des analyses qui ont suivi le premier tour des élections, les journalistes brésiliens ne considèrent pas du tout Jair Bolsonaro comme quelqu’un d’extrême droite. Ils le considèrent, tel que je le fais également, comme un « conservateur de droite »Un excellent journaliste et commentateur comme Felipe Moura Brasil — lequel d’ailleurs n’est pas d’accord avec Bolsonaro — dit, à juste titre, que celui-ci n’avait que 9 ans lors du début de la dictature militaire. En effet, Bolsonaro n’a eu aucune participation dans un mouvement militaire ayant eu lieu plus de 40 ans en arrière.

Selon Felipe Moura Brasil, ses phrases sur les Quilombolas ne peuvent pas non plus être considérées comme « racistes » et c’est pour cela, que le Suprême Tribunal du Brésil a d’ailleurs rejeté l’accusation abusive contre Jair Bolsonaro pour « racisme ». Enfin, pour Felipe Moura Brasil, appeler Jair Bolsonaro de « raciste », « fasciste », « nazi » ou « d’extrême droite » est même irresponsable (Moura Brasil, 2018).

À la suite de quelques actes violents de certains extrémistes de droite et de gauche, juste après le premier tour des élections, Jair Bolsonaro a affirmé haut et fort qu’il répudie le nazisme, le racisme et qu’il condamne les actes de violence ayant eu lieu par des gens qui voteraient pour lui. Il a publiquement demandé à ces gens de voter nul ou pour l’opposition, mais pas pour lui. Il espère également que les autorités prennent les mesures nécessaires pour trouver les coupables. Et il a ajouté ceci : « il existe également un mouvement orchestré, qui construit des agressions pour saper notre campagne et qui nous lie au nazisme, ce que, comme le communisme, nous répudions complètement. C’est l’un des nombreux mensonges qu’ils répandent sur moi. Nous admirons et respectons Israël et son peuple » (Azevedo, 2018).

Nous devons ajouter ici quelques informations complémentaires sur l’histoire des croix gammées “apparues” sur le ventre d’une étudiante qui se plaignait d’avoir été attaquée par des militants de Jair Bosonaro. En fait, après une enquête approfondie, la police a découvert qu’il s’agissait d’une automutilation et la jeune va devoir répondre devant la justice. En effet, selon plusieurs journaux brésiliens, « l’enquête menée par la police civile du Rio Grande do Sul a révélé que l’étudiante âgée de 19 ans, portant une croix gammée sur le ventre, s’est automutilée et n’a pas été attaquée par les partisans du candidat Jair Bolsonaro (PSL), comme elle le prétendait. Elle va devoir répondre à la justice par cette fausse déclaration d’un crime » (IG São Paulo, 2018).

Également, sur l’affaire des croix gammées peintes sur la façade d’une église près de Rio, ce sont encore des militants d’extrême gauche qui ont été arrêtés par la police pour avoir dessiné ces croix gammées avec l’intention de les faire passer par des gens proches de Jair Bolsonaro. Ils vont devoir également répondre devant la justice. Selon les journaux brésiliens, « deux militants opposés au candidat Jair Bolsonaro (PSL) ont été arrêtés dans la région montagneuse de Rio de Janeiro après avoir peint des croix gammées dans une chapelle du district de Nova Friburgo. Les vandales ont été arrêtés par la police civile après avoir été identifiés par des caméras de sécurité » (Chagas, 2018).

Jair Bolsonaro est-il misogyne ?

Pour savoir si l’accusation est légitime ou abusive, nous devons situer le contexte historique, inter-relationnel et linguistique où la principale injure dite misogyne a été proférée par Jair Bolsonaro, aussi bien que ce que ce contexte est devenu sur le plan légal.

Le 31 octobre 2003, un jeune couple d’étudiants, Liana Friedenbach, de 16 ans, et Felipe Silva Caffé, de 19 ans, passa la nuit dans l’espace ouvert sous le Musée d’Art Moderne de São Paulo. Traversés par des rêves propres à ce jeune âge, ils ont attendu le petit matin pour partir, à l’aventure, faire du camping sauvage dans une maison abandonnée à Embu-Guaçu, à quelques 47 kilomètres de la capitale de l’État.

Non sans raison, les parents de Liana Friedenbach, une famille assez riche, se méfiaient un peu de Felipe Caffé et n’étaient surtout pas d’accord avec la relation de leur fille avec lui. Mais nous savons combien il est difficile de nos jours que des parents exercent pleinement leur fonction et interdisent des attitudes dangereuses à leurs enfants adolescents. Comme tant d’autres, ces parents étaient réduits à s’interdire d’interdire pour suivre l’idéologie et la nouvelle morale en vogue chez les gens “éclairés” et “progresistes”. Ils se cantonnaient ainsi à seulement énoncer leur désapprobation quant à la relation amoureuse de leur fille. C’est pour cette raison que les deux amoureux sont partis faire du camping en cachette, dans un lieu presque complètement isolé, au milieu de la forêt. Pour tempérer l’inquiétude de ses parents, Liana leur avait dit qu’elle allait plutôt à un endroit sécurisé et chic avec des jeunes de la communauté israélite à laquelle elle appartenait.

Ils sont arrivés sur place dans l’après-midi du vendredi 31 octobre et furent rapidement aperçus par un autre jeune adolescent, grand délinquant et considéré psychopathe, lequel habitait à quelques kilomètres de là. Roberto Aparecido Alves Cardoso, dit Champinha, de 16 ans également, est né à Embu-Guaçu en 1986. « Il avait eu une enfance pauvre et, depuis assez petit, il présentait déjà les signes d’une psychopathie. Une enseignante a rapporté qu’elle l’avait aperçu en train de maltraiter froidement des animaux. Il a également été accusé d’avoir tué un sans-abri, mais le crime n’a jamais été prouvé » (Baranyi, 2018).

Champinha et un complice un peu plus âgé qu’il avait appelé entretemps se sont décidés à les attaquer pour les voler dès le lendemain, le 1er novembre. Constatant que les jeunes Liana et Felipe n’avaient rien de valeur sur eux, les jeunes assaillants changèrent alors d’objectif et passèrent à rechercher d’autres avantages, d’autres bénéfices, cette fois-ci en nature. C’est ainsi qu’entre le 1er et le 5 novembre, il s’en est suivi une série frénétique de séquestrations avec traitements sadiques, violences verbales, tortures, viols individuels, viols collectifs et assassinats d’une grande violence.

Après que son complice soit parti, faute de valeurs matérielles à voler, Champinha s’est occupé de ses séquestrés de la façon suivante. D’abord, il s’est rapidement aperçu qu’il n’obtiendrait rien d’intéressant du pauvre garçon, Felipe venant d’une famille plutôt dans le besoin. Il a ainsi décidé de raccourcir son temps de séquestration et, après s’être payé la jouissance sadique de lui infliger quelques tortures physiques, il l’a froidement assassiné d’une balle dans la nuque tout en abandonnant son corps au milieu de la forêt.

Dans la seconde nuit de séquestration et après déjà avoir abondamment violé Liana, Champinha l’a emmenée dans une autre maison non habitée où attendait un autre complice. Plusieurs autres “invités” sont passés à la maison pour violer Liana sous les horribles auspices de Champinha. Deux autres jours et deux autres nuits se sont écoulés suivant le même rythme effréné de violences physiques et sexuelles. Mais alors que la police était déjà au courant de la disparition des jeunes et s’approchait du lieu des faits, à l’aube du 5 novembre, Champinha a emmené la victime au même endroit où Felipe avait été tué. Il a essayé de l’égorger mais, puisqu’il n’y parvenait pas, il lui a frappé plusieurs fois le dos et le thorax avec un grand couteau de cuisine. S’apercevant néanmoins qu’elle était encore vivante, Champinha l’a achevée par des coups exécutés avec le manche du couteau jusqu’à obtenir un traumatisme crânien irréversible. Les corps des victimes n’ont été retrouvés que cinq jours plus tard et les suspects seulement arrêtés le 10 novembre (Baranyi, 2018).

Le problème pénal et éthique posé par ce crime affreux se trouve dans le fait que le criminel principal n’avait, à l’époque des crimes, que 16 ans. Il était donc mineur selon la loi brésilienne et, de ce fait, il ne pouvait pas être tout à fait considéré responsable de ses actes comme l’est un adulte. À ce titre, il n’était pas susceptible d’aller en prison mais en maison de correction éducative pour des jeunes délinquants pour un maximum de trois ans et, quoi qu’il arrive, il était libérable à ses 21 ans, selon l’article 121, paragraphe 5, du Statut de l’Enfant et de l’Adolescent (Lei 8069, 1990).

Dévorée moralement par l’horreur indicible de ces crimes aussi bien que par son dénouement pénal concernant Champinha, l’opinion publique brésilienne s’est trouvée profondément divisée. Il y avait une partie de la société brésilienne qui considérait Champinha comme un simple jeune délinquant en conflit avec la loi et l’autorité. Et préconisait des mesures socio-éducatives renforcées, en maison de correction pour jeunes. Mais il y avait une autre partie de la population qui réclamait depuis déjà longtemps une réduction de l’âge de la majorité pénale.

Selon une enquête faite par Datafolha, 87 % de la population brésilienne serait pour une diminution de la majorité pénale de 18 à 16 ans (Estadão, 2015). Entre ces gens se trouvait justement le député Jair Bolsonaro qui, pour lutter efficacement contre les viols et autres crimes commis par des jeunes de plus de 15 ans, voulait réduire l’âge de la majorité pénale. Pour cela, il avait participé de la Commission Spéciale du Statut de la famille (Agência Câmara, 2015). Mais la députée Maria do Rosário Nunes, du PT, était une opposante farouche à la réduction de la majorité pénale de 18 à 16 ans.

C’est lors de ces débats, dans ce cadre historique si chargé émotionnellement pour toute la population brésilienne et alors que Jair Bolsonaro parlait à la presse dans les couloirs de l’Assemblée législative, qu’il y a eu l’altercation entre Maria do Rosário et Jair Bolsonaro et que la phrase dite misogyne a eu lieu.

Contrairement à Jair Bolsonaro, la parlementaire Maria do Rosário considérait que Champinha, n’ayant que 16 ans lors des faits, ne pouvait pas aller en prison car il était, à ce moment-là, « seulement un enfant » (Sarmento, 2016).En 2003, elle s’est immiscée dans une interview que Jair Bolsonaro était en train d’accorder, dans laquelle il défendait la nécessité de diminuer la responsabilité pénale pour mettre en prison les jeunes violeurs de plus de 15 ans, et l’a traité à son tour de « violeur » devant les caméras. Car, selon elle, en défendant de telles thèses, il était en train de « promouvoir ces violences ». Très indigné, Bolsonaro a rétorqué : « je ne suis pas un violeur. Si j’en étais un, je ne vous violerais pas car vous ne le méritez même pas. Vous êtes trop moche » (IstoÉ, 2014).

Ayant une personnalité histrionique et conflictuelle, Maria do Rosário a déjà créé plusieurs scandales avec d’autres élus dont le député Waldir Soares de Oliveira avec qui l’affaire s’est presque terminé en procès (Schreiber, 2015). Également, se croyant au-dessus des lois, Maria do Rosário avait l’habitude de rouler sans les documents de sa voiture, jusqu’à ce que la police l’arrête (Panke, 2015). Mais, surtout, Maria do Rosário est citée comme accusée dans un procès en cours pour l’affaire dite de la Caixa Dois appartenant au dossier de haute corruption Odebrecht (Aires, 2017).

Le problème, à mon avis, n’est pas tellement cette phrase mais, Maria do Rosário s’étant trop rapprochée de son espace vital dans une attitude agressive, le fait qu’il l’ait poussée et l’ait appelée par la suite de « vagabunda » (« salope »). Si cet échange avait eu lieu entre deux hommes ou entre deux femmes, les choses seraient restées là. Mais comme il s’agissait d’un homme contre une femme, les choses se sont envenimées. Mais, reprenons la phrase incriminée.

C’est surtout la relation entre le mot “viol”, ou “violeur”, et l’idée de “mériter d’être violée” qui a fait scandale. Il me semble toutefois que le terme “violer”, dans la phrase, ne se réfère pas spécifiquement à la signification de violer, mais à celle générique de n’importe quel contact sexuel actif (violent ou pas). Cela peut paraître choquant de faire équivaloir “viol” avec “n’importe quel acte sexuel en général”, mais dans certaines tournures langagières cela peut se justifier, sans que l’on veuille pousser vers la signification d’un viol réel. Plus précisément, dans la phrase de Bolsonaro, le terme “viol” renforce le fait que l’émetteur met l’interlocutrice comme objet passif d’un acte sexuel et cela peut avoir son intérêt pour l’attaquer, elle et non pas les femmes en général. Le terme “violer” dans cette phrase serait ainsi un élément auxiliaire de la partie essentielle de la phrase : “vous êtes trop moche”. Le trait est grossier, le propos est vulgaire, mais il se trouve que ce mot d’esprit se veut être injurieux pour répondre à l’insulte reçue.

Notons aussi que le terme “viol” dans cette phrase, comme équivalent d’un acte sexuel générique (et pas uniquement violent), appartient à un langage fantasmatique ou caricatural. On peut retrouver ce type de langage dans les groupes d’hommes, dans les casernes, dans les vestiaires de foot, dans les soirées arrosées, sans que cela ait la moindre signification d’une apologie du viol. Dans ce type d’échanges, on peut s’apercevoir ce que l’histoire de l’art a montré concernant la puissance de l’image véhiculée par certains mots ou la puissance de certains mots véhiculés comme s’ils étaient des images dessinées ou des caricatures.

C’est le cas des figures de style comme l’ekphrasis ou l’hypotypose par lesquelles on essaie de décrire un fait avec des mots presque visuels ou saturés par la puissance d’une image qui se veut visuelle ou caricaturale. Umberto Eco considère que « l’hypotypose est l’effet rhétorique par lequel des mots rendent évidents des phénomènes visuels », de telle façon que l’interlocuteur ait l’impression de voir ou de ressentir la chose dite plutôt que de seulement l’entendre (Eco, 2003), comme si elle pouvait réellement exister. Cela a l’objectif de l’interloquer voire de le paralyser ou de le choquer. En complément, Eco considère qu’« avec l’ekphrasis on traduit un texte visuel en texte écrit » (Eco, 2003), de telle façon à faire émerger chez l’interlocuteur des représentations personnelles fortes, probablement en lien avec son histoire ou avec son psychisme, par des évocations vivaces, provocantes ou choquantes. Ainsi, de par l’inclusion de l’hypotypose (« vous ne méritez même pas d’être violée ») dans l’ekphrasis principale (« vous êtes trop moche »), l’objectif dans cette phrase c’est de pousser la signification jusqu’à ses dernières conséquences pour renforcer le trait émotionnel immobilisant l’interlocuteur. Mais aussi pour faire apparaître, de manière sensitive, théâtrale et allégorique et par un humour noir et extrême, un sens de complicité chez le spectateur.

Ce type de langage est proche de la narrative visuelle et exagérée de la bande dessinée ou des dessins animés. Dans ces petits films caricaturaux, comme chez Tex Avery, Bugs Bunny ou Bip Bip et Coyote, où il peut s’agir d’un désir très fort d’attraper l’autre ou de le persécuter jusqu’au bout du monde, il y a des images hyper violentes qui se veulent humoristiques. Ces dessins volontaristes mettent en scène une imagerie forçant le trait d’un corps dépecé, morcelé, troué par les balles, coupé en deux, réduit en cendres, non pas comme une apologie du crime, mais comme un exutoire artistique. Il s’agit d’un exutoire sublimatoire pour satisfaire la violence des émotions et des affects négatifs que l’on peut ressentir envers quelqu’un qui nous agresse ou qui nous contraint. Ces films courts ou ces contes, comme ceux de Hans Christian Andersen ou de Charles Perrault, ayant toujours des représentations violentes présentées parfois de manière crue ou non raffinée, aident les enfants à gérer leurs émotions négatives en provenance des déceptions, des frustrations, des privations et des injustices subies.

Si on peut convenir que la phrase est grossière et vulgaire, elle ne semble pas pouvoir être assimilée à une apologie du viol. Il s’agit plutôt d’un mot d’esprit injurieux et outrageant pour tenter de paralyser son interlocutrice et la déstabiliser.

La représentation langagière de la violence, de la haine, de la colère, du désir d’agression, n’équivaut pas à leur apologie mais à une satisfaction psychique ayant, en plus, comme utilité première celle d’éviter le passage à l’acte. Insulter de la sorte quelqu’un vient à la place de l’agression physique. Voilà l’utilitépsychique du langage fantasmatique dans sa version violente et caricaturale. Et c’est pour cette raison que ce langage est souvent utilisé dans le mot d’esprit de l’humeur noir, très prisé dans des pays comme l’Angleterre, où il s’agit d’inviter le tiers à éprouver une explosion de rire à partir de notions agressives et violentes travaillées de façon exagérée ou absurde.

La vie en société et familiale nous impose, à travers le refoulement, des restrictions très fortes concernant les pulsions sexuelles mais également les impulsions hostiles envers les autres, et notamment envers nos ennemis. De ce fait, selon Freud, « l’hostilité violente, interdite par la loi, a été relayée par l’invective en parole » (Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, p. 121) et notre colère peut de préférence passer par les injures, par les jugements hostiles, par les caricatures méchantes, par les propos affreux plutôt que par les actes violents.

Les pires injures peuvent ainsi prévenir des réelles agressions. « Depuis que nous avons dû renoncer à exprimer notre hostilité par l’action […], nous avons développé, tout à fait comme dans l’agression sexuelle [je souligne “comme dans l’agression sexuelle”] une nouvelle technique d’outrage qui a pour but d’enrôler [le] tiers contre notre ennemi » (Freud, pp. 121-122). L’explication de Freud est très lucide car elle nous indique que le pire outrage verbal, équivalent par exagération absurde à une agression sexuelle, c’est-à-dire à un viol, a le but d’utiliser notre ennemi comme un instrument de la jouissance humoristique d’un tiers lequel peut accéder ainsi plus facilement à notre cause. Le problème c’est qu’il faut absolument rabaisser l’ennemi, le rendre « bas, méprisable, comique » voire ridicule de telle façon que l’ennemi, ou l’interlocuteur, “se fait baiser”, ou se fait verbalement “violer”, et en plus en publique, par l’outrage dont il est l’objet.

Le mot d’esprit à capacité hautement outrageuse exploitera les traits les plus personnels appartenant à l’interlocuteur avec l’objectif de libérer les impulsions hostiles de celui qui parle mais également du tiers, tout en rendant l’interlocuteur victime de la joute verbale. Les injures ou les jugements de valeur rabaissants et violents ont ainsi ce triple objectif. Comme le dit Freud, il s’agit de « mettre les rieurs de son côté ».

Cependant, aujourd’hui, après des décennies de matraquage genriste et sex-identitaire, on est venu à développer une pudeur exagérée, une nouvelle honte hypermoraliste, une phobie restrictive à traiter de certains sujets comme les défauts corporels, les infirmités, les difformités, les comparaisons des êtres humains avec des animaux, les références aux statuts des femmes et des “minorités communautaires”. Un humoriste tel que Coluche se verrait aujourd’hui probablement inondé de procès ou de disqualifications idéologiques. C’est l’air du temps et on pense qu’en agissant de la sorte on devient plus civilisé. Le problème est qu’en réduisant considérablement la richesse des ressources gestuelles, linguistiques et relationnelles des injures, on tombe de plus en plus dans les violences par les actes, non seulement sexuels contre femmes et enfants, mais aussi racistes ou contre les homosexuels ou contre les transsexuels. Sans possibilité d’insulter ou d’injurier, l’agression physique devient dangereusement plus proche, plus “parlante”.

À notre époque, on fait semblant de croire qu’insulter, injurier ou outrager verbalement est mauvais ou appartient aux profils d’extrême droite. On fait semblant de croire, comme les dames hyper-catholiques d’une époque vis-à-vis des discours sexualisés, qu’énoncer des injures violentes est opposé à la démocratie. Comme si celle-ci ne pouvait être pensée ou vécue que par des êtres finement policés et, à la limite, sans passions ni états d’âme. On robotise, au contraire, le citoyen. On le robotise de manière idéologique en lui gommant le piquant, le nerf vif de la joute verbale et en valorisant donc, de manière sous-jacente mais involontaire, le passage à l’acte. À savoir qu’entre citoyens d’une même société, la jouissance ludique n’est plus dans le verbe mais dans l’acte. Tout comme dans la guerre civile.

Ainsi, on préfère des femmes qui mettent en acte, dans les églises, des injures raciales et sexistes inscrites sur leur poitrine dénudée, plutôt que d’entendre des injures ou des blagues salaces sur les femmes. On préfère regarder des films pornographiques d’une grande violence, plutôt que d’entendre des outrages verbaux à connotation sexuelle. On gomme le contraste nécessaire à la caricature verbale pour lui opposer une bienséance identitaire. Pendant ce temps, les actes pédophiles sont de plus en plus acceptés à un âge en dessous de 16 ou 15 ans ; pendant ce temps, on préfère des parades de fierté remplies de personnages à moitié nus, dansant comme dans les peepshows, habillés en cuir et avec des chaînes en métal, tout en mettant en acte des scènes sadiques et sadomasochistes ; pendant ce temps, la misère sexuelle et amoureuse se répand dans les couples sans que les hommes comprennent les femmes qui, à leur tour, se méfient des hommes.

Et le monde européen dit développé et démocratique perd les valeurs du lien de civilisation, périclite tout en le niant, faisant involontairement ou inconsciemment pousser en son sein la frange noire des époques crépusculaires.

Jair Bolsonaro est-il “homophobe” ?

Si les accusations abusives de misogynie ont provoqué une réaction paradoxale dans l’électorat féminin, on a pu observer le même phénomène pour ce qui est des accusations d’“homophobie” dans l’électorat homosexuel.

En septembre 2018, les manifestations de femmes anti-Bolsonaro ont été suivies d’autres manifestions aussi importantes de femmes pro-Bolsonaro. Et, paradoxalement, au discours très anti-Bolsonaro généralisé par les principaux médias brésiliens, dominés encore par des gens idéologiquement de l’extrême gauche du PT, de Lula et de Dilma Rousseff, l’intention du vote féminin pour Bolsonaro n’a cessé de croître. Par exemple, juste après la manifestation des femmes contre lui, le vote féminin pour Bolsonaro est passé « de 21% à 27% » (Machado & Franco, 2018).

De la même façon, il y a beaucoup d’homosexuels, dont certains très connus, qui indiquent qu’ils voteront pour Bolsonaro car ils ne le considèrent pas du tout comme homophobe. Certains d’entre eux ont été d’ailleurs la cible d’agressions odieuses de la part de sex-identitaires d’extrême gauche. C’est ainsi que le maquilleur professionnel, Agustin Fernandez, homosexuel non-identitaire, qui ne cherche pas à être reconnu en tant qu’homosexuel mais en tant que personne, « a utilisé son Instagram pour manifester son positionnement politique où il a déclaré son soutien au candidat à la Présidence du Brésil, Jair Bolsonaro, du PSL » (Fernandez, 2018).

Voici une vidéo sur ce que beaucoup d’homosexuels pensent sur Jair Bolsonaro. Beaucoup d’entre eux vont voter pour lui parce qu’ils ont compris que Jair Bolsonaro n’est pas contre l’exercice de l’homosexualité mais contre l’activisme identitaire qui manipule ces sexualités :

Si Jair Bolsonaro était vraiment d’extrême droite, s’il était vraiment homophobe ou raciste, Fernando Holiday, noir, homosexuel et militant reconnu du Mouvement Brésil Libre ne manifesterait pas, comme il l’a fait juste avant le premier tour, son soutient et son vote pour Bolsonaro (Holiday, 2018). Et ceci malgré les quelques discordances politiques qu’il a avec le candidat Bolsonaro. La raison est qu’il faut sauver le Brésil de la catastrophe communiste, laquelle constitue la pire régression de l’histoire avec le nazisme et le fascisme.

Jair Bolsonaro est l’objet cause du désir politique brésilien

Quelques sociologues et politologues considèrent également, comme je le pense, que les propos dits “misogynes”, “fascistes” ou “homophobes” ne sont que des provocations rhétoriques faites exprès par Jair Bolsonaro pour marquer sensiblement l’opinion publique et exercer ainsi le droit à un autre marketing politique que celui de l’extrême gauche totalitaire.

N’oublions pas que les mêmes insultes de “misogyne”, “fasciste” ou “homophobe” étaient lancés contre Donald Trump, alors qu’aujourdhui les médias sérieux ne le considèrent plus comme étant réellement d’extrême droite. D’ailleurs, ces insultes sont aussi utilisés contre tout penseur, blogger ou essayiste qui ose critiquer l’idéologie du genre, l’égalité entre hommes et femmes, les normes sociétales ou les sexualités identitaires.

Différemment à Trump, toutefois, Jair Bolsonaro, étant de classe moyenne, n’a pas de fortune personnelle, n’a pas de média affiliée à son programme, a tous les adversaires politiques contre lui, est attaqué de tous les côtés par la plupart des artistes et des intellectuels, a été il y a à peine un mois victime d’un attentat où il a failli mourir… et, pourtant, la grande majorité du peuple brésilien le soutient de manière spontanée et sincère.

Dans un passé assez récent, être considéré de droite, au Brésil, était une grande insulte. Aujourd’hui, l’insulte suprême est d’être indiqué comme d’extrême droite. Cependant, à chaque fois qu’un journaliste lui pose la question, Jair Bolsonaro se situe lui-même dans la droite et non pas dans l’extrême droite, en disant qu’il est un amant de la liberté et un démocrate convaincu (Bolsonaro, 2017). D’ailleurs, le programme de son parti, le Parti Social Libéral, prône une société libre, des citoyens autonomes, un gouvernement efficient avec des attributions limitées, un État de droit, un pouvoir non centralisé, une défense de la famille traditionnelle, une promotion des valeurs conservatrices et un engagement de la société civile comme étant les principaux moteurs pour dépasser la pauvreté et pour développer le pays (Partido Social Liberal). Donc là il n’y a rien qui fasse penser à un programme d’extrême droite mais plutôt à un parti libéral tout en étant également conservateur, à la mode des politiques de Ronald Reagan ou de Madame Thatcher. Cela voudrait dire que, tout comme Donald Trump, Jair Bolsonaro est conservateur concernant les mœurs mais libéral en termes économiques.

Si Jair Bolsonaro est rapidement devenu l’objet cause du désir politique d’un peuple brésilien qui aspire à la paix, c’est surtout, à mon avis, à la suite de l’attentat au couteau qui a failli lui couter la vie un mois avant le premier tour.

L’assaillant, un ancien militant d’un parti d’extrême gauche, vivant de petits boulots, semble bien ne pas avoir agi en solitaire. Car, selon les quelques données apportées pour l’instant par l’enquête, il aurait bénéficié d’appuis financiers, logistiques et juridiques qu’il ne pouvait pas assurer tout seul. Toutes les suppositions indiquent que ce crime affreux aurait été commandité par l’extrême gauche totalitaire. Mais, pour les preuves ou pour les indices matériels, il faut attendre la fin de l’enquête policière.

Devant les yeux étonnés du peuple brésilien, souffrant au quotidien d’une délinquance et d’une criminalité endémique et impressionnante de violence, laquelle s’est accélérée lors du premier gouvernement Lula, le coup de couteau dans l’abdomen de Bolsonaro est la métonymie de ce que personne n’en veut plus. De là, il y a eu un petit pas, constitué par des nouveaux scandales de corruption touchant encore et encore le PT, pour considérer Bolsonaro comme un miraculé et comme le Messie, lequel est d’ailleurs son second prénom. C’est une ironie du destin que celui qui est accusé cyniquement d’être violent ou d’extrême droite est en réalité la victime d’un crime affreux commis par un militant d’extrême gauche.

Voici ce qui serait le discours de « haine » de Jair Bolsonaro selon l’extrême gauche identitaire. Dans son programme de gouvernement, Bolsonaro cherche, veut ou affirme « défendre les valeurs de la famille, une immigration contrôlée, un État social durable, un ordre et une discipline durables, une école sans parti, de lourdes peines pour les criminels, une lutte sérieuse contre la corruption, le désir d’un Brésil prospère, la condamnation de l’enseignement de l’idéologie du genre dans les écoles à des enfants de 4 ans, ne pas objecter au choix sexuel de chacun tant qu’il ne conditionne pas la liberté d’autrui, défendre que l’on combat la pauvreté avec davantage d’éducation et non pas avec plus d’allocations sociales, vouloir un pays sans divisions entre hétérosexuels et homosexuels, entre blancs et noirs, entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, un pays uni, non violent et sécurisé » (Miranda, 2018).

Racines idéologiques de l’appellation abusive d’extrême droite

Passion idéologique et système de persécution de l’Autre supposé méchant

Il va sans dire que je ne défends personne. Je n’appartiens à aucun mouvement social, à aucun syndicat ou parti politique, à aucune religion. Je m’oppose à tout exercice politique qui soit extrémiste, qu’il soit coloré de rouge, de brun, de vert ou de rose. Ce n’est aucune couleur isolée ni même toutes le couleurs de l’arc-en-ciel qui doivent régler nos actes, mais la prise en compte du totalitarisme comme référence infranchissable. Les couleurs sont trompeuses et elles peuvent être perçues de manière différente selon les filtres illimités de la perception. Le totalitarisme prend la couleur de chaque siècle, de chaque époque, de chaque version possible, naziste, fasciste, communiste, socialiste, genriste, pour se maquiller et avancer comme une entité inoffensive. C’est pour cela qu’il faut apprendre à le saisir véritablement plutôt que se laisser tromper par des apparences gestuelles, relationnelles ou linguistiques. C’est, en quelque sorte, l’apprentissage nécessaire pour établir correctement des diagnostics et des pronostics.

Je ne fais qu’analyser une situation, une affaire, un cas comme si c’était un fait clinique appelant tout d’abord à un diagnostic. S’il y a quelque chose à défendre, je défends mon diagnostic, quitte à agacer le monde entier, plutôt qu’à défendre le sujet que j’étudie car je ne suis ni son avocat ni son représentant. Pourquoi je fais cela ? Parce qu’il y a des cas où l’opinion publique se construit une conviction en s’appuyant sur quelques indices, tout à fait réels mais insuffisants, trop rapidement intégrés à un système émotionnel de croyances, de pensées et de sentiments prêt à l’accueillir. On appelle cela juger la réalité d’après l’idéologie et non pas selon une analyse presque mathématique ou logique, comme c’est le cas dans la déduction rationnelle lorsque l’on joue aux échecs. Si votre Roi et votre royaume sont en grand danger il n’y a aucun intérêt à trouver des solutions par l’idéologie, par le sentiments, mais par la logique. Le problème, en outre, est que la conviction sur un fait obtenu à partir de l’idéologie peut être néfaste pour la compréhension de la réalité et peut nous pousser à commettre des injustices.

J’étudie la politique non pas comme un historien traditionnel ou comme un sociologue ou politologue, mais en termes de ce j’appelle les troubles de civilisation qui composent, à mon avis, la nouvelle psychopathologie. J’étudie la politique comme un fait psychique. Ou macropsychique, si l’on préfère. La psychanalyse doit être sensible à ces manifestations pour comprendre l’avenir actuel de l’homme.

Dans le phénomène idéologique parvenu à son stade identitaire, on passe à éprouver de la passion pour ses convictions, on les élève à la dignité d’une religion individuelle comme si l’identité que l’on porte se réduisait à des figures narcissiques. À ce stade, à la moindre contradiction des croyances que l’on aime d’un amour passion, on risque de ressentir un frisson rationnel, un secouement émotionnel, un frémissement phobique et parvenir à l’idée que l’on vous ébranle la structure de votre identité. Ou que l’on vous la vole. Ou que l’on veut vous descendre, vous réduire à néant. Ou que l’on vous méprise. C’est que la croyance idéologique autour de ce noyau hyper sensitif risque de vous amener à un sentiment persécution où l’Autre est toujours forcément méchant et vous êtes toujours forcément la victime.

Être prêt à perdre ses convictions, ne pas les aimer, toujours les regarder avec une certaine distance est, au contraire, salutaire et payant. Et cela arrive également en termes macropsychiques. On peut penser que c’est inconfortable de vivre sans croyances passionnelles mais, en vérité, c’est le contraire.

Il y a des cas où une majorité peut se tromper, jusqu’à ce que cette majorité commence à se fissurer de l’intérieur. À ce moment-là, la structure du réel qui était voilée par l’idéologie, commence à apparaître causant de l’horreur et du dégoût tout d’abord. Personne n’aime perdre ce qu’elle croyait dur comme fer, personne n’aime d’emblée perdre ses convictions car cela lui sert comme filtre pour comprendre le monde. Refaire ce système semble en même temps être une tache trop fastidieuse et, à la limite, ennuyeuse, inintéressante, anti-jouissive, car le filtre aura entretemps perdu de sa brillance. Dans ces états-là, le sujet reste coi, abasourdi, perplexe, jusqu’à ce que le réel pénètre à nouveau par les interstices de l’idéologie la pacifiant de sa jouissance identitaire. C’est la version positive de la chute de l’idéologie. Et je pense que des peuples, des pays, comme le Brésil sont en train d’expérimenter cet état psychique hautement intéressant pour la psychanalyse.

Mais, avant que cela n’arrive, il faut bien que quelqu’un ou que quelques uns se manifestent contre la tromperie idéologique ou contre le diagnostic d’une majorité. Comme je viens de dire, si je défends le diagnostic que j’établi d’un sujet ou d’un fait politique ce n’est pas que je défends le sujet du diagnostic que je fais. C’est la même chose qui arrive vis-à-vis d’un patient ou d’un fait clinique.

Prenons l’exemple d’un crime. Partant de quelques indices qui semblent incontestables, une majorité de gens peut se former une conviction sur le fait qu’un sujet donné est convaincu d’un crime affreux. On le cherche, on l’emprisonne, on le condamne. Tout le monde est satisfait de cette série de convictions et d’actes. Jusqu’à ce que quelqu’un s’aperçoive que le diagnostic de départ pouvait avoir de réelles inconsistances. Et il accuse donc. Il dénonce la conviction populaire en récoltant sur sa personne cependant l’incompréhension, l’incroyance, l’agressivité ou la perplexité de la majorité. Parce que celle-ci est secouée dans son idéologie “convictionnaire”. Mais, s’il réussit à faire libérer cet homme injustement condamné, c’est qu’il a fonctionné avec la logique et non pas avec le système de pensées, d’idées et sentiments, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas laissé mener par les préjugés qui appartiennent à l’idéologie. On aime l’idéologie à laquelle on croit comme on aime son identité ou sa personnalité. C’est un phénomène purement identitaire.

Dans le cas qui nous occupe ici, il ne s’agit pas de condamner quelqu’un qui a commis un crime mais de condamner en avance quelqu’un parce qu’on croit dur comme fer que, parce que s’il a dit ceci ou cela, il peut ou il va commettre sans doute un crime. Alors, je vous dis que, ayant écouté beaucoup cet homme, ayant lu sur lui, connaissant le contexte culturel, social et politique où s’insèrent ses dires, n’étant pas d’accord avec ce qu’il dit ou comme il le dit, mais connaissant également ses adversaires politiques et jaugeant tous ces éléments pour évaluer un risque éventuel, je vous dis que non, qu’il n’est pas le criminel que vous croyez qu’il sera s’il est élu.

Héritage de l’extrême gauche totalitaire et nostalgie de la dictature militaire

L’état dans lequel se trouve le Brésil actuellement, après 16 ans d’une politique très corrompue commise par l’extrême gauche totalitaire, à savoir par Lula da Silva, Dilma Rousseff et les dirigeants du Parti des Travailleurs, est très inquiétante (Arce Ross, 2014b). Le pays risque de sombrer dans une situation proche du Venezuela, lui-même géré par des politiques de l’extrême gauche totalitaire. Les conditions y sont données. On observe une grande crise économique et sociale, une crise de l’emploi, une crise morale et éthique impressionnante, des attaques contre la famille bio et à faveur de la famille identitaire, une augmentation sans précédents de la délinquance et de la haute criminalité dont le trafic de drogues, l’enseignement de l’idéologie du genre dans les écoles et les universités et même chez les tout petis.

Pour mieux voiler les problèmes et manipuler la population, l’extrême gauche corrompue a tenté et a largement réussit à créer des divisions dans la population. Elle vit de cela. L’extrême gauche totalitaire cherche à créer la division de la population entre noirs et blancs, entre indiens et blancs, entre populations sans terre et fermiers, entre employés et entrepreneurs, entre femmes et hommes, entre homosexuels et hétérosexuels, entre enfants et parents, entre brésiliens du nord et brésiliens du sud, et, ainsi, de suite, pour créer des blocs de victimes en guerre contre des blocs de méchants agresseurs. Au dessus de tout cela, l’extrême gauche genriste et sociétaliste se place comme arbitre et comme Grand Législateur persécutant les méchants hommes blancs, mariés, professionnels, pères de famille et citoyens du sud du Brésil. Cohérente avec sa mauvaise foi , elle appelait récemment les gens du sud par le qualificatif de « nazis » parce qu’ils ne votaient désormais plus à gauche.

Je fais exprès d’appeler l’extrême gauche de totalitaire même si c’est une redondance, car je considère qu’extrême gauche et extrême droite se rejoignent dans le totalitarisme. Celui-ci ne peut pas exister sans un Etat excessivement puissant et violent géré par une minorité de hauts fonctionnaires hyper-corrompus. L’Etat totalitaire, qu’il soit d’extrême gauche ou d’extrême droite, ne laisse que trop peu d’espaces (ou aucun) aux libertés individuelles, à la liberté d’expression aussi bien qu’à la liberté d’entreprendre. Aujourd’hui, l’Etat totalitaire a compris que, pour mieux dominer, il peut s’attaquer aussi aux libertés sexuelles. C’est pour cela que sa politique sexuelle s’est convertie en idéologie du genre, dont sont issues les nouvelles normes sociétales. D’autres États encore démocratiques l’ont compris aussi et ils appliquent largement cet aspect de la manipulation idéologique qui sont le genrisme et les normes sociétales. Tous ces pays connaissent, en parallèle, des crises économiques, sociales et morales puissantes. Mais, comme ils ont bien plus de moyens que le Brésil, ils peuvent encore s’en sortir plus ou moins sans une intervention solide et thérapeutique.

Pour tenter de résoudre l’état presque catastrophique dans lequel les politiques de l’extrême gauche totalitaire de Lula, Dilma Rousseff et PT ont laissé le Brésil, celui-ci se tourne vers quelqu’un qui a une main ferme, qui propose l’ordre et la discipline. À cet égard, les propos de Jair Bolsonaro sur la dictature militaire de 1964 se veulent être, il me semble, seulement des pétitions de principe pour montrer aux gens qu’il sera réellement ferme et qu’il organisera l’ordre et la discipline dont la société anomique brésilienne a tant besoin. C’est-à-dire qu’une grande partie de la population a commencé spontanément à ressentir la nostalgie de la période de paix et de progrès social et économique qui a, paradoxalement, coïncidé avec la période de ladite « dictature militaire » , laquelle a duré de 1964 au milieu des années 80. Beaucoup d’économistes et d’historiens situent justement les années 60 et 70 comme étant celles du miracle brésilien car le Brésil est devenu le pays le plus puissant, le plus développé et le plus riche de l’Amérique latine.

Lors de ces années-là, qui correspondent à celles de la dictature militaire, « le Brésil est entré dans les années 1970 dans une situation macroéconomique enviable. En les terminant, cependant, il se trouvait dans une situation insoutenable, dont le règlement nécessiterait au moins une autre décennie. Cet article traite des étapes essentielles de cet impressionnant mouvement pendulaire. En 1970, le Brésil était déjà dans la troisième année de ce qui allait devenir le cycle d’expansion le plus important de son économie au XXème siècle. En six ans (1968-1973), le pays a connu une croissance annuelle moyenne supérieure à 10% en termes réels. La croissance de l’industrie dépasse 13% par an et atteint 15% (1968 et 1973). L’inflation est tombée d’environ 25% à environ 15% à la fin de la période. La balance des paiements a été excédentaire pendant chacune de ces six années et a entraîné simultanément l’accumulation de réserves internationales (de 200 millions de dollars à la fin de 1967 à 6,4 milliards de dollars en 1973) et de réserves pour la dette extérieure (de 5,3 à 12,6 milliards de dollars). Les importations de biens d’équipement et d’intrants intermédiaires ont toujours dépassé 75% du total des droits de douane, sans affecter l’industrie installée: la production intérieure de biens d’équipement a augmenté en moyenne d’environ 20% par an en termes réels au cours de la période » (Malan, 2018). Pour compléter ce rapide aperçu du progrès économique du Brésil durant les années 60 et 70, il faut dire que malgré le boom économique, les différences de distribution des richesses se sont pourtant exacerbées produisant des déséquilibres sociaux très importants.

Cela n’a pas empêché que les années de la dictature militaire ont apporté le développement d’une nouvelle classe moyenne de haut rang ainsi que le rayonnement brésilien au niveau international. N’oublions pas non plus que c’est également à cette époque que le Brésil a conquis d’importants titres dans les championnats régionaux et mondiaux de foot et qu’il est devenu un pays reconnu et respecté depuis. En parallèle, ils se produisaient des exactions, des persécutions politiques, des tortures et même des assassinats d’adversaires politiques. Ces actes totalitaires se sont exercé notamment contre quelques groupes armées d’extrême gauche, totalitaires également, lesquels ont commencé à dériver vers des actes terroristes. Quelques unsde ceux qui ont été aux commandes du pays dans les gouvernements Lula, Dilma Rousseff et PT étaient des terroristes emprisonnés pour avoir été impliqués dans des actes terroristes et même des assassinats. C’est un peu comme si les terroristes d’Action Directe en France étaient devenus des membres du gouvernement français pendant 16 ans. C’est peut-être pour ces raisons qu’une partie de la population brésilienne de classe moyenne, de haut niveau culturel et aspirant à une vie calme, dans un État de droit, peut être aujourd’hui un peu nostalgique de la période de la dictature militaire quand elle voit que ceux qui étaient les terroristes d’une époque viennent de saccager le pays.

Sources universitaires des médias français

Voici quelles sont les sources que les médias français ont consulté pour établir le diagnostic d’extrême droite concernant Jair Bolsonaro.

Très bonne connaisseuse de la période de la dictature militaire brésilienne mais presque seulement de la dictature militaire brésilienne, Maud Chirio n’a toutefois malheureusement pas la distance ou l’indépendance nécessaires pour établir une analyse un minimum dépouillée d’idéologie de la situation brésilienne actuelle.

Il se trouve que Maud Chirio a un regard partiel car, à la lire, on s’aperçoit qu’elle s’identifie à l’argumentaire des militants brésiliens de la gauche radicale et de l’extrême gauche. À ce titre, elle écrit dans l’Humanité et Libération, médias hautement idéologiques véhiculant, respectivement, des thèses de l’extrême gauche totalitaire et de la gauche sex-identitaire.

Cette enseignante à l’Université de Paris-Est Marne-la-Valléeest aussi chercheuse au CNRS un endroit où les sciences humaines sont clairement contaminées par les idéologies d’extrême gauche. C’est ainsi qu’elle défend le PT de l’accusation de corruption ! Elle dit ceci : « depuis deux ans et demi, une grande opération pour faire exploser le PT (Parti des travailleurs) en perpétuant qu’il a initié la corruption et que c’est le communisme, avec un grand matraquage médiatique pour convaincre la population. (…) On estime à environ 5000 fake news depuis une semaine pour convaincre toute une partie de la population que la PT est un parti corrompu » (Chirio, 2018). Donc, selon elle, le PT ne serait pas corrompu ou le serait autant voire moins que les autres. Cela s’appelle une négation de la réalité politique passée et actuelle. La corruption initiée par le système communiste de Lula, Dilma Rousseff et PT n’ont pas eu de précédents dans l’histoire républicaine du Brésil. La corruption n’est pas que politique. Elle est aussi morale, éthique, sociale et psychologique.

Mais le point de vue de Maud Chirio est également partiel et non indépendant parce que, compte tenu de son intérêt presque obsessionnel pour le seul thème de la dictature brésilienne (la grande majorité de ses travaux en témoigne), elle ne perçoit la situation brésilienne que par ce prisme historique aujourd’hui dépassé. En effet, la réalité est que la situation est tout autre que celle de la période de 1964-1985.

Un compte rendu sur sa thèse témoigne de ce biais hyperspécialisé au point où l’auteur reste enfermé dans son sujet du passé sans percevoir la complexité du fait global actuel. En analysant le livre dont sa thèse a été la base, Christophe Brochier parle du « principal défaut du livre » de Maud Chirio dans les termes suivants. « Ce qui représente une découverte pour certains est sans doute banal pour d’autres lecteurs qui connaissent bien la période. On pourrait ajouter que la plongée dans le cœur des sous-groupes militaires fait courir au lecteur le risque ne pas saisir complètement les liens entre la petite politique et la grande. Pour le dire autrement, l’auteur n’explicite peut-être pas complètement les enseignements historiques à tirer des disputes internes du corps militaire. Ainsi la conclusion de l’ouvrage fait sans doute insuffisamment la liste des enseignements qu’apportent ces explorations des méandres de la politique interne au sein de l’armée » (Brochier, 2017).

Encore jeune (la trentaine se rapprochant de la quarantaine), on peut se demander si Maud Chirio a une expérience dans le monde professionnel autre que dans les livres et l’enseignement universitaire. Et on pourrait se demander aussi quel vécu peut-elle réellement avoir du Brésil et de sa réalité compte tenu du fait qu’elle le connait seulement en tant qu’étudiante à l’Université de Sao Carlos (intérieur de Sao Paulo). Dans une photo que l’on s’est procurée, on la voit toute souriante avec Lula, plus fan, ou militante, que chercheuse obligée de prendre une certaine distance de l’objet étudié. En tant que croyante et pratiquante de l’idéologie gauchiste, elle ne cache pas qu’elle transfère volontiers ses sentiments militants contre la dictature militaire vers une idéalisation ingénue pour le PT de Lula (en prison pour corruption). Ce transfert de sentiments moraux, lesquels situent forcément Lula, Dilma Rousseff et le PT comme des saints devant le démon d’un retour de la dictature militaire, ne lui permettent pas de percevoir le contexte global où s’insère le vrai risque d’une dictature d’extrême gauche, une dictature à la mode bolivarienne ou cubaine.

De son côté, Armelle Enders, enseignante à Paris VIII, une université hyper idéologisée que je connais très bien pour avoir enseigné au Département de psychanalyse pendant 15 ans, développe une argumentation très superficielle. Elle part notamment de quelques phrases choc de Jair Bolsonaro sur l’insécurité impressionnante où vivent les brésiliens pour faire mousser ses stéréotypes idéologiques.

Dans un texte de 2017, Armelle Enders défend Dilma Rousseff et critique l’impeachment dont cette dernière a été l’objet. Enders dit ceci : « cette belle rhétorique de l’impeachment masque en réalité un coup d’État qui a permis à la droite brésilienne de revenir au pouvoir, après 4 défaites électorales consécutives, en 2002, 2006, 2010 et 2014 » (Enders, 2017). L’argumentaire de l’impeachment comme un l’équivalent d’un coup d’État est une négation de tous les crimes commis par les gouvernements Lula, Dilma Rousseff et PT.

Armelle Enders tient également à affirmer, de manière cynique, que l’attentat dont Bolsonaro a été victime au couteau « lui a servi pour fuir les débats » (Enders, 2018). Mais quel manque d’humanité dans ses propos ! En réalité, la lame du couteau qui a pénétré le corps du candidat de 15 cm, lui a coupé l’intestin gros et à manqué de lui ôter la vie pour seulement quelques millimètres. La vérité est que ses médecins lui ont interdit d’aller aux débats dans la mesure où, après plusieurs opérations chirurgicales, Jair Bolsonaro porte un sac à l’abdomen où ses excréments sont déposés directement sans passer par les intestins en train de cicatriser et se réformer. On comprend bien que quelqu’un dans ces conditions ne puisse pas se présenter à un débat présidentiel, alors qu’il vient de sortir de l’hôpital et se trouve à peine au début d’une longue convalescence. On pourrait dire qu’Armelle Enders a pris école dans les phrases choc et violentes de Jair Bolsonaro pour se référer à lui.

On dirait aussi que c’est une militante qui parle et non pas une historienne. On sait très bien que cet argumentaire appartient aux dirigeants corrompus du parti d’extrême gauche. On y voit là encore des points de vues idéologiques uniquement à charge, mais pas du tout un minimum dialectiques et équilibrés. L’objectif est clairement de créer une mauvaise réputation dans le public français du candidat Jair Bolsonaro sans s’intéresser à faire une analyse de son programme politique de base ou de ses propositions de gouvernement. Et dire que ce sont ces chercheuses-là que les médias français consultent pour établir un profil du candidat !

Influences idéologiques d’une faction des institutions psychanalytiques brésiliennes

Un psychanalyste brésilien de l’État du Ceará (nord-est du Brésil), Eriton Araújo, quelqu’un de très sérieux et pondéré, s’oppose fermement à l’appel idéologique et militant établit par les instances bureaucratiques de quelques écoles et associations de psychanalyse concernant les élections brésiliennes de 2018. Selon lui, l’appel que quelques apparatchiks appartenant à une faction de psychanalystes brésiliens ont publié le 10 octobre 2018, « Appel des psychanalystes brésiliens pour la démocratie » (AEPB, 2018), est tendancieux et tente de défendre le PT, le parti d’extrême gauche.

D’abord, il faut dire qu’il ne s’agit pas, contrairement à ce que sont titre équivoque indique, d’un appel « des psychanalystes brésiliens » dans son ensemble, mais d’une fraction correspondant, approximativement, à un quart de l’ensemble des psychanalystes brésiliens (Araujo, 2018). En effet, selon le psychanalyste Eriton Araujo, des 75 institutions qui font partie de l’ensemble total d’écoles, de sociétés et d’associations de psychanalyse au Brésil, seulement 18 ont signé cet appel en faveur du PT, soit à peine un quart de l’ensemble. En outre, aussi bien Eriton Araujo que moi-même, nous savons que beaucoup de membres de ces mêmes écoles de psychanalyse ne sont pas d’accord avec ce document, ne votent pas du tout pour le PT et vont voter pour Jair Bolsonaro.

Les signataires de l’appel “pour la démocratie” sont en fait les mêmes qui, étant en partie surtout d’extrême gauche, s’opposaient déjà à l’impeachment de Dilma Rousseff en avril 2016 par un autre appel largement diffusé par des blogs de gauche et d’extrême gauche (Castro, 2016). Il faut souligner que puisqu’ils n’ont publié l’appel du 10 octobre 2018 qu’après le premier tour, ces psychanalystes se rangent implicitement derrière le candidat du PT, du sociétalisme genriste et du panféminisme, tout en défendant une pseudo-démocratie d’extrême gauche. Comme on le sait, le PT est un parti d’extrême gauche, largement corrompu, ayant emmené le Brésil au chaos actuel et dont la plupart des représentants ayant participé des gouvernements de Lula et Dilma Rousseff sont actuellement en prison. Par exemple, Fernando Haddad, le candidat actuel à la Présidence du Brésil par le PT, est lui-même visé par pas moins de 32 procès, dont certains pour corruption.

C’est pour cela qu’il est très étonnant que des psychanalystes puissent défendre un parti, le PT, qui ne défend pas lui-même la démocratie. S’il y a bien un groupe proche des agissements d’extrême droite c’est bien celui des dirigeants d’extrême gauche du PT et de ses partis alliés.

Nous savons que les psychanalystes post-lacaniens brésiliens ont pris comme modèle d’identification les psychanalystes post-lacaniens français. Un peu avant la mort de Lacan, les psychanalystes d’extrême gauche et quelques intellectuels sex-identitaires, en France, ont pris le pouvoir institutionnel de quelques écoles de psychanalyse en développant progressivement des thèses panféministes, sociétales et genristes. De la sorte, ils se sont coupés graduellement de parties essentielles de l’enseignement lacanien des années 50 à 70 et de celui classiquement freudien tout en manipulant largement le Lacan des années post 75 pour “justifier” de manière forcée leur idéologie. Aujourd’hui, on peut presque dire que les post-lacaniens français, d’abord, et les post-lacaniens brésiliens ensuite, ne sont plus ni tout à fait freudiens ni vraiment lacaniens malgré un vocabulaire apparent qui souvent reste pathétiquement vide du Lacan classique. Quelques uns de ces psychanalystes sont devenus plutôt des bureaucrates du discours universitaire appliqué aux écoles de psychanalyse. Ils s’affairent à construire une idéologie sex-identitaire et genriste, selon la doctrine de Judith Butler, du panféminisme et du sociétalisme pour parvenir à une sorte de queer-analysis en lieu et place de la psychanalyse classique.

C’est vraiment lamentable que certains psychanalystes aient dérivé vers la défense de partis de l’extrême gauche totalitaire, non seulement au Brésil mais également en France. La psychanalyse n’a pas de parti, la psychanalyse n’est pas de gauche, encore moins d’extrême gauche. On dirait que ces psychanalystes n’ont pas compris la leçon de Lacan concernant les dérives du totalitarisme d’extrême gauche.

À cet égard, voici un point de vue de Jacques Lacan, en tant qu’auto-proclamé révolté mais conservateur, dans un petit discours qu’il adresse à ceux tentés par les idéologies violentes et anti-démocratiques d’extrême gauche. Il leur dit ceci : « vous perpétuez le discours perpétuel. […]. Vous et ceux qui vous accompagnent ou vous suivent, quels êtes-vous perçus par ce qui ni, peuple ni masse, reçoit à bon droit le nom de “populaire”?  Le populaire vous perçoit comme des révoltés […], il prend votre révolte comme révolte bourgeoise, comme révolte de privilégiés. Que pouvez-vous même faire, sinon à part du populaire, et dans le choix des révoltes de privilégiés, exprimer l’une d’entre elles, par la voie la plus classique, et pourtant bourgeoise et privilégiée — solitaire ? J’ai moi une autre façon de passer ma révolte, aussi de privilégié, j’ai moi une autre voie, et il y a pour vous une autre voie de passer votre révolte de privilégié : la mienne par exemple. Je regrette seulement que si peu de gens qui m’intéressent, s’intéressent à ce qui m’intéresse » (Regnault,  1998).

Dictature militaire versus dictature du prolétariat

Jetons un coup d’oeil sur comment l’extrême gauche totalitaire justifiait les crimes et les actes terroristes qu’elle perpétra contre le peuple brésilien dès le début des années 60.

« Aujourd’hui être “violent” ou “terroriste” est une qualité qui ennoblit toute personne honnête, parce que c’est un acte digne d’un révolutionnaire engagé dans la lutte armée contre l’honteuse dictature militaire et ses atrocités », disait Carlos Marighella, l’un des leaders terroristes de l’extrême gauche brésilienne en 1969. 

Pour Marighella, « le guérillero urbain est un homme qui se bat contre une dictature militaire avec des armes, en utilisant des méthodes non conventionnelles. […] Le guérillero urbain n’a pas peur de démanteler ou de détruire le système économique, politique et social brésilien actuel, car son objectif est d’aider la guérilla rurale et de collaborer pour créer un système totalement nouveau et une structure sociale et politique révolutionnaire, avec les masses armées au pouvoir » (Marighella, p. 4). Mais c’est qui les « masses armées au pouvoir » ? Ce n’est évidemment pas le peuple en général ni encore moins les représentants d’un régime démocratique. Mais bien les bureaucrates et les technocrates nommés, en cooptation ou par copinage clientéliste, par ces mêmes terroristes d’extrême gauche pour exercer une dictature au nom d’un prolétariat fantasmatique. Autrement dit, les « masses armées au pouvoir » ne sont qu’un subterfuge pour subsumer l’émergence d’une nouvelle élite de fonctionnaires corrompus exerçant un pouvoir extrêmement autoritaire.

L’horreur des pires actes terroristes n’est pas loin des « objectifs essentiels » du guérillero urbain, à savoir « l’extermination physique des chefs et des assistants des forces armées et de la police » et « l’expropriation des ressources du gouvernement et de ceux qui appartiennent aux grands capitalistes, propriétaires terriens et impérialistes » (Marighella, p. 7). Mais si le lecteur n’a pas bien compris de quoi il s’agit, Carlos Marighella précise les choses en disant que « chaque guérillero urbain doit avoir à l’esprit qu’il ne peut survivre que s’il est prêt à tuer [je souligne : “que s’il est prêt à tuer”] la police et tous ceux qui se consacrent à la répression et s’il est véritablement voué à exproprier la richesse des grands capitalistes, des propriétaires terriens et des impérialistes » (Marighella, p. 7). C’est-à-dire que sa mission serait de tuer des gens et de voler les biens de ceux qui les possèdent pour financer les actes nécessaires pour implanter une dictature du prolétariat. Est-ce que ces objectifs ne constituent pas au fond une politique d’extrême… droite ?

En guise de introduction à son manuel pratique du terroriste accompli, Marighella revendique haut et fort ses principes révolutionnaires. « Au Brésil, le nombre d’actes de violence perpétrés par les guérillas urbaines, notamment des morts, des explosions, des armes, des munitions et des explosifs, des agressions contre des banques et des prisons, etc., est suffisamment important pour ne laisser planer aucun doute sur les véritables intentions des révolutionnaires. L’exécution de l’espion de la CIA, Charles Chandler, membre de l’armée américaine venue de la guerre du Vietnam pour infiltrer le mouvement étudiant brésilien, les minions militaires tués lors de rencontres sanglantes avec les guérillas urbaines, témoignent tous du fait que nous sommes en une guerre révolutionnaire complète et cette guerre ne peut être menée que par des moyens violents » (Marighella, p. 8).

Ayant été expulsé du Parti Communiste Brésilien en 1967, Carlos Marighella fonde l’Action de libération nationale (ALN), un groupuscule armé d’extrême gauche consacré spécifiquement au terrorisme urbain. C’est ainsi qu’en septembre 1969, dans une action conjointe avec le Mouvement révolutionnaire 8 octobre (MR-8), l’ALN a participé à l’enlèvement de l’ambassadeur américain Charles Elbrick. Malgré ses actions criminelles, Carlos Marighella a bénéficié de manière posthume d’une idolâtrie idéologique et c’est à ce terroriste que, par exemple, Caetano Veloso consacre, sans aucune pudeur, une chanson (« Un communiste ») dans son album Abraçaço. Nous sommes-là à la limite de l’apologie au terrorisme. En tout cas, Carlos Marighella est devenu en quelque sorte une légende et un symbole pour la plupart des militants ou des sympathisant proches du Parti des Travailleurs de Lula et Dilma Rousseff, dont un grand nombre de nostalgiques de la dictature du prolétariat et de la lutte armée révolutionnaire.

J’ai séjourné au Chili juste avant le 11 septembre 1973, jour du coup d’État de Pinochet, et j’ai pu mesurer le délabrement social, économique et moral dans lequel sombrait le pays sous Allende. Les étalages des boutiques et des supermarchés étaient tristement vides à trois quarts. Les mois et années suivants allaient être aussi très difficiles pour le Chili à cause des horreurs perpétrées par la Junte militaire de Pïnochet. Mais, paradoxalement, ce même régime, grâce à ses Chicago Boys, a implanté le libéralisme et a permis que le Chili soit aujourd’hui le pays le plus développé et le plus stable de toute l’Amérique latine. Évidemment, ce paradoxe ne milite pas pour la dictature militaire quelle qu’elle soit, mais il indique justement qu’aucune dictature, ni militaire ni du prolétariat, n’apporte une quelconque once de développement à aucun pays de par le monde. Ce paradoxe indique aussi que le progrès d’un pays repose sur un minimum d’ordre et de discipline, ce que les militaires apportaient mais avec violence et d’une très mauvaise façon. À mon avis, l’ordre et la discipline doivent s’allier à toutes les libertés individuelles, en parallèle à une restriction importante de l’État, pour faire naître la créativité et l’initiative d’entreprendre.

Un an plus tard et les années suivantes, j’ai plusieurs fois visité l’Argentine et, là aussi, j’ai pu m’apercevoir de la terrible crise économique où vivait le pays pendant le gouvernement d’Isabelle Péron. La monnaie nationale ne valait pas grand chose et les gens se plaignaient tout le temps et partout de la situation du pays. Puis, j’ai pu mesurer la chute aux ténèbres lors de la dictature très violente et criminelle du Général Videla. Mais, toutes les dictatures militaires ne sont pas de droite ou d’extrême droite. Il y en a aussi de gauche ou d’extrême gauche, comme celle au Pérou entre 1968 et 1980.

Enfin, en 1974, j’ai définitivement quitté le Pérou, en m’exilant avec soulagement de la débâcle nationale apportée par la dictature militaire socialiste du Général Juan Velasco Alvarado. Cette dictature militaire d’extrême gauche, voulant implanter une dictature du prolétariat, a été le long prélude pour l’émergence du grand terrorisme du MRTA (guévariste) et du Sentier lumineux (maoïste), ces criminels ayant tué près de 40.000 personnes.

Dans ces trois pays, l’Argentine, le Chili et le Pérou, on pouvait percevoir la guerre sanglante et fratricide qui se jouait pour cause du mélange entre, d’une part, un socialisme extrémiste et criminel prônant la dictature du prolétariat et, d’autre part, la dictature militaire. Selon les cas, ces deux versions totalitaires s’affrontaient ou fusionnaient.

Cependant, on sait très bien, par les propos de quelques historiens mais aussi par mon propre vécu personnel au Brésil, que la dictature militaire n’a pas été aussi “dure” que celles au Chili ou en Argentine à la même époque. En plus, elle a correspondu, comme nous l’avons dit plus haut, à une période de grand progrès et de développement dans presque tous les secteurs de la vie collective. 

À cet égard, Marco Antonio Villa, un historien et sociologue brésilien reconnu et respecté, professeur émérite à l’Université de São Carlos, considère qu’il n’y a pas eu, strictement parlant, une véritable dictature au Brésil entre 1964 et 1985 et qu’il faudrait trouver un autre terme pour la nommer (Villa, 2014).

La révolution cubaine de 1959 a été, selon lui, un mal terrible pour quelques pays d’Amérique latine mais surtout pour le Brésil. Car, au début des années 60, alors que le pays vivait en démocratie, ce sont bien les partis et les groupuscules d’extrême gauche qui ont déployé les premiers les fusils contre le peuple pour implanter une dictature du prolétariat. Notons d’ailleurs que jamais aucun groupe de lutte armée a défendu la démocratie. Tous ces groupes révolutionnaires sanguinaires ont implanté dans le monde des régimes totalitaires. Parallèlement, la démission du Président élu de l’époque, Jânio Quadros, et l’assomption au pouvoir du vice-Président João Goulart, montant un système de corruption très étendu, a finalement contribué par dégrader la vie sociale et économique du pays.

João Goulart, appartenant au PTB, un ancêtre du PT de Lula et ayant été retiré du pouvoir par les militaires en mars 1964, exerçait le même type de gouvernement que ceux d’aujourd’hui par le PT, Lula et Dilma Rousseff. À l’époque, il s’est répandu une situation chaotique où prédominaient la criminalité par tout, l’invasion de terres, la nationalisation de raffineries privées, les expropriations de biens immobiliers, un grand système de corruption généralisée et des terroristes en formation dans des camps clandestins d’entraînement en Amazonie. Ils ont commis des braquages de banque, la séquestration de diplomates étrangers, les assassinats ciblés mais également les assassinats tous azimuts de la population civile dans des attentats terroristes à la bombe urbaine.

C’est pour cette raison que, quelques semaines avant le début de la dictature militaire, le peuple brésilien est sorti spontanément dans les rues. Il manifestait son épuisement et son désespoir concernant les attentats terroristes et la situation intenable du pays, tout en demandant l’intervention immédiate de l’armée pour chasser le Président João Goulart. Il y a eu ainsi la fameuse manifestation des 500 mille à São Paulo ainsi que d’autres manifestations très importantes dans d’autres villes brésiliennes (Silva, 2007).

Entre la fin mars et le début avril 1964, le Président corrompu João Goulart, sachant par cet appel massif du peuple brésilien que l’armée pouvait et voulait le virer, s’est enfuit en Uruguay abandonnant sans préavis son poste. Ce fût alors le président du Sénat qui prît le poste immédiatement en attendant l’organisation de nouvelles élections ayant eu lieu quelques semaines plus tard. À partir de là, le Brésil connût deux décennies de grand progrès, au point de se hisser comme le pays le plus développé de toute l’Amérique latine.

Selon le professeur Villa, la dictature brésilienne n’a pas de points de comparaison avec la dictature argentine, par exemple. Les bases idéologiques de la dictature brésilienne, comportant une signature positiviste, étaient liées au progrès et non pas à la répression de la société civile. Il y a eu de la répression, mais seulement contre les opposants armés qui commettaient ou préparaient des attentats terroristes et des assassinats. À ce titre, il n’y a pas eu de lien officiel avec l’opération Cóndor, par exemple. Lors de cette période, il y a eu un développement constant du marché interne et de l’économie par nationalisations, une expansion de l’enseignement public du primaire au supérieur, une réelle modernisation du pays dans tous les champs d’action sociale, très peu de censure (Villa, 2014), une baisse spectaculaire de la criminalité et l’émergence d’une nouvelle classe moyenne à hauts revenus. 

Cela veut dire que, pendant 20 ans de dictature militaire, le Brésil a connu un mix entre autoritarisme et habitudes démocratiques avec des élections pour le Sénat et des élections indirectes pour Président en 1964, 1966, 1969, 1973 et 1978. Pour lutter contre ce terrorisme d’extrême gauche, le gouvernement composé d’ex-militaires a commencé à persécuter ces criminels, dans des opérations ciblées qui ont causé 500 morts chez ces derniers et plus de mille chez les militaires ou les civils. Des tortures ont eu lieu, quelques opposants ont été assassinés comme le député Rubens Paiva et le journaliste Vladimir Herzog, mais il n’y a rien eu de semblable à ce qui s’est passé en Argentine, par exemple (Villa, 2014).

Il faut dire que tant les militaires de 1964 comme les terroristes d’extrême gauche de cette époque étaient, chacun à sa façon, des nationalistes convaincus. Les premiers étaient des nationalistes de l’ordre et de la discipline, cherchant à développer le marché brésilien pour l’ouvrir aux investissements étrangers et aux exportations ; les seconds, pour leur part, étaient aussi des nationalistes cherchant à instaurer une dictature socialiste à la cubaine, ou à la Mao, et tout en fermant le Brésil aux investissements des pays à marché libre. Nous avions ainsi un nationalisme libéral, ou pré-libéral, mais ouvert au monde contre un nationalisme socialiste ou communiste et extrêmement fermé au monde développé.

Aujourd’hui, la nostalgie des solutions réelles apportées par la dictature militaire renvoie encore et toujours à la nostalgie de la dictature du prolétariat pulsant sous le genrisme d’extrême gauche.

Psychanalyse des troubles macropsychiques

Comment aider le sujet à dépasser la chute des idéologies ?

Comment comprendre et comment analyser la plainte de quelques patients, en psychothérapie ou en analyse, devant le phénomène Bolsonaro et devant la nostalgie populaire de la dictature militaire ?

Les troubles que nous pouvons appeler, pour l’instant, du terme de troubles macropsychiques n’appartiennent pas strictement au sujet, au couple ou aux complexes familiaux. Ils concernent les mouvements politiques, voire les modifications anthropologiques, faisant intrusion dans la vie psychique d’un sujet. Les troubles macropsychiques seraient plus précisément les réactions subjectives à ces événements macro-génétiques.

Certains progrès réels, mais parfois aussi les solutions novatrices bien qu’illusoires ou fallacieuses, peuvent provoquer une mobilisation non seulement des acquis historiques d’un sujet mais également des bases archéo-génétiques de l’humanité. Par exemple, si aujourd’hui la protosexualité plastique est promue et rendue normale à un niveau politique, cela ne va sans provoquer une mobilisation des diverses formes de protosexualité archéo-génétique qui sommeillent inconsciemment en chacun de nous. Une telle mobilisation collective aussi bien que subjective induit des réactions, soit d’adhérence, soit de confrontation psychique, visibles dans la relation intime de chacun vis-à-vis des phénomènes identitaires. Les troubles macropsychiques se situent dans l’adhérence subjective à la jouissance lorsque le phénomène est ascendant. Mais ils deviennent une souffrance identitaire dès que le phénomène est descendant ou lorsque les idéologies qui le soutenaient commencent à chuter.

Pour l’instant, pragmatiquement parlant, il s’agit d’éviter qu’il advienne au Brésil une véritable dictature militaire aussi bien qu’un régime d’extrême gauche cassant le modèle démocratique. Pour cela, tous les regards se sont dirigés vers Jair Bolsonaro lequel représente en quelque sorte une intervention d’ordre et discipline en lieu et place d’une indésirable autant qu’évitable dictature militaire ouvertement rêvée par certains. Cette intervention d’ordre et discipline pour le progrès — ou plutôt l’élection de celui qui a l’air d’être le plus décidé, le plus ferme, le plus solide, le plus libre et le plus distant de tout le système de corruption d’extrême gauche —, sert à obtenir un gouvernement qui puisse sortir le pays de l’anomie actuelle et de la crise morale et éthique où il est plongé depuis longtemps. Ces éléments paternels, ou paternalistes, sont essentiels pour la pacification et le progrès d’un pays qui se trouve dans un état de délabrement économique, politique et surtout macropsychique.

Il me semble que Jair Bolsonaro parle avec son inconscient, sans trop de restrictions morales, lorsqu’il s’agit par exemple des questions sexuelles d’aujourd’hui. C’est comme s’il avait capté, sans trop se poser de questions sur la forme de son discours, ce qui se trouve à l’envers de l’idéologie genriste, c’est-à-dire ce qu’elle nie ou ce qu’elle rejette de manière radicale, fanatique ou presque religieuse. Sans surprise, la grossièreté ou la vulgarité des propos outrageants de Jair Bolsonaro viennent choquer les oreilles hyper-sensibles de ceux travaillés par l’idéologie sex-identitaire.

Nous voyons ainsi certains patients venir en analyse pour témoigner d’un malaise nouveau, exactement comme ce qui se passait dans les cabinets des psychanalystes aux USA au moment du phénomène Trumpsexuel (Arce Ross, 2016). En ce qui concerne ma pratique clinique, les cas que j’ai eu témoignant de ces troubles du sentiment d’insécurité se sont dissipés assez rapidement, lorsque l’analyste est intervenu pour minimiser les réactions émotionnelles en plaçant le sujet devant le processus de désaccoutumance idéologique qui s’amorçait malgré tout. Le principe de réalité est plus puissant parfois que toutes les constructions fantasmatiques, surtout lorsqu’il vient cogner et décimer le monde jusqu’alors inaltéré de croyances, de pensées et de sentiments que le sujet aimait et assumait comme une enveloppe macropsychique de sa personnalité. L’effet est alors paranoïsant, car le sujet se trouve rapidement une cause négative pour ses troubles, aussi bien qu’un ennemi personnifié chez le représentant anti-idéologie. Et l’analyste accueille alors une nouvelle paranoïa sous transfert ; une couche qui a vocation à être jetée dès que remplie par l’évacuation de l’idéologie contenue, longtemps retenue mais désormais inutile.

Les patients qui ont présenté ces troubles, aussi bien aux USA de Trump qu’au Brésil de Bolsonaro, ont comme similitude le fait qu’ils étaient ou sont encore en quelque sorte profondément hypnotisés par les idéologies sous-jacentes aux normes sociétales. Cela serait un peu l’équivalent des processus de conversion religieuse ou de radicalisation politique que l’on observe chez les fanatiques ou chez leurs suiveurs ou dans le phénomène sectaire, lorsque leurs croyances et certitudes ne sont plus du tout en accord avec la réalité des faits nouveaux.

Nous savons que l’opinion publique est malheureusement docile et crédule devant ce que l’autorité médiatique communique de par sa simple présence constante, ou devant ce que les artistes du show business montrent car ceux-ci influencent beaucoup plus par leurs modes de jouir que par leurs dires. Mais, lorsque la réalité des faits nouveaux vient contredire l’effectivité d’une idéologie qui s’est ainsi forgée, le sujet, avant d’entamer un processus inverse de dé-radicalisation, de désaccoutumance ou de dé-conversion, éprouve des états psychologiques de sidération, d’incrédulité, d’incertitude ou d’insécurité.

Les signifiants maîtres et leurs acteurs, les leaders, les manipulateurs ou les apprentis dictateurs de la morale perverse chutent d’un coup devant leurs yeux horrifiés et se profile, à l’horizon d’un quotidien proche, une figure étrange, nouvelle, opposée aux croyances idéologiques en vigueur jusqu’alors. Le crépuscule de l’idéologie, intrinsèquement extrémiste et inhumaine, dessine un vacuum qu’il s’agit d’accueillir et respecter pour sécuriser le sujet et lui permettre de recommencer ses pas de façon plus libre et autonome, sans dépendances identitaires.

C’est dans ce vacuum transitionnel qui se place ou bien le risque d’une victimisation têtue et jouissive, ou bien la possibilité de vivre sans idéologies.

La chute des idéologies est vécue comme un profond trouble identitaire par le sujet qui en subit. Car, de toute façon, la chute des idéologies est l’un des points cruciaux de la jouissance identitaire, tout aussi bien que les dé-conversions ou, au contraire, les néo-conversions. La chute des idéologieséquivaut au retour du vacuum qui était jusque là recouvert par l’expérience de la conversion et ses insignes. Il est toutefois présent sous un mode transitionnel alors que, normalement, il ne devrait jamais être rempli ou obturé par aucune expérience de jouissance.

En effet, le phénomène de conversion traversé par l’obturation idéologique est un réservoir débordant de jouissance identitaire à un niveau forcément macropsychique. Celle-ci colle au sujet comme deuxième enveloppe, comme une sorte de tatouage permanent recouvrant presque totalement le corps. De ce fait, confronté à la chute des idéologies, le sujet se vit comme un être qui voit son tatouage indélébile se déteindre et disparaître progressivement, le laissant honteusement nu et dangereusement sans défenses identificatoires.

La meilleure façon d’adhérer à une idéologie qui se fanatise, c’est de la faire coller au corps, à la peau même en tant que représentante extérieure de la chair, comme si le frémissement identificatoire de cette adhérence était bien une seconde peau. Rapidement, celle-ci peut venir se mélanger ou même se substituer à l’identité du sujet. Au point que lorsqu’elle chute, le sujet peut ressentir une perte du sentiment d’appartenance aussi bien qu’une perte de son identité.

Comment expliquer ces phénomènes nécessaires mais troublants de dé-conversion idéologique, religieuse ou fanatique ? Une partie de l’explication tient au fait que l’être humain cherche, coûte que coûte, à vivre sous des impératifs de normalité. N’importe laquelle, mais il lui faut une normalité. Ou plusieurs. Quitte à la critiquer, quitte à la contester. Mais il lui en faut.

Le problème est que plus on normalise la sexualité et plus le désir sexuel aussi bien que le désir d’amour s’échappent pour vivre dans l’incorrect. Le désir sexuel est un outrage fait à la langue artificiellement normalisée, comme l’amour à son début est, de son côté, toujours un trouble politiquement incorrect.

Les Politiques libérales et conservatrices font peur comme si elles étaient d’extrême droite

On verra plus tard si chez Donald Trump et si chez Jair Bolsonaro la connexion avec ce phénomène de réaction compensatoire, où le désir conservateur s’oppose à la néo-normalisation artificielle de la sexualité, aura été une réussite ou, au moins, un début de réveil non idéologique. Ou encore la nécessaire remise à plat de la condition humaine sous un socle conservateur permettant une véritable fusion des pluralités progressistes. Car tous les deux sont conservateurs ; conservateurs et contenants des flux progressistes.

À cet égard, Rudolfo Lago, Germano Oliveira et Wilson Lima, dans un point de vue paru dans la revue Isto É, considèrent Jair Bolsonaro comme un candidat conservateur qui a su conquérir « ladite droite populaire » (Lago, Oliveira & Lima, 2018). Ils expliquent la réussite électorale du candidat conservateur en disant que « la base du vote à Bolsonaro est la lutte contre la corruption, la confrontation des problèmes de sécurité publique, le défi lancé à au stablishment, qui fait que l’électeur du candidat du Parti Social Libéral se sent presque comme un révolutionnaire des temps modernes, le conservatisme, qui est ombiliquement lié à la question culturelle et aux coutumes — défense de la religion et des valeurs de la famille traditionnelle composée de « père et mère » contre un ordre du jour considéré comme progressiste — et, bien sûr, l’antipétisme, grand responsable de l’avalanche de votes dans la dernière ligne droite » (Lago, Oliveira & Lima, 2018).

Jair Bolsonaro veut instaurer au Brésil un processus anti-étatisation en deux grands blocs. D’abord, il s’agit de libéraliser le marché en diminuant la charge de l’État et, ensuite, en moralisant la gestion des entreprises nationales. Il le dit clairement. Ce n’est pas une dictature qu’il cherche. À ce propos, ces auteurs affirment également que, avant le premier tour, « Bolsonaro ressemblait au Lula de 2002 par le langage simple et facile à comprendre avec lequel il s’adressait aux gens. […] Tandis que les autres candidats faisaient des promesses, avec des propositions mirobolantes, en vendant de terrains sur la lune, Bolsonaro a préféré vendre des concepts et des valeurs » (Lago, Oliveira & Lima, 2018).

Notons que Jair Bolsonaro a été largement élu au premier tour avec presque 50 millions de voix dans presque toutes les régions brésiliennes. Il a gagné dans les États les plus importants en termes de production industrielle, commerciale, financière et culturelle comme ceux du Sud-Est, du Sud et du Centre-Ouest. Mais il a aussi gagné dans la région Nord et dans les principales capitales du Nord-Est. Il a seulement perdu dans les États appartenant au Nord-Est, mais en dehors des capitales. Dans un État comme São Paulo, le principal État en termes d’électeurs et le moteur du Brésil, dont la richesse et la puissance seraient comparables à un pays à part entière, Jair Bolsonaro a eu plus de 50 % des voix et 65% dans l’État de Santa Catarina, au sud. Selon un sondage à la veille du second tour, on s’aperçoit que plus l’électeur est cultivé, ou plus il a des diplômes de l’enseignement supérieur, et plus il a tendance à voter pour Jair Bolsonaro. Ainsi, 62% des électeurs ayant profité de l’enseignement secondaire et 66% des électeurs ayant un diplôme de l’enseignement supérieur se disent prêts à voter pour Jair Bolsonaro contre seulement 38% et 34%, respectivement, pour le candidat d’extrême gauche.

Il me semble que, comme Donald Trump, Jair Bolsonaro est un politique conservateur qui défend les valeurs du libéralisme économique. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est tout à fait possible. Cela était aussi d’ailleurs le cas, sans le côté folklorique évidemment, d’un François Fillon, quelqu’un qui aurait pu être un très bon président en France, à mon avis. Malheureusement, à la suite d’attaques violents tout à fait injustes contre Fillon et sa famille, on lui a préféré un autre aujourd’hui très décevant et impopulaire.

À tout appeler extrême droite, un jour on risque de ne pas s’apercevoir des vrais gens d’extrême droite qui s’y seront faufilés. On s’y habituera à la perception générale négative sans regarder spécifiquement les nuances des arguments, des idées, des actions. On deviendra insensible aux permanents assauts macropsychiques dont certains attentats non pas à la liberté d’expression mais des attentats à la liberté de penser. On permettra involontairement que le filtre opaque de l’idéologie, laquelle a toujours besoin d’ennemis pour se maintenir vivante, ait absorbé toute subversion du désir au profil de la jouissance.

Si par exemple une femme considère que tous les hommes sont des violeurs, elle risque de se couper de tout lien avec eux et, sans cette expérience, elle peut paradoxalement entrer en relation avec vrai violeur sans réellement s’en apercevoir. Les faux loups cachent les vrais, lesquels rôdent déguisés en gentil mouton.

Voici quelques extraits du premier discours de Jair Bolsonaro (qui commence à la minute 4:05 de la vidéo plus bas) : « mon gouvernement sera un défenseur de la constitution, de la démocratie et de la liberté. […] Nous ferons tout pour que le Brésil soit un pays grand, libre et développé. […] La liberté est un principe fondamental : liberté d’aller et venir, liberté d’entreprendre, liberté d’expression, liberté politique et religieuse, liberté d’informer et d’avoir des opinions, liberté d’avoir des choix et d’être respecté pour cela. […] Nous allons gouverner pour tous, pour les brésiliens de naissance et les brésiliens de cœur, pour les brésiliens de toutes les opinions, de toutes les couleurs et de toutes les orientations. […] Je vais faire en sorte que les droits des citoyens soient respectés. Notre gouvernement sera constitutionnel et démocratique. Il n’y a pas un Brésil du sud et un Brésil du nord. Nous sommes tous un seul pays, une seule nation démocratique. Nous allons défendre le droit à la propriété privée et celui de l’équilibre fiscal. Nous allons tout faire pour parvenir à la croissance économique. […] Nous allons gouverner pour les prochaines générations et non pas pour les prochaines élections ».

Est-ce que ces engagements montrent un Président d’extrême droite ? Évidemment non ! Jair Bolsonaro est un libéral parce qu’il défend la liberté dans tous ses aspects et un conservateur parce qu’il défend les valeurs de civilisation.

Le Complexe de persécution de l’Occident communautarisé

En Occident, un espace qui regroupe l’Europe, les USA, le Canada et l’Amérique latine, le lien de civilisation est devenu un système complexe de puissants sentiments d’appartenance communautaire, d’une part, combiné à des réactions sensitives de persécution et de méfiance mutuelles, d’autre part.

L’homme occidental ne veut pas être considéré raciste mais parfois il apprécie plus les animaux que l’être humain, sans pouvoir renoncer, au moins, à être raciste de soi-même. L’homme occidental se déteste et se méfie de lui-même.

L’homme occidental refuse l’appellation misogyne pour lui-même, mais bien souvent les femmes occidentales ne veulent plus être femmes ou détestent la féminité. Sans parler de celles qui rivalisent pour savoir laquelle déteste le plus les femmes complices des hommes. Même ces derniers deviennent féministes et on confond, de manière généralisée, le fait d’être anti-féministe avec être misogyne. Devant cet état de fait, quelques hommes qui aiment les femmes entrent dans une crise profonde sans savoir comment gérer l’amour, le sexe et la sexualité.

L’homme occidental invente un terme comme homophobie non pas pour parler de la phobie que les homosexuels peuvent ressentir concernant l’échange charnel avec l’Autre sexe, mais pour situer les violences et même les simples critiques à l’apologie sociétale de l’homosexualité identitaire.

L’homme occidental confond la démocratie avec le droit à revendiquer des droits parfois contradictoires et fantasmatiques comme les revendications sexidentitaires. Il confond le progrès avec la tendance masochiste à s’inventer une société complètement absurde. Il s’agit d’une société où les normes sociétales renversent l’ordre symbolique et pacificateur appartenant initialement à la puissance naturelle et à l’identité réelle.

L’homme occidental cherche à dénoncer la lueur du sadisme dans les yeux de l’Autre, sans reconnaître la nouvelle pente profondément masochiste de la civilisation. Car l’exacerbation des idéologies et leur transformation en normes fantasmatiques donne libre cours aux tendances violentes de toute sorte et aux passages à l’acte. Il se crée ainsi un circuit fermé où normes sociétales et violences polymorphes s’alimentent et se justifient mutuellement.

À ce rythme-là, on peut facilement expliciter celle qui serait la pensée sous-jacente de l’homme occidental : « tout homme qui n’est pas d’accord avec moi et avec mon groupe, ou avec ma communauté, qui ne me reconnaît pas en tant que victime sublime et remplie de jouissance, est un salaud, un connard, un raciste, un misogyne, un homophobe, un transphobe, une créature d’extrême droite, un dictateur, quelqu’un qui ne devrait pas avoir le droit de s’exprimer ».

À ce rythme-là, on a déjà perdu depuis longtemps la capacité à aimer, à être aimé et à se faire aimer, une acuité qui ne peut se retrouver que dans le tour du noeud permis par le Père symbolique. À vouloir casser ce Père de la Loi, on reste condamné à céder au pire de la jouissance identitaire en chacun de nous.

Une urgence brésilienne contre la jouissance identitaire

En 2018, au Brésil, malgré l’imposante pression morale du discours sociétal, panféministe et genriste, le peuple a réussi, par une conjonction de facteurs inattendus, nés d’une situation de grande violence macropsychique, à élire un Président libéral, conservateur et surtout pragmatique, Jair Bolsonaro. Des classes les plus aisées aux gens les plus simples, une vague de liberté de penser et de liberté d’expression a pu émerger malgré un moralisme haineux et paranoïde propre aux populations dominées par les normes sociétales. 

La question de la liberté d’expression en accord avec celle de la liberté de penser sont essentielles pour un progrès respectueux de l’humain. Sans doute, en amont de l’expression et de sa liberté se trouve la liberté de penser. Cependant, aujourd’hui la capacité même de penser et sa liberté sont sérieusement restreintes et conditionnées par le phénomène identitaire. Autrement dit, du fait du panféminisme et du genrisme,  véhiculés par ce que j’appelle les normes sociétales, les données linguistiques et leur combinaison se trouvent articulées par l’idéologie identitaire. À savoir qu’elles répondent à des critères préconçus et aux limites posées par un nouveau moralisme. La liberté de penser et son expression ne peuvent s’exercer alors qu’en-dehors du champ de ce moralisme sociétal. 

La crise morale et éthique du peuple brésilien n’est pas une simple anxio-dépression devant les terribles affaires de corruption des gouvernements de l’extrême gauche totalitaire (PT, Lula et Dilma Rousseff). C’est malheureusement bien plus que cela. La crise morale et éthique c’est l’expression d’un véritable état anomique touchant le plus intime de tous les secteurs de la population brésilienne.

Cette anomie dessine une nouvelle organisation psychique et une nouvelle psychopathologie qu’il s’agit de décrire et d’étudier. C’est pour cela que, depuis des années, j’étudie les troubles de civilisation, lesquels peuvent être, à mon avis, divisés en normes sociétales et en troubles macropsychiques. Plus précisément, la sexualité anomique et les protosexualités identitaires sont les éléments principaux de cette crise morale et éthique. C’est pour cette raison que le problème n’est pas strictement politique ou sociologique, mais civilisationnel. Et donc, il devient par là un problème éminemment psychanalytique, mais appartenant à une psychanalyse aménagée par de nouveaux concepts et appliquée aux questions macropsychiques.

Dans les troubles dont je parle, il s’agit d’angoisses profondes et permanentes devant l’augmentation exponentielle des violences sexuelles, des violences corporelles, de la délinquance et de la criminalité quotidiennes. Mais aussi des troubles de civilisation suivants : l’inversion des valeurs de civilisation ; la destruction progressive de la famille bio et la création de la famille identitaire ; les troubles de la parenté et de la transmission inter-générationnelle ; la promotion de l’idéologie genriste dans les écoles et les universités ; la substitution du sexe par le genre ; le mariage identitaire ; la dégradation du respect et de l’autorité ; la construction de relations artificielles fondés sur la division idéologique en lieu et place du lien de civilisation ; le déploiement de troubles psychiques liés au panféminisme, comme la victimisation ou la judiciarisation des relations hommes-femmes, la masculinisation des femmes, la féminisation des hommes ou la séparation des sexes ; la perversion sociétale de la langue parlée, de l’écriture et des troubles de la nomination ; l’émergence d’une nouvelle morale sadomasochiste et paranoïde faisant intrusion dans toutes les relations humaines ; les profondes modifications autoplastiques du corps et de la sexualité, dès la mode des tatouages intégrales jusqu’aux lourdes opérations de transformation sexuelle aux conséquences délétères ; la survalorisation de l’enivrement permanent dont la légalisation des drogues et la sur-consommation de médicaments psychotropes ; l’alimentation identitaire dans des formes de plus en plus extrêmes d’animalisme, de voracité ou de véganisme ; enfin, pour couronner le tout, le retour puissant d’une nouvelle vague de pédophilie érotique (comme celle des années 70), laquelle cherche à s’enraciner dans la légalité.

Nous savons que l’être humain du XXIeme siècle occidental va très mal. Mais lui-même, il ne se rend pas compte. Il trouve que ses troubles ce sont au contraire les signes d’un progrès de la société ou d’une évolution de l’humanité. Il perçoit le monde à travers le filtre de l’idéologie identitaire, nouvel opium du peuple. Et, de ce fait, il passe à aimer ses troubles, à les revendiquer comme étant sa nouvelle identité.

Cette crise morale et éthique est déjà, en soi, un vécu de l’extrême, comme on a pu l’expérimenter dans les pays totalitaires, qu’ils soient socialistes de l’extrême ou national-socialistes ou qu’ils soient communistes. À ce propos, nous devons indiquer ici que le nazisme et le véritable fascisme, comme ceux de l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste, ce sont les résultats violents et criminels d’un socialisme qui n’est plus de gauche ni de droite mais d’un mélange entre extrême gauche et extrême droite. Le fascisme est, à sa base, une politique d’extrême gauche qui, rencontrant le versant d’extrême droite, devient, par maturité totalitaire, violent et criminel. C’est aussi le cas du nazisme qui commence comme un socialisme nationaliste, proche de beaucoup de partis des travailleurs aujourd’hui de par le monde, mais qui s’allie rapidement avec des thèses racistes et criminelles. Ce modèle fasciste et nazi, où se mélangent l’extrême gauche et l’extrême droite, est présent également dans tous les régimes communistes, comme l’Union soviétique, la Chine maoïste ou le Venezuela actuel. Mais ce qui est typiquement postmoderne est le fait que maintenant ce sont les pays développés, ou en voie de l’être, qui présentent également ces troubles de civilisation sous la rubrique su sociétal. Nous voyons cela non pas seulement au Brésil mais aussi dans les pays européens, à la tête desquels, pour ces questions, se trouve la Suède.

Devant cette profonde crise morale et éthique, dont le terme que j’ai forgé est la jouissance identitaire, il y a un phénomène compensatoire. Il éclate sous la forme du terrorisme, qu’il soit islamiste, genriste (d’extrême gauche) ou suprémaciste (d’extrême droite). Au Brésil, le terrorisme n’est ni islamiste, ni suprémaciste, comme en Europe ou aux USA, mais, pour l’instant, seulement genriste. Il s’agit d’un terrorisme diffus, ancré dans le banal, quotidien, permanent, lancinant. C’est-à-dire qu’il se décline dans les violences sexuelles, dans les crimes sexuels, dans les crimes liés au trafic de drogue, dans l’apologie de la pédophilie, dans la persécution constante des valeurs hétérosexuelles.

Si Jair Bolsonaro a été élu au Brésil, c’est parce qu’il s’est présenté, et a été ainsi perçu, comme un véritable pompier capable d’intervenir d’urgence pour contrer cette catastrophe identitaire. C’est pour cela qu’il incarne précisément tout l’espoir, toute la joie, tout l’enthousiasme du peuple non-identitaire.

Espérons toutefois que Jair Bolsonaro ait l’énergie et la lucidité suffisantes pour résoudre le chaos produit par 13 ans des gouvernements Lula et Dilma Rousseff. Qu’il puisse ainsi, non seulement libéraliser l’économie, ouvrir le pays au marché international et stabiliser les finances. Mais surtout qu’il puisse éradiquer la propagande genriste des écoles et des universités publiques, comme il faut éradiquer également la propagande d’extrême droite ; abroger progressivement et de façon contrôlée le mariage et la famille identitaires ; refonder les valeurs d’ordre, de respect, d’autorité et de justice dans les relations hommes-femmes, parents-enfants et enseignants-élèves.

C’est seulement de cette façon, à mon avis, que l’on pourra commencer à diluer les troubles macropsychiques actuels. Et que le Brésil pourra repartir d’un bon pied pour le développement et le progrès. Ne négligions pas non plus le fait que ces questions sont aussi valables pour les pays européens. Un jour ou l’autre cela viendra à l’ordre du jour en Europe. Aurons-nous donc également besoin d’un Jair Bolsonaro ?

German ARCE ROSS. Paris, écrit entre le 6 et le 30 octobre 2018

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